Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 12 novembre 2013, R.G. 13/5.870/A
Mis en ligne le 22 mai 2014
Les articles 32quinquiesdecies et 32septiesdecies de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail violent les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans l’interprétation selon laquelle ils empêchent de faire en sorte que soit ordonnée, dans le cadre d’une procédure en justice et en application de l’article 877 du Code judiciaire, la production de pièces qui sont détenues par le conseiller en prévention et qui relèvent en principe du secret professionnel.
Il n’y a pas de violation dans l’interprétation contraire, tenant compte de ce que, puisqu’il est compétent pour fixer les modalités dans lesquelles la production de documents peut être ordonnée, le juge peut demander que ces documents lui soient remis à lui seul afin qu’il puisse estimer s’ils constituent, ou non, des documents indispensables au respect du principe du contradictoire dans le cadre du litige dont il est saisi, de sorte que ces documents devraient être divulgués, le cas échéant, après avoir été anonymisés ou purgés d’informations qui pourraient aller à l’encontre de droits fondamentaux qu’il estime devoir protéger. Le juge peut également apprécier si, dans les circonstances de l’espèce, le secret professionnel peut constituer un motif légitime susceptible de justifier que certains documents ne puissent être produits. (point B.13.3)
En rendant le conseiller en prévention détenteur du secret professionnel consacré par l’article 458 du Code pénal, le législateur a entendu assurer l’efficacité de la procédure d’examen de la plainte en renforçant la confiance que les intervenants doivent ressentir lorsqu’ils sont appelés à lui révéler des informations sensibles. Confronté à une demande de production d’un de ses rapports sur pied de l’article 877 du Code judiciaire, le juge dispose néanmoins de la latitude nécessaire pour fixer les modalités dans le cadre desquelles cette production peut être ordonnée, « pouvant, également, apprécier si, dans les circonstances de l’espèce, le secret professionnel pouvait constituer un motif légitime susceptible de justifier que certains documents ne puissent être produits » (voy. supra l’arrêt n° 2/2019 de la Cour constitutionnelle), ce qu’il devra faire en mettant en balance, à la lumière de la cause dans son ensemble, les intérêts respectifs des intervenants, étant, pour l’un, celui de se voir garantir le droit au respect de sa vie privée (envisagée sous l’angle du respect de ses droits et intérêts professionnels) et, pour l’autre, celui de se voir offrir la possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne le placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire.
Ce principe de l’égalité des chances – et du droit à un procès équitable – peut ainsi commander, pour apprécier la demande (en l’espèce, d’indemnisation du chef de licenciement abusif), la production du rapport dressé par un conseiller en prévention, ce rapport n’étant autre que la traduction du regard extérieur posé par un spécialiste en aspects psychosociaux sur une situation conflictuelle entre travailleurs et qui, grâce à sa formation spécifique et à l’analyse objective, indépendante et impartiale à laquelle il se livre, peut contribuer à aider le juge dans la recherche de la vérité sur le comportement de l’un d’entre eux et les rapports qu’il entretient avec ses subordonnés.
(Décision commentée)
Plainte pour harcèlement : quels documents peuvent-ils être communiqués dans le cadre d’une procédure judiciaire ?