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Statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits : rappel des règles

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 9 mars 2023, R.G. 2016/AN/237 et 2018/AN/117

Mis en ligne le mardi 31 octobre 2023


C. trav. Liège (div. Namur), 9 mars 2023, R.G. 2016/AN/237 et 2018/AN/117

Dans un arrêt du 9 mars 2023, la Cour du travail de Liège (division Namur) rappelle les conditions dans lesquelles le statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits peut être réclamé, ainsi que celles permettant de bénéficier de l’allocation de garantie de revenus (AGR).

Rappel des faits

La demanderesse originaire a occupé les fonctions d’assistante paroissiale de Namur depuis le 1er octobre 2003. Ses fonctions, exercées à temps plein au départ, ont été réduites à un mi-temps à partir du 31 mars 2012 et sont toujours occupées au moment où la cour du travail rend son arrêt le 9 mars 2023. L’intéressée a sollicité le bénéfice d’une allocation de garantie de revenus pour travailleurs à temps partiel avec maintien des droits à partir du 1er avril 2012. La demande a été introduite le 23 juillet 2012.

La décision de l’ONEm

Une décision de l’ONEm du 9 octobre 2012 lui refuse l’admissibilité aux allocations de chômage, entrainant celui de travailleuse à temps partiel avec maintien des droits, ainsi que l’octroi de l’allocation de garantie de revenus. Etant âgée de cinquante-quatre ans, celle-ci doit prouver six-cent-vingt-quatre journées de travail au cours des trente-six mois précédant sa demande, ce qu’elle ne fait pas. L’ONEm lui reproche de n’établir aucune journée de travail ou journée assimilée pendant cette période. L’intéressée a en effet travaillé comme ministre du culte du 1er octobre 2003 au 31 mars 2012, mais les retenues pour la sécurité sociale, en ce compris pour le secteur chômage, n’ont pas été opérées sur sa rémunération.

L’ONEm fait également renvoi à la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions spéciales et diverses, prévoyant notamment les conditions d’octroi des allocations de chômage aux agents du secteur public, loi qui ne peut se voir appliquer en l’espèce vu que l’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés est subordonné à la condition que, dans les trente jours qui suivent la fin de la relation, l’assuré social soit ait acquis la qualité de travailleur salarié, soit se soit fait inscrire comme demandeur d’emploi, soit encore se soit trouvé en état d’incapacité de travail. L’intéressée ne bénéficie par ailleurs ni de la moitié ni des deux tiers au moins du nombre de journées de travail requis et l’ONEm précise en conséquence qu’il ne peut être fait appel au passé professionnel.

Pour ce qui est du refus du statut de travailleuse à temps partiel avec maintien des droits, elle se voit reprocher de ne pas satisfaire aux conditions requises, étant qu’au moment de la prise de cours de l’emploi à temps partiel, elle ne remplissait pas les conditions d’octroi et d’admissibilité pour prétendre aux allocations comme travailleuse à temps plein. L’allocation de garantie de revenus est dès lors refusée au motif qu’elle n’a pas le statut de travailleuse à temps partiel avec maintien des droits. En outre, l’ONEm expose que le dossier a été introduit tardivement et qu’il a refusé une dérogation au délai d’introduction, la force majeure n’étant pas reconnue.

Rétroactes de procédure

Dans le cours de la procédure, l’intéressée a cité en intervention et garantie l’Evêché de Namur (A.S.B.L.) et Mgr V. en raison de fautes, étant le non-respect du contrat de travail et le retard mis à remettre les documents nécessaires à l’introduction de la demande d’allocations de chômage.

Par jugement du 20 octobre 2016, le Tribunal du travail de Liège (division Namur) a statué par défaut à l’égard de l’A.S.B.L. et de Mgr V., retenant leur responsabilité civile vu l’absence de régularisation des cotisations sociales permettant à la demanderesse de bénéficier des allocations de chômage. Le dommage a été réservé dans le cadre d’une réouverture des débats.

Appel a été interjeté par l’intéressée, le jugement ayant rejeté sa demande originaire à l’encontre de l’ONEm.

Par ailleurs, opposition a été faite par l’A.S.B.L. et Mgr V. contre le jugement du 20 octobre 2016, l’Etat belge faisant alors intervention volontaire en vue de faire dire pour droit que la demanderesse n’était pas agent de l’Etat.

Une demande de garantie a été formée par l’A.S.B.L. et Mgr V. contre l’Etat belge, à concurrence des sommes dont ils seraient redevables à la demanderesse.

Un jugement a alors été rendu par le tribunal du travail, qui a considéré que, la demande contre l’A.S.B.L. était irrecevable, celle-ci étant étrangère au litige, et que la demande contre Mgr V. était fondée en son principe. Une réouverture des débats a été ordonnée aux fins d’établir le préjudice de l’intéressée, les fautes retenues étant le fait de ne pas avoir remis les documents sociaux avant plusieurs mois et de ne pas avoir transmis d’avis circonstancié quant aux procédures à suivre par l’intéressée pour pouvoir bénéficier de l’application de la loi du 20 juillet 1991, ainsi encore que de ne pas avoir régularisé les cotisations sociales dues à l’O.N.S.S.

