Terralaboris asbl

Aide médicale urgente


Cass.


C. trav.


Documents joints :

C. const.


  • La Cour constitutionnelle a répondu à la question posée par le Tribunal du travail de Liège (division Namur) dans un jugement du 22 avril 2022 (s’agissant de savoir si l’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’il traite de manière identique, d’une part, les étrangers en séjour illégal ne sollicitant aucun titre de séjour, d’autre part, les étrangers (en séjour illégal mais ayant introduit une demande de régularisation sur pied de l’article 9bis, la première et la seconde catégorie étant privée de toute aide sociale sans possibilité légale de subvenir à ses besoins) qu’il n’y a pas violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Pour la Cour, c’est au législateur qu’il appartient de mener une politique concernant l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et de prévoir à cet égard, dans le respect du principe d’égalité et de non-discrimination, les mesures nécessaires qui peuvent notamment porter sur la fixation des conditions auxquelles le séjour d’un étranger en Belgique est légal ou non. Le fait qu’il en découle une différence de traitement entre étrangers est la conséquence logique de la mise en œuvre de ladite politique (B.8.2.).

  • La Cour rejette un recours en annulation de l’article 5 de la loi du 29 mars 2018 modifiant les articles 2 et 9ter de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les centres publics d’action sociale, en tant qu’il remplace le paragraphe 5 de l’article 9ter de celle-ci. Les moyens portaient notamment sur ce que la disposition attaquée viole l’obligation de standstill attachée au droit à la protection de la santé et à l’aide sociale et médicale des bénéficiaires de l’aide médicale urgente, garanti par l’article 23 de la Constitution et qu’elle constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée des bénéficiaires de l’aide médicale urgente, en ce qu’elle met en place un contrôle de la justification médicale des prestations de soins effectuées dans le cadre de cette aide dont le remboursement est effectué via l’application Mediprima.

Cass.


  • Le C.P.A.S. doit accorder l’aide médicale urgente à l’étranger qui séjourne illégalement sur le territoire s’il apparaît que, sans son intervention, celui-ci ne peut pas mener une vie conforme à la dignité humaine. Lors de l’appréciation de ce critère, les moyens de subsistance de certains membres du ménage et de la famille avec qui il cohabite peuvent être pris en compte. Par « cohabitation », il faut, au sens de ces dispositions, comprendre le fait de vivre sous le même toit dans le chef de personnes qui règlent principalement en commun les tâches ménagères. La notion de cohabitation suppose une certaine durée. Cette condition (à savoir de vivre sous le même toit et régler principalement en commun les tâches ménagères pendant une certaine durée) doit être vérifiée par le juge du fond.

  • Il découle de l’article 57, § 2, 1°, de la loi organique des C.P.A.S. que la mission de ceux-ci se limite à l’octroi de l’aide médicale urgente à l’égard d’un étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume s’il apparaît que celui-ci ne peut sans cette intervention mener une vie conforme à la dignité humaine. La seule circonstance qu’un tiers se soit porté caution pour cet étranger pour la prise en charge du coût d’un dispensateur de soins ou d’une institution de soins ne modifie pas le fait que l’étranger reste le débiteur principal de la dette et n’exonère pas le C.P.A.S. de son obligation d’intervention dans le paiement de ladite aide médicale urgente.
    Il ne peut dès lors être considéré que, si un fils s’est engagé à prendre en charge les frais médicaux relatifs au séjour de sa mère dans un hôpital, l’intéressée ne peut bénéficier d’une aide au motif que, l’aide médicale urgente étant une forme d’aide sociale résiduaire, le C.P.A.S. ne doit intervenir que lorsque personne d’autre n’assume ces frais.

  • (Décision commentée)
    L’article 60 de la « loi accueil » prévoit que l’Agence FEDASIL doit accorder l’aide matérielle aux mineurs séjournant illégalement avec leurs parents sur le territoire et dont l’état de besoin a été constaté par le C.P.A.S., et ce dès lors que ces mêmes parents ne sont pas en mesure de remplir leur devoir d’entretien vis-à-vis d’eux. Cette aide est prise en charge dans le cadre des structures d’accueil de FEDASIL.
    Si les conditions d’octroi de l’aide matérielle sont remplies, l’article 4 de l’arrêté royal du 24 juin 2004 fait obligation aux C.P.A.S. d’informer le demandeur qu’il peut obtenir cette aide dans un centre d’accueil et le demandeur doit s’engager par écrit sur son souhait ou non de bénéficier d’une telle aide. En cas d’acceptation de la proposition d’hébergement, le C.P.A.S. doit informer FEDASIL de la décision d’octroi de l’aide matérielle.
    Si l’aide matérielle n’est pas demandée ou si le demandeur n’a pas pris l’engagement écrit ci-dessus sur le fait qu’il souhaite cette aide, la mission d’octroyer l’aide médicale urgente aux parents et aux enfants mineurs incombe au C.P.A.S. en vertu de l’article 57, § 2, alinéa 1er, de la loi du 8 juillet 1976.

