Commentaire de Cass., 13 novembre 2017 (3e ch.), n° S.17.0028.F
Mis en ligne le 15 janvier 2018
(Décision commentée)
La Cour de cassation tranche la question de la date à prendre en considération pour vérifier si une requête introductive d’instance envoyée par lettre recommandée au tribunal du travail dans un cas permis par la loi a interrompu la prescription annale.
L’action introduite par ou contre une association sans personnalité juridique est irrecevable. Les organisations représentatives de travailleurs constituent des associations de fait, qui, en règle générale, n’ont pas la qualité requise pour agir en justice – hors les exceptions prévues par la loi. Une citation lancée contre une association de fait étant irrecevable, elle ne peut interrompre la prescription de l’action qui aurait dû être introduite en l’occurrence auprès du président-secrétaire du syndicat.
En vertu de l’article 2244, § 1er, al. 1er, du Code civil, une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire, forment l’interruption civile. L’article 1410, § 4, al. 1er, du Code judiciaire permet de récupérer les prestations payées indûment en matière de sécurité sociale d’office à concurrence de 10% de chaque prestation ultérieure fournie au débiteur de l’indu ou à ses ayants-droits. Cette récupération constitue un paiement au bénéfice du créancier par le biais de la compensation légale mais n’est pas une saisie au sens de l’article 2244, § 1er, al. 1er, ci-dessus.
La prescription peut être opposée en tout état de cause même devant la cour d’appel, à moins que la partie qui n’aurait pas opposé le moyen de la prescription ne doive, par les circonstances, être présumée y avoir renoncé. La renonciation à un droit est de stricte interprétation et ne peut se déduire que de faits non susceptibles d’une autre interprétation.
Si la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrit, cette reconnaissance ne manifeste pas sa volonté de renoncer à la prescription acquise.
Une demande insérée dans les motifs d’un écrit de conclusions est régulièrement soumise au juge, quoiqu’elle ne soit pas reproduite dans le dispositif de cet écrit, ce qui implique de lire celui-ci dans son entièreté, en ne se limitant pas au dispositif. Ce qui est vrai des conclusions l’est également d’un acte introductif d’instance. Une demande régulièrement soumise au premier juge dans la requête introductive d’instance interrompt donc valablement la prescription, quand bien même elle n’a pas été reprise dans le dispositif de l’acte.
L’avenant à un contrat de travail, en ce qu’il s’agit d’un acte de modification du contrat initial, ne se conçoit pas sans celui-ci, dont il fait partie intégrante. Ainsi, l’action de l’appelant visant à obtenir la nullité de l’avenant au contrat de travail du fait du dol commis par l’intimé, est soumise au délai de prescription visé à l’article 1304 du Code civil (qui précise que dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure dix ans). En effet, la loi du 3 juillet 1978 ne comporte pas de dispositions particulières applicables à l’action en nullité d’un contrat de travail. Par conséquent, c’est à tort que l’intimé a invoqué l’article 15 de ladite loi pour soutenir que l’action en nullité de l’avenant au contrat de travail serait prescrite.
Même compte tenu de ce qu’elle vaut non seulement pour la demande qu’elle comporte mais aussi pour toutes celles qui y sont virtuellement comprises en vertu de l’article 2244 du Code civil, la citation introductive d’instance ne peut avoir d’effet interruptif pour une demande de dommages et intérêts visant à obtenir la réparation, en raison d’une faute (en l’occurrence le fait pour la partie citée de s’être présentée comme l’employeur ou à tout le moins d’avoir tardé à contester cette qualité), de la perte d’une chance d’obtenir en justice l’indemnisation du licenciement, sous la forme d’une indemnité compensatoire de préavis et d’une prime de fin d’année, une telle demande n’étant pas virtuellement comprise dans la demande originaire en paiement de ces deux indemnités.
Il en va d’autant plus ainsi que la faute alléguée a été commise en cours de procédure après la citation originaire, qui ne pouvait donc comporter, même virtuellement, une demande de réparation du dommage susceptible d’en découler.
Validité de l’interruption de la prescription par une citation devant un tribunal étranger incompétent
La citation introductive d’instance interrompt la prescription à dater de sa signification, sous la condition qu’elle soit ensuite valablement inscrite au rôle. Par extension de la portée de l’article 2244 C.civ. et en application de l’article 746 C.jud., l’introduction d’une demande en justice par conclusions (notamment les demandes nouvelles et reconventionnelles) interrompt, elle, la prescription au moment du dépôt de celles-ci (et non à la date de l’introduction de la demande principale). En conséquence, si les conclusions prises contiennent soit une demande nouvelle, soit une demande reconventionnelle, il est prudent de s’assurer de leur dépôt effectif au greffe (sans se contenter de laisser ce soin à la poste) et ce, tant au regard d’un éventuel risque de prescription qu’en vue de faire courir les intérêts judiciaires.
Dans le cas de la requête contradictoire, tant que la contribution au Fonds budgétaire pour l’aide juridique de deuxième ligne n’a pas été payée, l’affaire n’est pas inscrite au rôle et le greffier ne peut convoquer les parties. La requête n’a, dans l’attente de ce paiement, aucune existence au sens juridique du terme et ne peut produire aucun effet, quel qu’il soit. Elle n’a, ainsi, aucun effet interruptif de prescription, ce qui était également le cas, avant le 1er janvier 2019, de la requête pour laquelle les droits de rôle n’avaient pas été payés.