Terralaboris asbl

Fin de droit


Cass.


C. trav.


Trib. trav.


Documents joints :

Cass.


  • L’alinéa 2 de l’article 63, § 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 a pour but de préserver jusqu’au mois de son trentième anniversaire le droit aux allocations d’insertion du jeune chômeur qui se trouve dans une des situations familiales visées, la période de 36 mois prenant cours au plus tard le mois suivant.
    Cette période ne court pas lorsque le jeune chômeur se trouve dans une de ces situations familiales jusqu’au plus tard le premier jour du mois qui suit son trentième anniversaire. (Rejet du pourvoi contre C. trav. Liège (div. Liège) 2 septembre 2022, R.G 2020/AL/281 ci-dessous)

  • (Décision commentée)
    En raison de la charge de la preuve, la cour du travail n’était pas tenue d’aller au-delà de ce qu’elle a fait, c’est-à-dire de prendre en compte et de réfuter les éléments invoqués par l’ONEm. Elle ne devait pas « effectuer autrement une balance des intérêts en présence en fonction des bénéfices et préjudices escomptés de la mesure » et sa démarche n’est pas un contrôle d’opportunité de la mesure mais un contrôle de légalité (contrôle des juridictions du travail sur le respect de l’article 23 de la Constitution et de l’effet de standstill qu’il emporte).

  • (Décision commentée)
    L’obligation de standstill que l’article 23 de la Constitution impose au législateur et à l’autorité réglementaire en matière de droit à la sécurité sociale et à l’aide sociale s’applique non seulement aux prestations prévues moyennant des cotisations sociales ou des périodes de travail suffisantes mais également aux prestations à caractère non contributif et donc aux allocations d’insertion.
    Dès lors que toute réduction du niveau de protection offert par les prestations sociales, qu’elles soient ou non contributives, est, par nature, susceptible de réduire les dépenses et d’inciter les intéressés à fournir des efforts supplémentaires d’insertion sur le marché du travail, partant, de contribuer à la réalisation d’objectifs généraux en matière budgétaire et d’emploi, ces objectifs généraux ne sauraient suffire à justifier n’importe quelle réduction du niveau de protection. De même, l’intervention des centres publics d’action sociale étant assurée à toute personne, elle ne saurait suffire, sous peine de vider de tout contenu l’obligation de standstill précitée, à justifier n’importe quelle réduction du niveau de protection offert par des prestations sociales, fussent-elles non contributives.
    En considérant que le recul significatif dans le droit à la sécurité sociale des chômeurs plus âgés, résultant de la limitation dans le temps du droit aux allocations d’insertion, est justifié par des motifs d’intérêt général, la cour du travail viole l’article 23 de la Constitution.

  • (Décision commentée)
    L’article 63, § 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 appliqué à l’assurée sociale en l’espèce (chômeuse âgée ayant travaillé comme assistante de prévention et de sécurité) est contraire à l’article 23 de la Constitution. En procédant ainsi au contrôle du respect de l’obligation de standstill imposée au Roi par cette disposition constitutionnelle, l’arrêt de la cour du travail ne viole ni l’article 7, § 1er, alinéa 3, de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 ni le principe général du droit de la séparation des pouvoirs.

C. trav.


  • (Décision commentée)
    L’arrêt écarte la thèse de l’ONEm soutenant que la décision de fin de droit, découlant automatiquement de la décision d’octroyer des allocations d’insertion qui sont limitées dans le temps, ne serait pas une décision devant être notifiée au chômeur conformément aux articles 2, 8°, 7, 14, et 23, de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l’assuré social et 63, § 2, et 146, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Il s’en déduit que le délai de recours n’a pas pris cours.
    La cour du travail confirme sa jurisprudence que la modification réglementaire ne viole pas les lois coordonnées sur le Conseil d’Etat et que, s’agissant de chômeurs de moins de 50 ans, elle ne viole pas non plus l’obligation de standstill.
    Constatant qu’en l’espèce aucune conséquence n’a été tirée de la longue incapacité de la chômeuse pendant la période de 36 mois à laquelle les allocations d’insertion sont limitées, la cour ordonne la réouverture des débats sur une éventuelle discrimination entre les bénéficiaires d’allocations d’insertion qui ont bénéficié de l’accompagnement et du suivi de leurs efforts d’insertion pendant la période de 36 mois et ceux qui, n’étant plus inscrits comme demandeurs d’emploi pendant leur période d’incapacité, n’en ont pas bénéficié.

