Terralaboris asbl

Durée du préavis du personnel contractuel du secteur public

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 17 septembre 2012, R.G. 2005/AB/47.117

Mis en ligne le mardi 11 décembre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 17 septembre 2012 R.G. n° 2005/AB/47.117

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 17 septembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que la convention collective de travail n° 75 n’est pas applicable au personnel contractuel des services publics et que l’article 59 de la loi du 3 juillet 1978 a été complété aux fins de couvrir ces travailleurs.

Les faits

Un ouvrier a été occupé comme agent contractuel dans diverses administrations publiques, depuis l’année 1981, avec quelques interruptions. Depuis septembre 1993, son occupation n’a plus été interrompue et il a presté successivement auprès d’un SPF, au service du Premier Ministre ensuite et est revenu dans un autre SPF dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. Il exerce des fonctions de chauffeur.

Il va passer au service du SPF Personnel et Organisation dans le cadre de la réforme COPERNIC au 1er février 2002.

A partir du mois d’août de cette même année, il est mis en congé et résorbe un excédent de jours de récupération. Il est alors mis un terme à son contrat de travail avec effet au 31 décembre 2002, moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de 28 jours calendrier.

Une action est introduite par l’intéressé devant le tribunal du travail de Bruxelles, en paiement d’un complément d’indemnité compensatoire de préavis et d’une indemnité pour licenciement abusif.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 26 mai 2005, l’intéressé est débouté de ses chefs de demande. Il interjette dès lors appel devant la cour sur les deux points.

En ce qui concerne le complément d’indemnité compensatoire de préavis, l’intéressé demande paiement de 14 jours calendrier.

Décision de la cour du travail

La cour va dès lors examiner les textes qui lui sont applicables. Il est acquis en l’espèce qu’il a une ancienneté de plus de 9 ans, celle-ci remontant à la dernière période d’occupation sans interruption. La cour constate ensuite qu’au moment du licenciement, l’article 59 de la loi du 3 juillet 1978 fixait à 28 jours le délai de préavis pour les ouvriers ayant moins de 20 ans d’ancienneté et que c’est cette disposition qui a été appliquée.

La cour écarte la convention collective de travail n° 75 (conclue au sein du CNT le 20 décembre 1999), qui a porté le délai de préavis dans un tel cas à 42 jours. En effet, le champ d’application des conventions collectives est fixé par la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires et elle n’est dès lors pas applicable aux travailleurs contractuels du secteur public.

La cour rappelle que l’article 59 de la loi du 3 juillet 1978 a été complété par une loi du 22 avril 2003, entrée en vigueur le 13 mai 2003. Cet ajout vise précisément l’employeur qui ne relève pas du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 et il fixe des délais de préavis majorés par rapport à la situation antérieure, calculés en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise. La cour constate cependant que ces nouvelles dispositions ne s’appliquent qu’aux préavis notifiés à partir de l’entrée en vigueur de la loi, étant le 13 mai 2003. L’intéressé ne peut donc prétendre à un complément sur cette base.

A titre subsidiaire, celui-ci demandait de poser à la Cour constitutionnelle deux questions, aux fins d’examiner s’il n’existait pas une discrimination d’une part entre les ouvriers contractuels dont les employeurs étaient soumis à la loi du 5 décembre 1968 et les autres et si une autre discrimination n’existerait pas entre ceux licenciés avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2003 ou après celle-ci.

La cour considère qu’il n’y a pas lieu de poser ces questions, dans la mesure où, sur la première, aucune distinction n’était opérée avant la loi du 22 avril 2003 entre les délais de préavis des ouvriers fixés par l’article 59 de la loi du 3 juillet 1978 selon le statut de l’employeur (privé ou public). Sur la seconde, la cour relève que toute loi qui accorde de nouveaux droits crée nécessairement une différence de traitement dans le temps.

Suit une discussion sur l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978, l’Etat belge ayant fondé le motif de licenciement sur la réorganisation du service de l’intéressé. Il s’agit dès lors de nécessités de fonctionnement du service. La cour relève que ce motif est établi et déboute dès lors l’intéressé de ce chef de demande.

Elle va ensuite examiner le motif de restructuration au regard des exigences de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs. Cette obligation de motivation s’apprécie, ainsi qu’elle le rappelle, au regard de l’ensemble des circonstances de la cause et notamment de la connaissance effective préalable qu’a le destinataire des éléments du dossier. La cour renvoie ici à la jurisprudence de la Cour de cassation ainsi que du Conseil d’Etat (Cass. 22 mai 2008, R.G. n° F.06.0077.N et C.E., 13 novembre 2007, arrêt n° 176/751). Dans les circonstances de la cause, elle relève que ce motif n’est pas une formule creuse et stéréotypée, l’intéressé ayant déclaré lui-même dans des éléments de correspondance qu’il avait une connaissance effective et préalable de la réalité de la réorganisation, ainsi que de l’incidence qu’avait celle-ci sur son emploi.

Enfin, elle examine la régularité du licenciement eu égard aux conditions de l’arrêté royal du 19 juillet 2001 destiné à mettre en œuvre le transfert du personnel des ministères vers les nouveaux services publics fédéraux résultant de la réforme COPERNIC. Celui-ci prévoit en effet la création d’une cellule provisoire destinée à accueillir le personnel transféré auprès de chaque SPF ainsi que l’intégration de ce personnel dans leur nouveau service public. La cour constate que cet arrêté n’interdit pas à l’Etat de réorganiser le service après le transfert et notamment de résilier le contrat de travail d’un agent contractuel après son intégration au sein du SPF (elle renvoie ici à C. trav. Bruxelles, 11 juin 2008, R.G. n° 46.773).

Elle va dès lors confirmer le jugement dans toutes ses dispositions.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle que le personnel contractuel des services publics fait l’objet de règles particulières en ce qui concerne les délais de préavis, règles introduites dans l’article 59 de la loi du 3 juillet 1978 par une loi du 22 avril 2003. L’arrêt admet également, s’appuyant sur les principes en matière d’adéquation de motivation formelle, qu’une restructuration ou réorganisation effective, dont le travailleur a connaissance avant le licenciement et qui va avoir une incidence sur sa fonction, peut correspondre aux exigences requises par la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs.


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