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Allocations aux personnes handicapées : notion de registre des étrangers et de registres de la population

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 mai 2014, R.G. n° 2013/AB/65

Mis en ligne le mardi 9 septembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 5 mai 2014, R.G. n° 2013/AB/65

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 5 mai 2014, la Cour du travail de Bruxelles précise que, si le registre des étrangers est assimilé aux registres de la population dans le cadre de la loi du 19 juillet 1991 relative à la matière, c’est dans ce seul cadre et que l’on ne peut étendre la notion à l’arrêté royal du 17 juillet 2006 qui a étendu le champ d’application de la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées à de nouvelles catégories de bénéficiaires.

Les faits

Un citoyen de nationalité congolaise, autorisé à séjourner en Belgique et inscrit au registre des étrangers, sollicite une allocation aux personnes âgées en septembre 2010. Une décision négative intervient, au motif qu’il ne satisfait pas aux conditions médicales.

Par jugement du 7 janvier 2013, après expertise, le Tribunal du travail de Bruxelles admet que celles-ci sont remplies (catégorie 1) et que l’intéressé a droit à la carte de stationnement.

Appel est interjeté par l’Etat belge eu égard à la situation administrative de l’intéressé.

Décision de la cour

La cour examine le droit de l’intéressé à l’allocation eu égard aux diverses hypothèses figurant à l’article 4, § 1er de la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées. Cette disposition vise 6 catégories de bénéficiaires, tout en permettant également au Roi d’étendre le champ d’application à d’autres catégories de personnes à la condition qu’elles aient une résidence réelle en Belgique.

Peuvent dès lors, depuis un arrêté royal du 17 juillet 2006, également bénéficier de ces dispositions ((i) les ressortissants de certains pays (Islande, Lichtenstein, Norvège et Suisse) sous certaines conditions, (ii) les conjoints, cohabitants légaux ou autres membres de la famille des personnes qui font partie de certaines catégories de bénéficiaires et (iii) les personnes inscrites comme étrangers aux registres de la population. La question est dès lors posée, en l’espèce, s’agissant d’un étranger inscrit au registre des étrangers. La cour du travail rappelle que la Cour constitutionnelle a été interrogée à plusieurs reprises, en ce qui concerne cette limitation, étant l’octroi des allocations uniquement aux étrangers inscrits aux registres de la population et non au registre des étrangers et bénéficiant d’une autorisation à séjourner dans le Royaume pour une durée illimitée.

La cour du travail rappelle les deux derniers arrêts de la Cour constitutionnelle (C. const., 11 janvier 2012, n° 3/2012 et C. const., 4 octobre 2012, n° 114/2012), où celle-ci a conclu à l’absence de contrariété de la condition légale avec l’article 1er du 1er Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 14 de cette convention, de même que, avec l’article 23 de la Constitution et la Convention du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées.

La cour du travail constate que dans les faits il y a inscription au registre des étrangers, ce qui n’est pas contesté. Cependant, l’intéressé faisant valoir que le registre des étrangers fait partie intégrante des registres de la population, et que de ce fait il doit être considéré comme relevant de la catégorie des personnes inscrites comme étrangers dans ce registre et peut prétendre au bénéfice de la prestation en cause.

La cour du travail considère ne pas pouvoir suivre cette argumentation, et ce eu égard à la définition des registres eux-mêmes donnée dans l’arrêté royal du 16 juillet 1992 relatif aux registres de la population et au registre des étrangers.

Le registre de la population est le fichier alphabétique mentionnant les informations concernant les personnes visées par la loi du 49 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d’identité (modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques), tandis que le registre des étrangers est le fichier alphabétique mentionnant les informations concernant les personnes visées à la loi du 15 décembre 1980 (article 12) sur l’accès au territoire, le séjour et l’établissement et l’éloignement des étrangers, cette disposition précisant que dès qu’un étranger est admis ou autorisé à séjourner plus de trois mois dans le Royaume, il est inscrit dans ce registre par l’administration communale du lieu de sa résidence. Ce registre des étrangers est considéré comme faisant intégrante des registres de la population mais, selon la même disposition, « pour la seule application » de la loi du 19 juillet 1991. La cour doit dès lors constater qu’une distinction est faite entre les deux registres et que les étrangers sont inscrits dans l’un ou dans l’autre selon le cas. Le registre des étrangers ne peut ainsi être considéré comme faisant intégrante du registre de la population pour l’application de la réglementation en matière de prestations aux personnes handicapées, l’article 12 de la loi du 15 décembre 1980 ayant limité cette assimilation à la seule loi du 19 juillet 1991.

La cour réforme dès lors le jugement, concluant que, eu égard aux critères de nationalité, l’intéressé ne peut pas bénéficier de l’allocation aux personnes âgées.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions d’octroi des allocations aux personnes handicapées eu égard à l’exigence de l’inscription aux registres de la population, la Cour constitutionnelle s’étant à diverses reprises prononcée sur l’absence de caractère discriminatoire de cette condition légale.

Cet arrêt répond à une question plus spécifique, étant la mesure dans laquelle le registre des étrangers a été assimilé par la loi aux registres de la population, la cour relevant que ceci est limité à la matière des registres, des cartes d’identité, des cartes d’étrangers et autres documents de séjour, soit les matières couvertes par la loi du 19 juillet 1991. Aucune extension n’est autorisée quant à une assimilation dans d’autres contextes, ainsi, dans la matière des prestations aux personnes handicapées.


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