  • Même jurisprudence que C. trav. Liège (div. Liège), 3 mars 2023, Chbre 2-E, R.G. 2022/AL/63 (chômeur de plus de 50 ans).

  • Sur le standstill, même jurisprudence que C. trav. Liège (div. Liège), 8 mars 2023, Chbre 2-C, R.G. 2022/AL/92 (chômeuse de moins de 50 ans).
    La cour se prononce en outre sur la période neutralisée : en vertu de l’article 63, § 2, il y a lieu de considérer que la période antérieure au mois qui suit le trentième anniversaire, durant laquelle le chômeur justifie de l’un des trois statuts protecteurs, demeure neutralisée. Par conséquent, le délai de 36 mois ne court que pendant – et aussi longtemps – que le chômeur a le statut de cohabitant non privilégié (au sens de la disposition).

  • La limitation des allocations d’insertion dans le temps constitue incontestablement un recul du degré de protection et ce recul est significatif. Il convient donc d’examiner si cette mesure est pertinente par rapport au but qui lui est assigné, nécessaire pour atteindre ce but et donc la moins attentatoire aux droits protégés et proportionnée, son auteur ayant anticipé, « au terme d’une balance des intérêts, les préjudices qui vont en résulter en contrepartie des avantages escomptés », ce qu’il appartient à l’ONEm de prouver. Dans le cadre de l’examen de cette condition, il convient d’être attentif à l’existence de catégories de chômeurs touchés par la réforme et à l’aptitude de celle-ci à atteindre le motif d’intérêt général, sa nécessité pouvant varier en fonction de la catégorie concernée.
    La catégorie de chômeurs âgés de 50 ans et plus est certes visée dans l’ensemble des analyses invoquées par l’ONEm à l’appui de sa thèse mais celui-ci n’établit pas que ce caractère est approprié et nécessaire. Il n’est pas démontré que, pour cette catégorie, l’auteur de la norme a suffisamment envisagé des alternatives possibles en vue d’atteindre l’objectif poursuivi avant la privation pure et simple des allocations par l’écoulement d’un délai. Quant à l’objectif budgétaire, le rapport 2015 démontre le très faible impact de la mesure à l’égard de cette catégorie : au maximum moins de 4% de l’économie réalisée, sans tenir compte des coûts en matière d’aide sociale et de revenu d’intégration sociale. Pour cette catégorie de chômeurs, la modification apportée à l’article 63, § 2, de l’arrêté royal organique viole l’obligation de standstill prévue par l’article 23 de la Constitution et ne peut donc être appliquée par les cours et tribunaux.

  • Mêmes développements que C. trav. Liège (div. Liège), 8 mars 2023, Chbre 2-C, R.G. 2022/AL/107.
    Il s’agit en l’espèce d’une chômeuse relevant de la catégorie des chômeurs âgés de moins de 50 ans au moment où le droit aux allocations lui a été retiré. La cour conclut à l’absence de violation de l’article 23 de la Constitution et de l’effet de standstill découlant de cette disposition. Elle refuse d’écarter l’article 9, 2°, de l’arrêté royal du 28 décembre 2011.

  • Il y a lieu d’opérer une distinction entre deux catégories de chômeurs : les chômeurs âgés de moins de 50 ans et les chômeurs âgés de 50 ans et plus au moment de leur exclusion du droit aux allocations d’insertion. Les chômeurs âgés de 50 ans et plus constituent en effet une catégorie qui est visée spécifiquement, directement ou indirectement, dans les études statistiques de l’ONEm (rapports annuels) et plus généralement dans une série d’analyses invoquées par l’Office à l’appui de sa thèse (la cour épinglant le PNR du 15 avril 2011, les Recommandations du Conseil de l’Union européenne du 12 juillet 2011, le rapport de l’ONEm pour l’année 2011, ainsi que celui de l’année 2015 et son rapport d’activité de 2018).
    Concernant la catégorie des chômeurs de moins de 50 ans, le contexte économique européen permettait raisonnablement de considérer que la mesure était nécessaire et appropriée ; pour les autres, elle s’inscrit dans un ensemble de mesures structurelles plus larges et la réforme a fait l’objet d’un examen préalable concret et sérieux. La cour relève cependant, pour la catégorie de chômeurs âgés de 50 ans et plus, que l’objectif de relance de l’emploi des jeunes n’est pas pertinent et que celui d’augmentation du taux global du taux de l’emploi ne vise pas exclusivement les jeunes travailleurs. Pour la cour, les chiffres démontrent que la limitation dans le temps de l’octroi des allocations d’insertion pour cette catégorie de chômeurs au moment de leur exclusion ne leur permettra pas d’atteindre l’objectif de réinsertion vu l’importance de leur passé de chômage, que la réforme ne pourra jamais effacer.

