Terralaboris asbl

Responsable du traitement des déchets (réglementation en Région Wallonne)

Commentaire de Trib. trav. Charleroi, sect. Binche, 12 janvier 2010, R.G. 07/5.522/A

Mis en ligne le mardi 5 octobre 2010


Tribunal du travail de Charleroi, section de Binche, 12 janvier 2010, R.G. 07/5.522/A

TERRA LABORIS ASBL

Commentaire : Protection contre le licenciement : responsable du traitement des déchets (réglementation en Région Wallonne)

Protection contre le licenciement :

Dans un jugement du 12 janvier 2010, le tribunal du travail de Charleroi est amené à examiner d’une part la légalité de l’arrêté de la région Wallonne du 9 avril 1992 relatif aux déchets dangereux ainsi que les conditions d’application de la protection contre le licenciement du responsable de la valorisation des déchets dangereux.

Les faits

Monsieur C. est engagé le 31 décembre 1997 par une société de lavage industriel en qualité de directeur et assistant commercial. Il exerce pour compte de son employeur la fonction de personne responsable des opérations de valorisation des déchets dangereux au sens du Décret du Conseil Régional wallon du 27 juin 1996.

Il est licencié le 1er avril 2006 moyennant un préavis de 19 mois.

Pendant l’exécution du préavis, il acte, à destination de son employeur, que celui-ci a manifesté son intention de ne plus traiter de déchets en provenance de tiers, ainsi que d’autres dispositions découlant de cette décision et qu’il se voit écarté de ses fonctions de directeur. Il demande l’intervention d’un huissier de justice pour constater cette impossibilité d’exercer ses fonctions.

Fin septembre 2006, la société le dispense de prester le solde son préavis et annonce le paiement du reliquat de l’indemnité correspondante.

La saisine du tribunal du travail

Le tribunal du travail de Charleroi est saisi de divers chefs de demande. Une part importante de la contestation est relative à l’évaluation de la rémunération devant servir à l’assiette de base pour le calcul du préavis, à la fixation du préavis convenable (que le tribunal va fixer à 20 mois), à une indemnité de non-concurrence, qui sera considérée comme non fondée, le contrat de travail n’en prévoyant la débition qu’au cas où le contrat était rompu à l’initiative de l’employé.

Mais c’est surtout la protection contre le licenciement qui fait l’intérêt de la décision. Le fondement de celle-ci est l’arrêté du 9 avril 1992 de l’Exécutif Régional Wallon relatif aux déchets, tel que modifié par l’arrêté royal du 4 juillet 2002. L’article 51 de cet arrêté dispose que les opérations de regroupement, de prétraitement, d’élimination ou de valorisation de déchets sont placées sous l’autorité d’une personne responsable employée sous contrat de travail à temps plein, désignée par l’exploitant et agréée par le Ministre. En vertu de l’article 54 du même arrêté, cette personne ne peut être licenciée que pour motif grave ou pour des raisons économiques ou techniques préalablement reconnues par la commission paritaire compétente. Une procédure est organisée en ce qui concerne les délais de prise de décision par la commission paritaire et les conséquences d’une absence de décision dans le délai prévu. Quant à la protection, elle court jusqu’à l’expiration d’une période suivant le retrait de l’agrément et sa durée est fixée à deux ans lorsque le responsable compte moins de 10 années de service, trois ans entre 10 et 20 années ou quatre ans à partir d’une ancienneté de 20 ans ou plus. En cas de non-respect par l’employeur, celui-ci est redevable, sans préjudice du droit à des indemnités plus élevées payées en vertu du contrat ou des usages, ou encore à tous autres dommages et intérêts couvrant un préjudice matériel ou moral, à une indemnité correspondante.

Le tribunal constate par ailleurs qu’un deuxième texte organise la question des déchets, étant le Décret du 27 juin 1996 de la Région Wallonne relatif aux déchets (M.B. 2 août 1996) mais que ce décret autorise le Gouvernement à réglementer les modalités et les techniques de gestion desdits déchets (art. 8, § 1er). Pour le tribunal, le législateur décrétal est resté dans les limites fixées par l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, dans la mesure où il a considéré comme nécessaire d’adopter une disposition ne portant pas en soi atteinte à l’essence de la compétence du législateur fédéral en matière de droit du travail.

En conséquence, le tribunal n’écarte pas cet arrêté, ainsi que ceci lui était demandé par la société et renvoie sur la question du respect des limites des compétences à l’arrêt de la Cour constitutionnelle 83/2002 du 8 mai 2002, pour un raisonnement par analogie.

Devant, en l’espèce, voir si le demandeur était protégé, le tribunal retient d’une part qu’il avait été agréé comme personne responsable des déchets dangereux et d’autre part qu’il a effectivement exercé cette fonction. En conséquence, il devait bénéficier de la protection et, l’employeur n’ayant pas respecté la procédure, le droit à l’indemnité est constaté. Celle-ci est d’une période de trois ans.

Reste encore une question à régler, étant celle du cumul. Dans la mesure où le texte admet le cumul avec des indemnités plus élevées payées en vertu du contrat ou des usages ou à tous autres dommages et intérêts pour préjudice moral ou matériel, il en déduit que cette formulation implique l’interdiction de cumul avec l’indemnité de rupture, en l’espèce, puisqu’elle n’est pas supérieure aux trois ans visés.

Enfin, il ordonne une réouverture des débats afin de faire des décomptes précis vu la prestation partielle du préavis, des sommes déjà payées et un ajustement de la rémunération de base.

Intérêt de la décision

Ce jugement du tribunal du travail de Charleroi présente certes l’intérêt de statuer dans une matière qui fait peu l’objet de litiges. Le tribunal y constate que le législateur décrétal wallon est resté, pour l’attribution de cette protection particulière contre le licenciement, dans le cadre de ses compétences, n’empiétant pas sur celles du fédéral en matière de droit du travail.

Par ailleurs, il règle une question à notre avis inédite, étant celle du cumul de l’indemnité spéciale avec l’indemnité de rupture (en l’espèce inférieure à l’indemnité de protection).


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