Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Liège), 6 novembre 2020, R.G. 18/1.747/A
Mis en ligne le 15 juin 2021
L’article 7 de la Directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, et l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale (…) en vertu de laquelle, à défaut pour le travailleur d’avoir demandé à pouvoir exercer son droit au congé annuel payé au cours de la période de référence concernée, ce travailleur perd, à la fin de cette période, automatiquement et sans vérification préalable du point de savoir si celui-ci a été effectivement mis en mesure d’exercer ce droit par l’employeur, notamment par une information adéquate de la part de ce dernier, les jours de congé annuel payé acquis en vertu desdites dispositions au titre de ladite période ainsi que, corrélativement, son droit à une indemnité financière au titre de ces congés annuels payés non pris en cas de fin de la relation de travail. Il incombe, à cet égard, à la juridiction de renvoi de vérifier, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit qui soit de nature à garantir la pleine effectivité du droit de l’Union. (Extrait du dispositif)
Il résulte de l’arrêt que la C.J.U.E. a prononcé le 19 novembre 2019 (Aff. n° C-609/17 et C-610/17) que la jurisprudence qu’elle avait développée dans son arrêt du 6 novembre 2018 (Aff. n° C-684/16) ne peut être appliquée aux jours de congés annuels payés octroyés par C.C.T. sectorielle qui excèdent la période minimale de quatre semaines prévue par l’article 7, § 1er, de la Directive n° 2003/88/CE concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. Il n’en demeure pas moins que l’employeur relevant d’une CP au sein de laquelle une CCT octroie de tels jours de congés extra-légaux en raison de l’ancienneté est tenu de les accorder, sans pouvoir invoquer l’absence de demande du travailleur durant son occupation pour faire échec à l’obligation qu’il avait d’octroyer ce congé d’ancienneté et à celle, corrélative, de mettre en œuvre des modalités ─ telle que, notamment, l’information de son personnel ─ pour assurer le respect effectif de ce droit. À défaut de les avoir assumées, il ne peut être question d’une quelconque renonciation à ce droit dans le chef du bénéficiaire de ce congé, ni d’une quelconque immunité à la sanction dont l’article 189 du Code de droit pénal social punit l’infraction commise en ne l’octroyant pas. Il y a, en revanche lieu d’appliquer les dispositions du droit commun de la responsabilité contractuelle.
(Décision commentée)
Le travailleur doit bénéficier d’un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé. Ceci ne signifie pas que, si le travailleur n’a pas pu prendre ses congés dans le délai de douze mois suivant l’exercice de vacances, il est forcément privé de toute compensation financière. La privation d’une telle compensation ne peut intervenir que si le travailleur a effectivement eu la possibilité d’exercer ce droit au congé annuel. Si cette compensation financière n’est prévue ni dans les lois coordonnées du 28 juin 1971 ni dans l’arrêté royal du 30 mars 1967, les règles de droit commun de la responsabilité contractuelle doivent pouvoir s’appliquer dès lors que l’employeur a commis un manquement contractuel ayant causé un préjudice au travailleur. L’employeur a l’obligation de respecter les obligations légales applicables en matière de temps de repos et il ne peut adopter une attitude purement passive, attendant que les travailleurs réclament le bénéfice des dispositions légales. Il s’agit en l’espèce de jours de congés sectoriels.