  • Prise en charge de frais d’hospitalisation d’urgence - absence de condition de demande préalable, enquête ou décision

C. trav.


  • Le fait que si la mission du C.P.A.S. est, en application de l’article 57, § 2, alinéa 1er de la loi du 8 juillet 1976, uniquement limitée à l’aide médicale urgente à l’égard des étrangers en séjour illégal, elle ne l’est pas à l’égard de l’étranger en séjour irrégulier. Le fait qu’en tout état de cause, même à l’égard de l’étranger en séjour illégal, le droit au respect de la vie privée et familiale, consacré à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme – article qui trouve un écho à l’article 22 de la Constitution –, ne peut faire obstacle à l’application de cet article 57, § 2, si la mesure d’éloignement imposée à un parent en séjour illégal d’un enfant belge est contraire à celui-ci, ce qui est le cas si les conséquences de cet éloignement sur le droit à la vie familiale des personnes concernées sont disproportionnées.

  • L’aide médicale urgente revêt est de nature exclusivement médicale et son caractère urgent doit être attesté par un certificat médical. Cette aide ne peut pas être une aide financière, un logement ou une autre aide sociale en nature. Elle peut être prestée tant de manière ambulatoire que dans un établissement de soins. Elle peut couvrir des soins de nature tant préventive que curative. Quant à la nécessité de l’aide médicale urgente, elle est, en premier lieu à tout le moins, laissée à l’appréciation du médecin qui l’atteste.

  • Lorsque la juridiction du travail est saisie d’une demande d’écartement de l’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 organique des C.P.A.S., il lui appartient de vérifier si le demandeur justifie d’une violation de l’article 8 de la C.E.D.H. Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que, lorsque la situation de séjour de l’étranger est d’une précarité telle que la poursuite de sa vie de famille dans le pays d’accueil est, dès le début, incertaine, ce n’est qu’en présence de circonstances exceptionnelles que son éloignement peut constituer une violation de l’article 8. En matière d’immigration, il n’y a pas de « vie familiale » entre parents et enfants adultes, à moins que ne soit démontrée l’existence d’éléments supplémentaires de dépendance autres que des liens affectifs normaux. De tels liens peuvent toutefois être pris en considération sous le volet de la « vie privée ». La Cour a admis, dans un certain nombre d’affaires concernant de jeunes adultes qui n’avaient pas encore fondé leur propre famille, que leurs liens avec leurs parents et d’autres membres de leur famille proche s’analysaient également en une vie familiale. Indépendamment de l’existence ou non d’une « vie familiale », l’expulsion d’un immigré établi s’analyse en une atteinte à son droit au respect de la vie privée. La Cour européenne a ainsi jugé que l’expulsion d’un migrant adulte condamné pour de graves infractions, qui n’avait ni enfants ni lien de dépendance avec ses frères, sœurs et parents et avait constamment fait preuve d’un manque de volonté de se conformer à la loi, n’avait pas porté atteinte à la « vie privée » de l’intéressé.

  • Il ressort du Guide sur l’article 8 de la Convention européenne (réalisé par les services administratifs de la Cour) que le principe est le contrôle de l’entrée et du séjour des étrangers et l’absence d’obligation de l’Etat d’autoriser leur séjour, avec pour corollaire l’obligation pour les étrangers de se soumettre aux procédures et de quitter le territoire s’ils en reçoivent l’ordre parce que l’entrée ou le séjour leur ont été valablement refusés. La longueur d’une procédure ne suffit pas à conclure à la violation de l’article 8, la cour constatant en l’espèce que les procédures d’asile formées par la famille ont été traitées avec diligence. L’article 8 ne peut dès lors être invoqué pour permettre de déroger à l’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976.

  • En vertu de l’article 1er de l’arrêté royal du 12 décembre 1996 relatif à l’aide médicale urgente octroyée par les centres publics d’aide sociale aux étrangers qui séjournent illégalement dans le Royaume, l’aide médicale urgente concerne l’aide qui revêt un caractère exclusivement médical et dont le caractère urgent est attesté par un certificat médical. Cette aide ne peut pas être une aide financière, un logement ou une autre aide sociale en nature. Elle peut être prestée tant de manière ambulatoire que dans un établissement de soins et peut couvrir des soins de nature tant préventive que curative. La nécessité médicale urgente est, en premier lieu à tout le moins, laissée à l’appréciation du médecin qui l’atteste.

