Terralaboris asbl

Accident du travail : peut-il y avoir plusieurs dates de consolidation ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 mars 2013, R.G. 2000/AB/39.649

Mis en ligne le lundi 8 juillet 2013


Cour du travail de Bruxelles, 4 mars 2013, R.G. n° 2000/AB/39.649

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 4 mars 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle le principe en la matière : en règle il n’y a qu’une seule date de consolidation des lésions d’un accident du travail.

Les faits

Une travailleuse est victime d’un accident du travail le 17 mars 1995, qui va entraîner plusieurs périodes d’incapacité temporaire.

Un expert est désigné, dans le cadre de la procédure judiciaire, aux fins de donner son avis sur les séquelles de l’accident et particulièrement sur la décompensation psychique subie par la victime. La mission qui lui est confiée porte sur la question de savoir si celle-ci se serait produite même sans l’accident ou si cet accident a cessé à une date ultérieure d’influencer l’état antérieur de la victime.

Les parties marquent accord sur les constatations de l’expert. Il s’agit de retenir deux périodes d’incapacité temporaire totale en 1995 et 1996 et un taux d’incapacité permanente de travail de 15% à partir du 20 mai 1996. Une nouvelle période d’incapacité temporaire totale est retenue après cette date, pendant six mois en 1996 et 1997, période suite à laquelle le taux d’incapacité permanente de 15% est retenu jusqu’au 14 octobre 2000. Les parties s’accordent pour arrêter ensuite une seconde date de consolidation au 15 octobre 2000 avec un taux d’incapacité permanente de 3%.

Décision de la cour du travail

La cour constate que les parties n’élèvent aucune contestation sur le rapport de l’expert judiciaire et admet l’ensemble des périodes d’incapacité temporaire. Elle retient en outre une incapacité permanente à partir du 15 octobre 2000.

Elle s’interroge, cependant, sur la question de la première date de consolidation.

Examinant l’évolution des lésions, elle constate que dans un premier temps celles-ci étaient d’ordre essentiellement physique, l’intéressée souffrant de cervicalgies et que progressivement s’est développée une symptomatologie dépressive dans le cadre d’une décompensation psychique. Celle-ci a été mise en lien avec l’accident. L’intéressée a cependant vu sa situation s’améliorer au fil du temps et c’est la raison pour laquelle un taux de 3% a été retenu à partir de l’année 2000.

La cour analyse, en conséquence, la question de savoir si l’on peut retenir deux dates de consolidation. Elle relève le caractère d’ordre public de la matière, concluant qu’elle ne peut dès lors limiter à entériner l’accord des parties.

Elle revient ensuite à la définition de la consolidation, qui est la date à partir de laquelle les séquelles de l’accident n’évoluent plus ou si faiblement que selon toute vraisemblance il n’y aurait plus d’amélioration ou de détérioration significative de la capacité concurrentielle de la victime.

Elle renvoie à un arrêt de la Cour de cassation du 30 mars 1987 (Cass., 30 mars 1987, R.G. 5592), selon lequel il n’y a en règle qu’une seule date de consolidation.

Elle retient, cependant, qu’il a été admis en jurisprudence qu’en cas d’accord des parties, deux dates sont possibles, lorsqu’après une première stabilisation de l’état de la victime il y a rechute et aggravation avant la fixation définitive des séquelles de l’accident.

Sans se prononcer sur le bien-fondé de cette manière de voir, la cour constate que la consolidation signifie la stabilisation des lésions et que, même s’il fallait suivre la thèse de la pluralité de dates, en l’occurrence, la première date ne peut correspondre à une telle stabilisation, puisqu’il ressort du rapport d’expertise qu’à ce moment une décompensation psychique était en train de se produire. Dès lors, il ne peut être question d’admettre une consolidation des lésions à ce moment. La cour relève également qu’une deuxième caractéristique de la consolidation est son caractère de permanence, étant qu’il n’y a plus d’évolution envisageable. Or, tel n’est pas le cas, selon elle, dans l’hypothèse d’une décompensation psychique, l’état dépressif de la personne étant évolutif. Sa quasi disparition a d’ailleurs été constatée en l’espèce.

Elle conclut dès lors à une seule date de consolidation et à trois périodes d’incapacité temporaire (étant celles admises par l’expert et non contestées par les parties).

Reste cependant une question à régler, étant de savoir si l’intéressée aurait éventuellement droit à une indemnisation pendant les périodes où il n’y a pas eu d’incapacité temporaire de travail avant la consolidation. Elle renvoie notamment à la possibilité d’appliquer les articles 22 et 23 de la loi. Une réouverture des débats est dès lors ordonnée sur cette question.

Intérêt de la décision

Cet arrêt aborde une question peu fréquente, étant celle de la consolidation des lésions et plus précisément la possibilité de retenir plusieurs dates, ce qui entraîne plusieurs taux d’incapacité permanente dans le temps.

Cette hypothèse est difficilement conciliable avec la notion de stabilisation des lésions, inhérente à la consolidation. La cour va rappeler à juste titre que cette date, à définir au cas par cas, est celle où il n’y a plus d’évolution envisageable raisonnablement, ni d’amélioration ni d’aggravation. Cette notion se situe dans le cadre de la fixation des séquelles uniquement et laisse bien sûr ouverte la porte à la procédure en revision, ultérieurement.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be