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Notion de cohabitation en chômage : le premier arrêt de la Cour de cassation attendu

Commentaire de Cass., 9 octobre 2017, n° S.16.0084.N

Mis en ligne le jeudi 25 janvier 2018


Cour de cassation, 9 octobre 2017, n° S.16.0084.N

Terra Laboris

Par arrêt du 9 octobre 2017, la Cour de cassation rejette un pourvoi introduit par l’ONEm contre un arrêt de la Cour du travail de Gand (division Gand) du 5 septembre 2016, en matière de cohabitation au sens de la réglementation chômage.

Rétroactes

La Cour de cassation est saisie de la détermination du taux d’allocations de chômage dans l’hypothèse d’un partage des lieux de vie (immeuble). La Cour du travail de Gand a relevé – et ce essentiellement à partir d’un rapport d’enquête sociale effectuée par le C.P.A.S. (et ayant conclu à la qualité d’isolé lorsqu’il s’était agi d’accorder le revenu d’intégration sociale) – que l’immeuble est habité par quatre personnes. Le contrat de bail est rédigé au nom d’un des trois autres occupants et le loyer est partagé entre les quatre. Celui-ci, d’un montant de l’ordre de 215 euros, inclut les charges. L’intéressé s’occupe de réunir les contributions de chacun aux fins de remettre le loyer au bailleur. Sur le plan de l’occupation des lieux, chacun occupe une chambre privative. Un salon, ainsi que la cuisine, la salle de bain et les sanitaires sont partagés. L’immeuble ne possède qu’une sonnette et une boîte aux lettres.

Après ces constatations, la cour retient également que, avant la cohabitation, les intéressés ne se connaissaient pas et que les contrats de sous-location qui ont été conclus l’ont été à des moments différents. Des aménagements ont été apportés à la sonnette, des codes personnels par habitant étant prévus.

Quant aux conditions d’occupation elles-mêmes, la cour relève que les chambres étaient privatives, que les intéressés pouvaient y cuisiner de manière limitée, vu une installation minimale (plaques de cuisson et micro-ondes), et que, dans la cuisine commune, chacun dispose de son armoire ainsi que d’une place réservée dans le frigo. Pour ce qui est de la préparation des repas, elle est individuelle et chacun pourvoit à ses propres besoins. Par ailleurs, aucun budget commun n’a été prévu pour l’achat des produits ménagers.

Elle souligne, enfin, qu’il n’y a aucun moyen de transport communautaire.

Sur la base de ces constats, la Cour du travail de Gand conclut qu’il n’y a pas mise en commun des principales charges ménagères et que, en conséquence, l’intéressé n’a pas la qualité de cohabitant au sens de l’article 59, § 1er, de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991, qui précise la notion de cohabitation, étant qu’il y a lieu d’entendre par là le fait, pour deux ou plusieurs personnes, de vivre ensemble sous le même toit et de régler principalement en commun les questions ménagères. La cour du travail a dès lors considéré que l’allocation de chômage devait être payée au taux isolé.

Le pourvoi

L’ONEm s’est pourvu en cassation. La Cour statue essentiellement sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 110, §§ 2 et 3, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, ainsi que de l’article 59, § 1er, de l’arrêté ministériel d’exécution.

La décision de la Cour de cassation

La Cour donne la définition de la cohabitation. Pour décider qu’il y a cohabitation, étant que deux personnes vivent sous le même toit et règlent principalement en commun les questions ménagères, il est exigé – mais ceci ne suffit pas – qu’elles retirent du partage de l’habitation un avantage économico-financier. Pour la Cour suprême, il est également exigé qu’elles mettent en commun des tâches, des activités, ainsi que d’autres questions ménagères telles que l’entretien de l’habitat, éventuellement le règlement des questions de lessive, des courses ainsi que la préparation et la prise en commun des repas, de même encore, éventuellement, qu’elles y affectent des moyens financiers.

C’est au juge du fond d’apprécier en fait s’il y a règlement principalement en commun des questions ménagères.

Après avoir rappelé les constatations faites par la cour du travail, elle conclut que les juges d’appel pouvaient légalement considérer que l’intéressé ne réglait pas principalement en commun les questions ménagères avec les autres habitants de l’immeuble.

Le pourvoi est dès lors rejeté.

Intérêt de la décision

La notion de cohabitation en matière de chômage fait actuellement l’objet de très nombreuses décisions qui concluent au maintien du taux isolé même en cas de partage d’un lieu de vie.

Plusieurs arrêts ont ainsi été rendus par la Cour du travail de Bruxelles (voir notamment C. trav. Bruxelles, 5 avril 2017, R.G. 2015/AB/913 et C. trav. Bruxelles, 5 janvier 2017, R.G. 2016/AB/40). Dans son arrêt du 5 avril 2017, la cour du travail avait été saisie d’un cas où elle avait constaté l’absence de solidarité dans le paiement du loyer, mais un partage d’une partie des lieux de vie (cuisine et salle de bain). Dans l’arrêt du 5 janvier 2017, elle avait souligné que l’inscription à la même adresse n’était pas à elle-seule décisive, les conditions de fait de cette espèce étant le partage de la cuisine et du séjour, avec le bénéfice d’une partie privative (chambre et salle de bain). La cour avait ici rappelé la cherté des loyers et les difficultés du choix d’un mode de logement dans ce contexte. S’il y a, dans cette situation, obligation de partage de certaines commodités communes, ceci ne signifie pas mise en commun des charges ménagères de manière principale.

D’autres décisions sont également intervenues, rappelant, en général, que l’arrêté ministériel entend privilégier une approche réaliste et que la cohabitation ne peut se déduire du partage de toute question généralement quelconque mais seulement du règlement principalement en commun des questions ménagères, l’adverbe « principalement » ayant toute son importance.

D’autres décisions de la Cour de cassation devraient intervenir prochainement.

Affaire à suivre donc…


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