  • Pour la catégorie de chômeurs de 50 ans et plus, la cour considère que l’ONEm ne démontre pas que la mesure litigieuse est appropriée et nécessaire pour atteindre les objectifs d’intérêt général poursuivis.
    Bien qu’il admette que le caractère proportionné de la mesure est établi, l’arrêt décide d’écarter, pour cette catégorie, l’article 9, 2°, de l’arrêté royal du 28 décembre 2011 pour violation de l’article 23 de la Constitution et de l’effet de standstill qui en découle. Par contre, la cour indique que, pour les chômeurs âgés de moins de cinquante ans, la mesure était appropriée et nécessaire pour atteindre les objectifs d’intérêt général poursuivis.

  • Les objectifs poursuivis par la réforme (objectifs macro-économiques - mise en place d’un programme de relance de l’emploi, en particulier pour les jeunes – et budgétaires très larges définis en coordination avec l’Union européenne) relèvent de l’intérêt général. Ces objectifs sont précisés et confirmés par l’accord de Gouvernement du 1er décembre 2011, la note de politique générale du 20 décembre 2011, les différents programmes nationaux de réforme (P.N.R.), les lignes directives européennes, les rapports annuels de l’ONEm, etc.
    Quant à la proportionnalité de la mesure, la cour retient que le régime des allocations d’insertion est un régime dérogatoire, puisqu’il organise une indemnisation sans cotisations préalables suffisantes et sur une base forfaitaire, et que les allocations d’insertion, destinées à l’intégration des jeunes travailleurs les moins qualifiés, ne sont pas purement et simplement supprimées mais limitées dans le temps (la durée de trente-six mois n’étant pas insignifiante, symbolique ou totalement insuffisante à réaliser ce but d’insertion).
    La cour conclut que la mesure en l’espèce n’était pas manifestement disproportionnée, au moment de son adoption, pour la catégorie dont relève l’intéressée, catégorie définie dans la décision par le seul âge de celle-ci, soit quarante-cinq ans.

  • La cour ordonne la réouverture des débats sur l’application de l’article 63, § 2, de l’arrêté royal organique, posant la question de savoir s’il faut considérer (i) que le capital de 36 mois d’allocations d’insertion du titulaire des allocations d’insertion a été amputé des mois où le cohabitant a travaillé même s’il n’a travaillé qu’un jour car le titulaire était alors cohabitant ordinaire et non cohabitant privilégié ou encore (ii) si, dès lors qu’ils n’avaient pas atteint leur 30e anniversaire lors de l’adoption de la décision administrative, il faut au contraire regarder quel était le statut (cohabitant ou cohabitant privilégié) de chaque membre du couple au jour de la décision litigieuse ou à tout autre moment à déterminer et clicher les droits en fonction d’un instantané (d’autres interprétations étant encore possibles selon l’arrêt).

  • La limitation dans le temps des allocations d’insertion constitue un recul du degré de protection puisque ce droit aux allocations d’insertion, accordé auparavant sans limite de temps, se voit à présent limité à une période de 36 mois. Ce recul est significatif, puisqu’il entraîne au terme de cette période la suppression, sans aucune mesure compensatoire, des allocations d’insertion. Les objectifs généraux donnés sans précision ni vérification ultérieure ne sont pas suffisants. Il en va de même des objectifs de relance du taux de l’emploi et d’insertion des jeunes. La preuve du caractère nécessaire et proportionné de la mesure au regard des objectifs de relance du taux d’emploi et d’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi n’est pas rapportée par l’ONEm. Pour ce qui est de l’objectif budgétaire, l’ONEm ne fait état que de considérations tout à fait générales et stéréotypées quant aux engagements européens, aux contraintes budgétaires et au contexte de crise économique. La modification apportée à l’article 63, § 2, de l’arrêté royal organique est dès lors écartée.
    (Cette chambre a rendu le 26 septembre 2022, dans le même sens, onze autres arrêts (R.G. 2021/AL/440, 2021/AL/539, 2021/AL/540, 2021/AL/545, 2021/AL/546, 2021/AL/558, 2021/AL/577, 2021/AL/578, 2021/AL/579, 2021/AL/580 et 2021/AL/581).

