Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 mars 2018, R.G. 2017/AB/419
Mis en ligne le 14 décembre 2018
La faute de l’autorité administrative qui peut, sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil, engager sa responsabilité consiste en un comportement qui, ou bien, sous réserve d’une erreur invincible ou d’une autre cause de justification, viole une norme de droit national ou d’un traité international ayant des effets dans l’ordre juridique interne imposant à cette autorité de s’abstenir ou d’agir d’une manière déterminée, ou bien s’analyse en une erreur de conduite devant être appréciée suivant le critère de l’autorité normalement soigneuse et prudente, placée dans les mêmes conditions (avec renvoi à Cass.,1re ch.,9 février 2017, C.13.0528.F).
Il incombe au demandeur en réparation d’établir l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le dommage tel qu’il s’est réalisé ; ce lien suppose que, sans la faute, le dommage n’eût pu se produire tel qu’il s’est produit.
Même si en l’espèce l’administration a mis de nombreux mois avant de réclamer un indû, le dommage ne consiste pas dans l’indû lui-même mais pourrait pour la cour consister par exemple dans les intérêts que l’intéressé devrait rembourser s’il devait emprunter des sommes pour faire face à ses charges en raison des retenues effectuées sur ses allocations aux personnes handicapées dans le respect des dispositions légales en vue de rembourser l’indû.
Si un assuré social dans les conditions de pouvoir bénéficier du tarif social en matière d’énergie a subi un dommage, étant qu’il a été privé du tarif social pour une période déterminée vu l’absence de délivrance des attestations correspondantes par le SPF Sécurité sociale alors qu’il remplissait les conditions pour en bénéficier, l’on peut retenir une faute dans le chef de celui-ci. Le bénéfice du tarif social ayant été limité en raison du caractère tardif de la communication des attestations en cause, le lien de causalité avec le dommage est établi et il y a lieu à réparation.
L’Etat belge commet une faute en mettant subitement fin aux allocations alors que la situation administrative de l’intéressé n’a pas changé, et ce sans l’avertir qu’il était en mesure de la régulariser par son inscription au registre de la population. Une telle information peut être dispensée par le SPF Sécurité sociale, quand bien même ce ministère est distinct de l’Office des Etrangers. Il en va d’autant plus ainsi que l’Etat belge précise lui-même que le site internet du SPF reprend que, parmi les conditions à remplir, il faut être inscrit au registre de la population. L’Etat belge avait dès lors connaissance de cette condition à remplir et aurait pu en informer l’intéressé lorsqu’il a entamé sa révision d’office. Un dommage a été causé, l’intéressé ayant été privé des allocations pendant une période déterminée.
Vu les éléments repris sur le formulaire complété par le médecin-traitant et les informations médicales portées à sa connaissance (en l’occurrence amputation d’une jambe – élément nouveau) et eu égard à ses obligations d’information et de conseil, l’Etat belge aurait dû examiner une demande de carte de stationnement également sous l’angle d’une demande d’A.I., quitte à inviter le médecin à compléter son évaluation. L’Etat belge voit sa responsabilité engagée et est tenu de verser des arrérages-décès (à la veuve) équivalents à une allocation d’intégration en catégorie 4 depuis la date de la demande jusqu’à l’introduction de la demande d’A.I. en bonne et due forme.
(Décision commentée)
Les institutions de sécurité sociale ont une obligation d’information ainsi qu’une obligation de conseil. A partir du moment où la décision du médecin-délégué de l’Etat belge a été rendue et que celle-ci concluait à la possibilité d’une prestation plus élevée, l’Etat belge avait l’obligation d’informer l’intéressée de la nécessité d’introduire une nouvelle demande d’allocation d’intégration. L’arrêté royal du 22 mai 2003 relatif à la procédure concernant le traitement des dossiers en matière d’allocations aux personnes handicapées prévoit en effet que, si une nouvelle demande est introduite dans les trois mois suivant la survenance d’un fait qui justifierait l’octroi ou la majoration de la prestation (ou la date à laquelle le demandeur en a eu connaissance), la nouvelle décision à intervenir peut produire ses effets immédiatement, étant le premier jour du mois qui suit la date visée en premier lieu et au plus tôt le premier jour du mois qui suit la même date que celle de la décision à modifier.
Responsabilité de l’Etat belge - violation des articles 8 et 13 de l’A.R. du 22 mai 2003, des articles 3, 4 et 9, alinéa 3 de la Charte de l’Assuré social
Il y a lieu de retenir la responsabilité de l’Etat belge si le SPF Sécurité sociale a failli à son devoir d’information, en vertu duquel il est tenu d’aviser la personne handicapée de la possibilité d’introduire une demande d’A.P.A., et ce au moment où il procède à une révision d’office ayant abouti à ce que la suppression de l’A.R.R. et l’octroi d’une A.I. réduite soient plus défavorables que l’octroi d’une A.P.A. (appel est interjeté de ce jugement).
Violation par l’Etat belge de l’article 13 de l’A.R. du 22 mai 2003 (délai d’instruction maximum de 8 mois entre la demande et le premier paiement ) - responsabilité sur pied de l’art. 1382 CC