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Procédure judiciaire


Documents joints :

Trib. trav.


  • La société qui a introduit une requête unilatérale en vue d’obtenir l’évacuation de piquets de grève était à-même d’introduire la procédure vis-à-vis de personnes déterminées. Ce n’est que si, après l’introduction d’une telle procédure, il s’avérait que les membres du piquet se remplaçaient régulièrement dans le but de faire obstacle aux mesures ordonnées qu’il était alors avéré que le recours à la procédure contradictoire n’était pas réaliste, pouvant être invoquée à ce moment « l’absolue nécessité » de recourir à la requête unilatérale. Dans une telle hypothèse, la meilleure manière de procéder est de combiner la procédure contradictoire et la procédure unilatérale, afin de respecter au mieux le principe fondamental du contradictoire (avec renvoi à la doctrine et à la position du Comité européen des droits sociaux). Le président ajoute qu’en l’espèce, il n’apparaît d’aucun élément du dossier que les membres du piquet changeaient en vue de se soustraire aux mesures judiciaires.

  • En présence de piquets de grève, il s’agit de vérifier le caractère nécessairement pacifique de l’action collective. Suite à la décision du 13 septembre 2011 du Comité européen des droits sociaux, il est admis que les ordonnances de référé doivent répondre aux exigences de stabilité et de prévisibilité nécessaires pour assurer une sécurité juridique suffisante pour les deux parties. La Présidente du tribunal souligne encore que la Belgique a ratifié le protocole qui confère au Comité européen des droits sociaux un monopole quant à l’interprétation juridique de la Charte et que seuls les actes de violence, d’intimidation ou qui ne respectent pas la liberté de ne pas faire grève ne sont pas protégés. Les restrictions posées au droit de grève doivent dès lors satisfaire aux exigences de l’article G, dont celle du degré de prévisibilité et de stabilité nécessaires pour assurer la sécurité juridique. Or, une procédure unilatérale est difficilement compatible avec ces principes. Il faut dès lors faire preuve d’une particulière circonspection s’il est demandé de condamner à des astreintes dans le cadre d’une telle procédure unilatérale, l’indétermination du débiteur empêchant notamment de fixer adéquatement le montant de celles-ci.

  • Dans la mesure où les pièces déposées ne sont pas susceptibles d’établir que les actions de grève projetées étaient à ce point problématiques qu’il y avait absolue nécessité de prendre des mesures qui ne pouvaient être adoptées que via une demande introduite par une requête unilatérale et que par ailleurs la société n’établit pas qu’une action en référés (éventuellement introduite avec abréviation des délais) n’aurait pas permis d’atteindre l’objectif souhaité, la demande originaire est rejetée, la tierce opposition étant ainsi recevable et fondée.


  • La procédure en référé, formée à titre préventif, ne peut avoir pour objet réel d’organiser un forum afin que les parties à la cause défendent pour les uns la légitimité, voire la légalité de l’action sociale concernée, et, pour les autres, la suprématie de l’obligation d’assurer la sécurité des représentants syndicaux, des travailleurs (qu’ils soient syndiqués ou non) et, de manière plus générale, de tout tiers quelconque, même malgré eux.
    La procédure contradictoire est d’une nature distincte d’une procédure unilatérale. Les règles procédurales relatives à l’une et à l’autre sont distinctes. Il n’y a pas lieu de former un conglomérat des deux, et ainsi sortir du cadre juridique relatif à l’une et à l’autre. Ce faisant, l’on rend obscur et confus ce qui, au départ, est clair.

  • (Décision commentée)
    Dès lors que la société a été avertie plusieurs semaines avant les actions prévues qu’elles allaient être mises en œuvre à une date déterminée et que la requête unilatérale a été introduite près de 20 jours avant celles-ci, elle doit être déclarée irrecevable, au motif du défaut d’extrême urgence, les mesures demandées ayant tout aussi bien pu être demandées de manière utile à l’issue de débats contradictoires ordinaires, par exemple après une citation avec abréviation des délais de comparution (art. 1036 C.J.).

  • Les personnes à qui l’ordonnance a été signifiée ou à qui un comportement fautif est reproché justifient d’un intérêt permettant de former tierce opposition conformément à l’article 1122 C.J.
    La requête unilatérale n’était en l’espèce pas fondée. S’il y a eu installation de piquets qui interdisaient l’accès à l’entreprise (la grève ayant ainsi atteint son efficacité maximale, mais ce au détriment d’autres droits légitimes), l’atteinte à des droits subjectifs ne peut être considérée comme abusive lorsque les travailleurs se sont trouvés eux-mêmes brusquement confrontés à un abus de droit et que, aux fins de rétablir l’équilibre rompu, ils ont entendu exercer une pression économique négative suffisante pour forcer l’employeur au dialogue et au respect des dispositions légales bafouées. Les comportements invoqués ne constituent pas des voies de fait et les mesures d’interdiction litigieuses n’étaient pas fondées.

