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Jugement avant dire droit / mixte


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C. trav.


  • Dès lors que le jugement entrepris s’est borné à écarter un rapport d’expertise et a désigné un nouvel expert sans trancher de questions litigieuses relatives à la recevabilité ou au fond, il s’agit indubitablement d’une décision avant dire droit, d’autant qu’en outre, le tribunal n’a pas autorisé l’appel immédiat. L’appel portant sur cette décision est irrecevable.

  • Un jugement ordonnant une mesure destinée à instruire la demande (telle qu’une expertise) ne sera en règle appelable que si les premiers juges ont épuisé leur juridiction sur la recevabilité de la cause ou sur tout ou partie du fond de celle-ci (et que l’un de ces points fait l’objet de l’appel).
    (Voir ég. C. trav. Liège (div. Liège), 13 août 2021 et 7 mars 2022, R.G. 2021/AL/209)
    (Voir ég. C. trav. Liège (div. Liège), 19 avril 2021, R.G. 2020/AL/136)

  • Un jugement ordonnant une mesure destinée à instruire la demande (en l’espèce une expertise) ne sera en règle appelable que si les premiers juges ont épuisé leur juridiction sur la recevabilité de la cause, ou sur tout ou partie du fond de celle-ci (et que l’un de ces points fait l’objet de l’appel). Seule cette position paraît respecter le prescrit de l’article 1050, alinéa 2, du Code judiciaire. En effet, considérer que le simple fait qu’une demande d’expertise soit contestée suffit pour rendre la décision d’ordonner celle-ci appelable (dès lors qu’en ordonnant l’expertise, les premiers juges épuiseraient leur juridiction sur une question litigieuse) revient à priver largement l’article 1050, alinéa 2, d’effet utile, ce que le législateur n’a pas pu vouloir.

  • Une décision avant dire droit n’épuise pas la juridiction du juge sur une question litigieuse et n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée. En désignant un expert contre l’avis d’une des parties, le tribunal n’a pas tranché de question litigieuse. L’expertise est en effet l’archétype même de la mesure préalable destinée à instruire la demande au fond, c’est-à-dire à permettre de recueillir les éléments qui permettront de trancher la contestation dans le futur. Le juge qui désigne un expert ne tranche aucunement le litige.

  • Les jugements mixtes, qui contiennent à la fois une décision définitive et une mesure avant dire droit, sont susceptibles d’appel. Dès lors cependant que ni la connexité ni la recevabilité des demandes n’étaient en l’espèce litigieuses et qu’aucune question de fait ou de droit n’est tranchée mais que le premier juge s’est limité à inviter les parties à préciser leur position en ce qui concerne la période litigieuse et en tenant compte de ce qui a été valablement contesté, sans plus de précision à cet égard, le jugement est exclusivement avant dire droit et ne peut dès lors faire l’objet d’un appel immédiat à défaut d’autorisation du tribunal en ce sens.

  • Il n’existe pas de raison de considérer qu’un jugement avant dire droit, tel que défini à l’article 19, alinéa 3, du Code judiciaire, deviendrait un jugement définitif au sens de l’alinéa 1er de cette disposition du simple fait que la mesure sollicitée a fait l’objet d’une contestation entre parties. La Cour de cassation considère que le juge qui ordonne une mesure préalable pour instruire la demande ou régler un incident portant sur une telle mesure rend une décision avant dire droit, même s’il tranche ainsi définitivement une contestation concernant la mesure préalable (avec renvoi à Cass., 12 février 2021, n° C.20.0048.N).

  • Pour qu’il puisse s’agir d’un « jugement mixte », il faut que le tribunal ait épuisé sa juridiction sur une question litigieuse. La notion de « jugement définitif » implique que le point sur lequel porte la décision ait été soumis au débat. Il faut qu’existe une contestation réelle. Dès lors que, en matière d’accidents du travail, l’existence de l’accident n’est pas contestée et que l’étendue de la mission d’expertise ne l’est pas davantage, la mesure avant dire droit a été ordonnée de l’accord des parties et le jugement n’est pas susceptible d’appel. Le fait qu’il ait déclaré la demande recevable ne lui confère pas un caractère mixte, dans la mesure où la recevabilité de la demande originaire n’a pas non plus fait l’objet d’une contestation entre parties. Depuis la modification de l’article 875bis du Code judiciaire par la loi dite « pot-pourri V » du 6 juillet 2017, la question n’est plus discutée, le juge appelé à statuer sur une demande de mesures avant dire droit ne prononçant un jugement mixte susceptible d’appel immédiat que lorsque la recevabilité a été contestée par le défendeur.

  • L’article 1055 du Code judiciaire permet de faire appel du jugement avant dire droit ou statuant sur la compétence, même si ce jugement a été exécuté sans réserves, avec le jugement définitif. Les jugements mixtes, c’est-à-dire les jugements contenant à la fois une décision définitive et une mesure avant dire droit, ne sont pas visés. La Cour de cassation enseigne qu’un jugement est définitif au sens de l’article 19, alinéa 1er, du Code judiciaire lorsque le juge a épuisé sa juridiction sur une question litigieuse, c’est-à-dire une question ayant fait l’objet d’un litige entre les parties et qui a été soumise aux débats (avec renvoi à Cass., 12 juin 2014, Pas., 2014, I, p. 1485, notamment).

  • Une décision avant dire droit n’épuise pas la juridiction du juge sur une question litigieuse et n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée. Dès lors, les jugements avant dire droit n’ont ni force décisoire ni force probante. Le juge qui a autorisé ou ordonné d’office une mesure avant dire droit n’est pas dessaisi dans le sens où toute partie peut revenir devant lui, selon une procédure simplifiée, pour obtenir une autre mesure ou encore la modification de la mesure initiale. Par contre, dans l’hypothèse où la décision entreprise ordonne une mesure préalable ou règle provisoirement la position des parties mais tranche par ailleurs définitivement une question litigieuse, elle présente un caractère mixte qui fait obstacle à l’application de l’article 1050 du Code judiciaire. L’appel est dans ce cas immédiatement possible.

  • Une décision avant-dire droit est celle par laquelle le juge ordonne une mesure préalable destinée soit à instruire la demande ou à régler un incident portant sur une telle mesure, soit à régler provisoirement la situation des parties.
    Le jugement qui, avant d’ordonner une expertise et de condamner provisoirement sur pied de l’article 19, alinéa 3, du Code judiciaire le défendeur (appelant), en l’occurrence un C.P.A.S., au paiement d’une prestation (aide sociale), a déclaré le recours recevable est un jugement mixte et peut faire l’objet d’un appel immédiat.


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