  • Par rapport à la catégorie des ‘’jeunes’’ chômeurs, visant à tout le moins les chômeurs dont le droit aux allocations d’insertion est né postérieurement à l’entrée en vigueur de la limitation de principe du droit aux allocations d’insertion à une période de 36 mois, la modification réglementaire litigieuse parait constituer une mesure pertinente et proportionnée. Elle ne viole pas l’obligation de standstill.
    La période antérieure au mois qui suit le trentième anniversaire, durant laquelle le chômeur justifie de l’un des trois statuts protecteurs, demeure neutralisée (c’est-à-dire qu’elle ne peut être prise en compte pour le calcul du délai de 36 mois), même si le chômeur devient ultérieurement cohabitant non privilégié (pourvoi sur ce point de l’arrêt rejeté par Cass., 12 juin 2023, n° S.22.0089.F ci-dessus).

  • (Décision commentée)
    Pour ce qui est des effets de la suppression des allocations d’insertion, les personnes touchées par l’exclusion sont dans des situations de fait extrêmement différentes. Pour certains, il n’y aurait pas de régression ou pas de régression sensible, même si ceci n’est pas le cas pour la majorité des personnes visées. Il se justifie dès lors pour la cour de vérifier si le bénéficiaire d’allocations appartient à une catégorie de personnes qui ont subi un recul significatif en vertu de la norme attaquée. Sur le plan de la preuve, la cour estime qu’il serait manifestement déraisonnable de demander à l’intéressée d’apporter une preuve concernant toute la catégorie de personnes subissant un recul significatif et qu’elle devra démontrer les effets de la réforme dans son cas.

  • L’article 63, § 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 engendre un recul significatif du degré de protection des bénéficiaires d’une allocation d’insertion. L’ONEm ne peut se contenter d’invoquer des motifs d’intérêt général mais doit démontrer que la mesure adoptée est appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif général visé (motifs budgétaires, motifs liés à la relance de l’emploi des jeunes, motifs liés à l’atteinte d’un niveau d’emploi de 73,2% en 2020). A défaut d’établir ce caractère approprié et nécessaire et de démontrer que d’autres possibilités de mise en œuvre de la réforme et susceptibles d’avoir un impact moins important en termes de protection sociale auraient été étudiées, la disposition doit être écartée.

  • Le double motif d’intérêt général, d’ordre budgétaire et d’ordre socio-professionnel, invoqué pour justifier le recul sensible du niveau de protection du droit au travail (via l’insertion professionnelle dans la mesure où les bénéficiaires exclus sont privés de l’accompagnement ciblé lié au droit aux allocations) et du droit à la sécurité sociale d’un chômeur est, à défaut d’élément probant, sans rapport de proportionnalité avec la mesure litigieuse. L’Onem ne peut se contenter, dès lors qu’une atteinte au principe de non-régression est établie, d’évoquer un objectif budgétaire et un objectif de taux d’emploi mais doit démontrer avoir évalué l’impact réel de la mesure prise, autrement dit, démontrer la légalité de sa réforme au regard des conditions de fond qui s’imposent en justifiant ses choix.

  • La réduction des dépenses liées au paiement d’allocations de chômage semble, de manière générale, être une mesure appropriée à un objectif (d’économie) budgétaire. Dans la mesure cependant où aucune pièce n’est déposée à cet égard et que la position de l’ONEm repose sur des allégations invérifiables, ainsi à défaut pour lui de produire le moindre élément établissant les effets escomptés de la mesure et son accomplissement, toute comparaison des effets de celle-ci avec la régression qu’elle impose est illusoire et tout contrôle de proportionnalité, même marginal, est concrètement impossible.