Quant à la demande de garantie contre l’Etat belge, le tribunal a considéré que celui-ci ne devait pas couvrir les cotisations sociales pour les ministres du culte, ne s’agissant ni d’un traitement ni d’une pension. L’intéressée, qui a ce statut, est assimilée aux personnes occupées par un service public pour l’application de cette loi.

Appel a alors été formé par Mgr V. du jugement rendu à son encontre.

Les arrêts de la cour du travail

L’arrêt du 11 janvier 2022

La cour a rendu un premier arrêt le 11 janvier 2022, admettant la recevabilité de l’appel de la demanderesse originaire et ordonnant une réouverture des débats sur celle de l’appel de Mgr V. contre le jugement le condamnant, ainsi que de l’opposition formée par lui-même et l’A.S.B.L. contre le premier jugement rendu par défaut. Est encore reprise dans la réouverture des débats la question de l’application de l’article 7 de la loi du 20 juillet 1991.

L’arrêt du 9 mars 2023

Examinant la recevabilité de l’opposition formée par l’A.S.B.L. et Mgr V., la cour constate que le jugement a été notifié aux parties et qu’il contient les mentions de l’article 792, alinéa 3, du Code judiciaire sur les voies de recours. Cette notification fut faite le 26 octobre 2016 et la cour ne peut que constater que la citation en opposition, qui date du 16 décembre 2016, est tardive.

Elle examine dès lors le fond, commençant par la question de l’applicabilité de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses au cas d’espèce. Sur ce point, la cour constate qu’un formulaire C4 mentionne que l’occupation aurait pris fin le 31 mars 2012, et ce au motif de restructuration, et que, par ailleurs, un C-131A mentionne une occupation à temps partiel à raison de dix-neuf heures par semaine comme assistante paroissiale à partir du 1er avril 2012.

La cour en déduit que l’on ne se trouve pas dans une hypothèse où l’occupation aurait pris fin à la suite d’une rupture unilatérale par l’autorité ou par l’employeur (ou encore que l’acte de nomination aurait été annulé, retiré, abrogé ou non renouvelé) au sens de l’article 7, § 1er, de la loi du 20 juillet 1991. Elle confirme dès lors le bien-fondé de la décision de l’ONEm, l’intéressée ne pouvant prétendre au bénéfice de l’allocation de garantie de revenus. L’appel est non fondé sur cette question.

Par ailleurs, le jugement du 20 octobre 2016 étant définitif en ce qui concerne la question de la responsabilité civile de l’A.S.B.L. et de Mgr V., la cour souligne que le tribunal du travail reste compétent sur cette question. En effet, l’appel contre celui-ci concerne uniquement l’ONEm.

La cour conclut dès lors au non-fondement de l’appel en ce qu’il conteste la décision du tribunal, qui a jugé non fondé le recours introduit contre la décision de l’ONEm.

Intérêt de la décision

Au-delà des péripéties procédurales, cet arrêt de la Cour du travail de Liège (division Namur) rappelle les conditions du statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits, ainsi que celles relatives à l’octroi de l’allocation de garantie de revenus.

Pourra bénéficier du statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits le bénéficiaire d’allocations occupé dans un régime de travail à temps partiel, dont la durée doit comporter au moins un tiers de la durée d’un travailleur à temps plein. Par ailleurs, toutes les conditions d’octroi et d’admissibilité pour pouvoir prétendre aux allocations comme travailleur à temps plein doivent être remplies et la demande doit être introduite dans les deux mois. L’allocation de garantie de revenus peut être accordée, que le travailleur soit à temps partiel avec maintien des droits ou qu’il soit travailleur à temps partiel volontaire (sur les conditions, voir ONEm T70 – mise à jour au 1er janvier 2023).

Rappelons également que, pour pouvoir bénéficier de l’allocation de garantie de revenus, le travailleur à temps partiel doit introduire auprès de son employeur une demande pour obtenir un emploi à temps plein qui se libérerait dans l’entreprise et doit demander à celui-ci d’adapter son contrat de travail s’il doit régulièrement prester plus d’heures que ce que son contrat prévoit. Par ailleurs, il doit informer l’organisme régional compétent pour l’emploi, dans les deux mois suivant le début de l’occupation à temps partiel, du fait qu’il travaille dans ce régime, devant également rester inscrit comme demandeur d’emploi à temps plein et être disponible pour un tel emploi sur le marché du travail. La rémunération ne peut en outre dépasser un certain plafond (article 131bis, § 1er, 4°, de l’arrêté royal organique), la durée hebdomadaire moyenne ne peut être supérieure à quatre-cinquième d’une occupation à temps plein et il ne peut plus avoir droit à une rémunération à charge de l’employeur précédent si l’occupation à temps partiel débute pendant une période de préavis ou une période couverte par une indemnité de rupture (voir également, sur ces questions, Instructions administratives – D.R.S. – 2023/2 – Chômage, www.socialsecurity.be).


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