  • Les « principes » et les « libertés » consacrés au chapitre « Solidarité » de la Charte des droits fondamentaux ne sont assurément pas tous des droits fondamentaux et ne peuvent être invoqués en tant que tels par les particuliers. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui a, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la même valeur juridique que les Traités, opère une distinction entre « droits » et « principes » en ses articles 51 et 52. L’expression selon laquelle « l’Union reconnaît et respecte » le droit mentionné est un indicateur fiable de l’intention des auteurs de la Charte de ne reconnaître à celui-ci que la valeur d’un « principe », qui ne saurait, en lui-même, conférer aux particuliers un droit subjectif invocable en tant que tel, ou, ce qui revient au même, être par lui-même source d’une obligation à charge des institutions de l’Union et des Etats membres. La portée de ce texte, qui formule essentiellement un objectif de lutte « contre l’exclusion sociale et la pauvreté » qui passe par l’engagement d’« assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes », est donc limitée et ne permet pas, à l’estime de la cour, de remettre en cause le principe de la limitation de l’aide sociale inscrite dans l’article 57, § 2, de la loi de 1976.

  • En vertu de l’article 6 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient et de l’article 61 de la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS, le demandeur, à qui il ne peut être imposé d’intervenir financièrement dans le coût de l’aide médicale qu’il sollicite, a le libre choix des praticiens auxquels il souhaite faire appel. Ce principe pourrait éventuellement être tempéré par des considérations financières, dans la mesure où le CPAS établirait que le choix effectué entraîne une augmentation injustifiée des coûts, alors que d’autres praticiens ou officines seraient susceptibles d’intervenir à moindres frais.

  • L’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 ne définit pas ce qu’il y a lieu d’entendre par « séjour illégal », renvoyant ainsi aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. Il n’en va autrement que pour les demandeurs d’asile pour lesquels l’article 57, § 2, alinéa 4 subordonne le séjour illégal à deux conditions : le rejet de la demande d’asile et la notification d’un ordre de quitter le territoire. Pour les autres catégories d’étrangers, le séjour illégal ne requiert en règle pas qu’un ordre de quitter le territoire ait été notifié. L’article 57, § 2, n’est pas applicable à des étrangers qui ne peuvent être contraints de quitter le territoire pour des raisons médicales, administratives ou en vertu d’une disposition légale interdisant leur éloignement. De même, lorsque les articles 3 ou 8 de la Convention européenne des droits de l’homme font obstacle à ce que des étrangers soient éloignés du territoire sur lequel ils séjournent.

  • Hébergement d’un mineur en centre d’accueil uniquement si les conditions de l’article 57, § 2, 2° sont remplies - droit pour la famille à l’aide médicale urgente - état de besoin

  • (Décision commentée)
    Référence à l’état de besoin – forme de l’aide sociale

  • Entrée en Belgique avec visa touristique – séjour devenu illégal – obligation de refaire dans le pays d’origine les formalités requises pour revenir légalement en Belgique – absence de force majeure – absence de droit à une aide sociale

  • Etrangers en séjour illégal – (1) non-application de l’article 57 § 2 à la condition d’établir la force majeure (médicale ou administrative) d’exécuter un OQT – preuve à rapporter dans le chef de l’étranger – (2) conditions d’application de l’article 19 § 2 CJ : urgence et créance établie ou à tout le moins non contestable

  • (Décision commentée)
    Aide médicale urgente et hébergement en maison de repos et de soins

  • (Décision commentée)
    Aide médicale urgente

Trib. trav.


  • Une demande de prise en charge de factures médicales peut entrer dans la notion d’aide médicale urgente pour autant que l’urgence des soins concernés soit démontrée a posteriori, le cas échéant en cours de procédure. Par ailleurs, en vertu de l’article 6 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient et de l’article 61 de la loi du 8 juillet 1976, le patient a le libre choix des praticiens professionnels des soins de santé auxquels il fait appel.

  • L’article 3 de la C.E.D.H. (combiné avec l’article 1er) impose aux Etats et à leurs autorités – y compris juridictionnelles – des obligations positives de prévention de nature à empêcher qu’une personne relevant de leur juridiction ne soit soumise à un traitement dégradant, même s’il n’est pas intentionnel. Un traitement qui n’est pas compatible avec la dignité humaine peut être dégradant s’il atteint une certaine gravité. L’article 3 de la C.E.D.H. a un caractère absolu et le droit à l’aide médicale urgente pour un étranger en séjour illégal, qui a besoin de soins médicaux urgents et qui se trouve dans un état de besoin ne lui permettant pas de supporter le coût de ceux-ci par lui-même ou en faisant appel à ses débiteurs alimentaires, est un droit fondamental donnant effet à l’article 23 de la Constitution.


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