  • Des actes d’intimidation et de violence ne sont pas compatibles avec l’article 6.4. de la Charte sociale européenne. Le Comité européen des droits sociaux n’a par conséquent pas interdit le recours à la procédure sur requête unilatérale (réformation de Réf. Bruxelles, 8 septembre 2014, 259/KGD/14).

  • La requête unilatérale est non fondée s’il n’est pas établi que les piquets ont dépassé l’exercice normal de leur droit d’association, droit constitutionnel.

  • (Référé contradictoire) La grève étant essentiellement un moyen de pression, la présence de piquets n’est pas en soi de nature à dépasser les limites normales de son exercice. Dès lors qu’il est démontré que les accès (et parkings) sont gênés mais non empêchés et que les non-grévistes peuvent travailler, il n’y a pas lieu de prendre des mesures aux fins de faire cesser les piquets en cause.

  • La voie de fait doit s’apprécier en fonction du comportement de l’employeur. Ainsi en cas de violation manifeste de ses obligations sociales dont résulte pour les travailleurs un dommage qui ne peut être mis en balance avec celui qui découle de l’occupation (renvoi à Gand, 3 février 1994, Chron. Dr. Soc., 1994, 115.

  • (Décision commentée)
    Piquets - licéité - tierce opposition

  • Le juge doit constater qu’est présente l’une des trois hypothèses de l’absolue nécessité (extrême urgence, efficacité de la mesure et absence de partie adverse ou impossibilité de l’identifier).
    L’action préventive, étant celle portant sur un droit gravement menacé eu égard à l’exercice du droit de grève, ne peut être accueillie si la menace n’est pas prouvée à suffisance. L’ordonnance sur requête unilatérale doit être mise à néant en l’absence d’une telle preuve.

  • Tierce opposition - recevabilité - fondement - absence de menace sérieuse d’atteinte aux droits subjectifs des demandeurs originaires

  • Le dépôt d’une requête unilatérale ne peut se fonder sur la commission d’une quelconque voie de fait dès lors qu’est seulement annoncé un mouvement de grève ni sur une crainte sérieuse de débordements constitutifs de voies de fait si aucun élément n’est produit. La tierce opposition formée par un mandataire syndical est recevable dès lors que l’ordonnance rendue sur requête unilatérale lui a été signifiée et qu’il ne pouvait savoir au moment où il l’a formée si la société envisageait ou non de lui réclamer les astreintes obtenues.

  • La disparition de l’urgence en degré d’appel n’empêche pas le juge des référés, régulièrement saisi de l’appel d’une partie à qui une mesure provisoire a été imposée, d’examiner si la décision du premier juge était justifiée au moment où il s’est prononcé et de mettre, le cas échéant, cette décision à néant (renvoi à Cass., 11 juin 2011, C.10.0153.F).
    Est irrecevable la requête unilatérale déposée alors que le conflit dure depuis plusieurs semaines, que le mouvement de grève était annoncé et l’identité des représentants syndicaux connue. Les conditions strictes pour justifier de l’absolue nécessité n’étaient pas réunies.

  • Conditions de la requête unilatérale - absolue nécessité

  • Requête unilatérale – recours en tierce opposition – action originaire irrecevable – exigence d’un débat contradictoire

  • Est recevable la tierce opposition formée par des représentants des travailleurs (délégation syndicale et C.P.P.T.), dans la mesure où ils ont un intérêt direct et personnel étant directement visés par les mesures ordonnées.
    La requête était fondée dans la mesure où des voies de fait sont avérées (blocage des accès et soustraction de documents confidentiels), la cour renvoyant aux critères de l’abus de droit et à la jurisprudence de la C.J.U.E. (Viking, Laval et Rüffert).

  • Le droit de grève, c’est-à-dire le droit d’exercer une pression économique négative sur l’entreprise, est un principe de droit reconnu, s’imposant autant aux cours et tribunaux que le droit d’entreprendre et ses corollaires. L’exercice du droit de grève est un mouvement de pression économique sur un marché purement économique. Il n’appartient pas aux cours et tribunaux de s’immiscer dans le jeu du marché, hors l’application des dispositions légales le régulant. Dans le cadre d’un conflit économique entre les intérêts financiers de l’entreprise et les intérêts financiers des travailleurs à maintenir leur emploi, les cours et tribunaux ne peuvent limiter ou interdire que les actes de grève portant atteinte à la vie ou à l’intégrité physique des personnes ou à un intérêt vital pour la nation. Dès lors que les actes décrits n’entravent pas la liberté des travailleurs non-grévistes de se présenter à leur travail, de pénétrer dans l’entreprise et de conserver ainsi leur droit à la rémunération, les éventuels dommages que pourraient subir les distributeurs apparaissent comme des dommages collatéraux d’une lutte économique trouvant sa cause dans les décisions économiques et financières de restructuration et de licenciement collectif.

  • Injonction unilatérale - intérêt à la rétractation - exigence d’une procédure contradictoire à l’égard des personnes connues

  • Tierce opposition - recevabilité - fondement - Charte sociale européenne


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