Trib. trav. Hainaut (div. Tournai), 17 janvier 2020, R.G. 18/543/A
Mis en ligne le 1er septembre 2020
Le fait pour un travailleur d’insulter et de menacer un collègue constitue comme tel un manquement grave à son obligation de s’abstenir de tout ce qui pourrait nuire à la sécurité et au bien-être au travail de ses collègues. Il en va évidemment de même lorsque les insultes et les menaces s’adressent à un supérieur hiérarchique, le travailleur manquant alors en plus à son devoir de respect et d’égards envers son employeur et faisant ainsi preuve d’une insubordination caractérisée.
Si des grossièretés sont inacceptables dans le cadre des relations de travail et constituent assurément une faute grave pouvant justifier un licenciement, leur gravité n’est - à partir du moment où la supérieure hiérarchique de la travailleuse qui les a proférées à l’encontre d’une collègue lors d’une réunion d’équipe n’a pas joué le rôle que l’on aurait été en droit d’attendre de sa part en appelant l’intéressée au calme - toutefois pas de nature à entraîner l’impossibilité immédiate et définitive de poursuivre toute collaboration professionnelle.
Adopte une attitude assurément fautive le travailleur qui adresse à sa hiérarchie un mail dont le ton est irrespectueux, voire offensant, à son égard. Dès lors que le travailleur (ayant en outre la qualité de conseiller en prévention) a légitimement pu interpréter le comportement de son employeur comme étant purement vexatoire à son endroit et constitutif d’une manœuvre d’obstruction à l’accomplissement de sa mission, la faute ainsi commise ne peut toutefois être vue comme constitutive de motif grave, ce mail révélant davantage en l’espèce la réaction épidermique d’un travailleur ayant le sentiment que l’on met son honnêteté en doute qu’une volonté de sa part de méconnaître l’autorité de son employeur.
Si la difficulté du travail peut expliquer des tensions en relation avec la charge de travail, elle n’autorise ni virulence, ni grossièreté, ni tenue de propos outranciers et discriminants à l’égard d’autres travailleurs ou de quiconque. Tout travailleur - a fortiori s’il a des engagements syndicaux - doit en effet avoir le souci d’entretenir des relations cohérentes avec ses collègues et être conscient de l’importance de celles-ci entre ces derniers et l’employeur.
Un serveur qui, après avoir dit à des clients voulant passer commande peu avant la fermeture du restaurant qu’ils ne pouvaient plus être servis, accepte néanmoins de les servir tout en signalant, lors de la remise de la carte de consommation, que, compte tenu de l’heure, ils ne pourront prendre qu’un plat, adopte un comportement sans doute discourtois mais pour autant sans réelle gravité.
Grossièreté : faute grave mais non motif grave
Si des insultes peuvent ne pas constituer un motif grave lorsqu’elles sont proférées dans un contexte d’énervement, encore peuvent-elles revêtir un caractère de gravité suffisant lorsqu’elles dénotent des manquements persistants dans le chef d’un travailleur dont le comportement déplacé vis-à-vis de ses collègues, de son supérieur et même de clients lui a déjà valu de précédents avertissements écrits.
Dans son appréciation du motif grave, le juge examine l’existence d’un fait fautif et la propension de cette faute à altérer immédiatement et définitivement la confiance réciproque des parties, indispensable à l’exécution des relations professionnelles contractuelles.
En l’espèce, si les propos tenus par la travailleuse sont totalement inappropriés (se plaindre qu’un collègue « pue »), ils ne justifient cependant pas un licenciement pour motif grave. En effet, le tribunal retient que dans une autre situation (un autre collègue ayant également tenu des propos inappropriés envers un autre membre du personnel), la société a apprécié différemment le caractère gravement fautif du comportement, l’intéressé ayant fait l’objet d’un rappel à l’ordre seulement.
La prise d’antidépresseur avec risque d’état second ne justifie pas les injures proférées, devant la clientèle, envers l’employeur et les collègues de travail.
L’état de fatigue ou de nervosité du travailleur ne peut justifier qu’il tienne des propos injurieux et grossiers à l’égard de son supérieur hiérarchique. Ces propos, inacceptables dans le cadre d’une relation de travail et contraires à l’obligation d’égards et de respect mutuels, sont de nature à justifier la rupture de son contrat, sans que le fait que seuls deux autres travailleurs aient assisté à l’altercation et que celle-ci n’ait pas eu de retentissement extérieur soit de nature à atténuer la faute.
Si le fait de manquer de respect à son employeur est, en soi, constitutif d’une faute, la gravité de celle-ci peut être relativisée par les circonstances dans lesquelles elle a été commise : fin d’une journée chargée, demande de suivre une formation à l’issue de celle-ci alors même qu’une autre tâche devait encore être accomplie, ancienneté du travailleur, absence d’avertissement antérieur pour des faits de ce type.