Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Liège), 15 novembre 2022, R.G. 21/3.511/A
Mis en ligne le 26 mai 2023
Commentaire de Trib. trav. fr. Bruxelles, 3 septembre 2020, R.G. 19/1.116/A
Mis en ligne le 12 février 2021
La C.C.T. n° 109 trouve à s’appliquer lorsque le licenciement intervient après les 6 premiers mois d’occupation. Elle n’opère pas de distinction fondée sur l’ancienneté et le montant de l’indemnité ne peut dépendre de ce critère.
La gradation du caractère manifestement déraisonnable du licenciement s’apprécie au regard des éléments qui confèrent au licenciement ce caractère. Ainsi, si l’employeur a détourné de son objectif économique et social le droit de licencier, invoquant un motif grave qui n’était manifestement pas établi et imputant à l’employé des faits qui étaient offensants (la cause réelle du licenciement étant étrangère à la sphère professionnelle).
La notion d’occupation visée à l’article 2, § 2, de la CCT 109 s’identifie à celle d’ancienneté telle qu’utilisée pour le calcul de la durée du délai de préavis, elle-même définie à l’article 37/4 de la loi du 3 juillet 1978.
La condition de 6 mois repose sur un critère objectif, à savoir l’écoulement d’un laps de temps. Décider qu’elle est contraire au principe d’égalité ouvrirait la porte à la remise en cause de toute disposition dont l’application/inapplication est liée à l’écoulement d’un laps de temps, comme, p.ex., la détermination de la durée des préavis, la durée de validité d’une clause d’écolage, le droit au salaire garanti, la durée de la protection de la maternité, du crédit-temps ou du congé thématique, etc., avec pour conséquence la mise en péril de la sécurité juridique.
(Décision commentée)
La condition de 6 mois d’ancienneté doit se comprendre comme contrebalançant la suppression de la clause d’essai et l’allongement des délais de préavis, principalement dans le chef des ouvriers et, de façon très limitée, dans celui des employés dont l’ancienneté atteint 3 mois qui ne sont plus susceptibles d’être licenciés durant la période d’essai moyennant préavis réduit. Elle consacre, en quelque sorte, le droit à l’erreur de l’employeur dans le cadre du processus d’engagement, lequel peut néanmoins toujours, s’il a exercé ce droit de manière fautive, être sanctionné en application de la théorie de l’abus de droit.
Même jurisprudence que Trib. trav. Liège (div. Neufchâteau), 12 juillet 2022, R.G. 21/105/A
En fixant le délai d’occupation requis à un minimum de 6 mois, les auteurs de la CCT n° 109 sont arrivés à un compromis entre le principe fondamental de la liberté du travail et le contexte international et européen qui avait, au fil du temps, développé des instruments juridiques visant à garantir au travailleur, d’une part, le droit de connaître les motifs de son licenciement et, d’autre part, celui d’être protégé contre un licenciement manifestement déraisonnable, ce tout en admettant le principe d’une exception durant une période déterminée en début de contrat pour autant qu’elle soit raisonnable et préfixée. Déterminer un délai comportant, en soi, une part d’arbitraire, celui retenu par ladite CCT ne saurait être qualifié sans plus de déraisonnable ; il n’apparaît pas plus disproportionné par rapport à l’objectif de garantie susdit, a fortiori au début de la relation de travail.
(Décision commentée)
Il y a lieu d’écarter l’article 2, § 2, 1er tiret, de la C.C.T. 109 (exigence d’une ancienneté de six mois), cette distinction étant contraire au principe d’égalité. Le tribunal renvoie notamment à la doctrine qui s’est interrogée sur la raison pour laquelle le licenciement d’un travailleur engagé à durée indéterminée ne pourrait pas être déraisonnable s’il intervient après cinq mois d’occupation alors que ce serait le cas s’il était licencié un mois plus tard et retient que ni le rapport précédant la C.C.T. n° 109 ni le commentaire de son article 2 ne précisent le motif pour lequel les travailleurs qui n’ont pas cette ancienneté ont été exclus du bénéfice de la C.C.T.
La notion d’occupation utilisée à l’article 2, § 2, de la C.C.T. n° 109 s’identifie à celle d’ancienneté telle qu’utilisée pour le calcul de la durée du délai de préavis définie à l’article 37/4 de la loi du 3 juillet 1978, de sorte que la jurisprudence relative à l’article 37/4 trouve à s’appliquer à propos de l’article 2, § 2, de la C.C.T. Si l’ancienneté de service doit être continue et ne doit prendre en compte que la période durant laquelle le travailleur est resté au service de la même entreprise de manière ininterrompue, ce principe est tempéré en cas de conclusion d’un nouveau contrat de travail auprès du même employeur faisant suite à la rupture d’un premier contrat auprès de celui-ci, et ce lorsqu’il est établi que l’interruption a été imposée par l’employeur.
Aux fins de vérifier le caractère manifestement déraisonnable du licenciement, conformément aux dispositions de la C.C.T. n° 109, il faut que le travailleur bénéficie d’une ancienneté de 6 mois. L’article 2, § 2, de la C.C.T. dispose que des contrats antérieurs successifs à durée déterminée ou de travail intérimaire pour une fonction identique chez le même employeur entrent en ligne de compte pour le calcul des 6 premiers mois d’occupation. La définition de contrats antérieurs successifs est celle à laquelle il est fait référence à l’article 37, § 4, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, selon lequel la période d’occupation que le travailleur a effectuée en tant qu’intérimaire chez l’employeur en qualité d’utilisateur entre en ligne de compte pour le calcul de l’ancienneté avec un maximum d’un an.