  • (Décision commentée)
    L’abaissement de l’âge maximal pour bénéficier des allocations d’insertion n’ayant pas été accompagné de mesures compensatoires ou de substitution, il y a un recul significatif de la protection sociale, la possibilité de recours au C.P.A.S. ne suffisant pas à tempérer le caractère sensible et significatif de celui-ci.
    Si les motifs invoqués sont des motifs d’intérêt général (réalisation d’économies aux fins d’atteindre l’équilibre budgétaire et volonté de favoriser l’insertion des jeunes sur le marché du travail), l’absence d’élément permettant d’évaluer l’économie pouvant être réalisée ainsi que d’indication quant à la possibilité d’atteindre les mêmes objectifs par des mesures entraînant un recul moins important rend impossible le contrôle de proportionnalité, même marginal.
    La nouvelle version de l’article 36 est dès lors écartée, au motif qu’elle viole l’article 23 de la Constitution.

  • (Décision commentée)
    La limitation du droit aux allocations d’insertion imposée par l’article 63, § 2, de l’arrêté royal organique depuis sa modification par l’arrêté royal du 28 décembre 2011 constitue en l’espèce un recul du degré de protection de l’intéressée, dont il est relevé qu’elle n’appartient pas à la catégorie des « jeunes travailleurs » visée par la politique d’insertion de ceux-ci. Auparavant, le droit aux allocations d’insertion était accordé sans limite de temps et il est actuellement limité à 36 mois. Le recul est significatif : il entraîne en effet la suppression, sans aucune mesure compensatoire, des allocations en cause. Pour la cour, le critère de nécessité n’est pas rencontré (l’ONEm n’établissant pas si une mesure moins régressive existait, susceptible d’atteindre le même objectif) et la mesure n’a pas un caractère « raisonnable et proportionné ». Si l’intéressée a pu bénéficier de l’aide d’un C.P.A.S., ceci ne suffit en effet pas à conférer au recul opéré le caractère proportionné requis.

  • (Décision commentée)
    L’ONEm soutenant que le recul sensible est justifié par des motifs liés à l’intérêt général (renvoyant au préambule de l’arrêté royal du 28 décembre 2011), la cour constate qu’elle ne peut vérifier, même dans une appréciation marginale, si ces motifs sont appropriés et nécessaires à leur réalisation. Par aucun élément tangible dans le cadre d’une appréciation in concreto, l’ONEm n’indique en quoi la réalisation de l’objectif budgétaire prévu justifiait la suppression des allocations, non plus que le caractère approprié et nécessaire de la mesure pour cette catégorie de travailleurs, en-dehors de tout système leur permettant de bénéficier de la poursuite d’un accompagnement à l’insertion sur le marché du travail, notamment.

  • Eu égard aux éléments de fait constatés par la Cour (très peu de périodes de travail depuis 20 ans, absence de tout effort de formation durant la période transitoire de 3 ans qui a débuté le 1er janvier 2012, absence de preuves de recherches d’emploi fournies), il y a lieu de conclure à une attitude peu volontariste dans la recherche d’un emploi, de telle sorte que, eu égard au test de proportionnalité, la limitation dans le temps des allocations d’insertion n’est pas disproportionnée envers l’intéressée. Dans le cas précis de celle-ci (ce que la Cour souligne), l’effet de standstill qui s’attache à l’article 23 de la Constitution et à l’article 12 de la Charte sociale européenne n’est pas violé par la limitation dans le temps des allocations d’insertion.

  • (Décision commentée)
    La mise en œuvre de l’effet de « standstill » requiert un examen rigoureux reposant sur une comparaison, par rapport à la norme de référence (soit la norme internationale ou constitutionnelle dont est déduite une telle obligation), entre la norme de base (étant celle qui établit le niveau de protection à prendre en considération pour apprécier l’éventuel recul opéré par la norme litigieuse) et la norme litigieuse elle-même (étant celle qui est qualifiée de régressive ou de prétendument régressive).

Trib. trav.


  • Les deux objectifs d’intérêt général (objectif budgétaire et objectif de relance de l’emploi chez les jeunes) sont rencontrés, l’ONEm démontrant que la mesure prise s’intègre dans un programme plus large de réformes visant à accroître le taux d’emploi. Celles-ci sont principalement axées sur l’aide apportée aux jeunes, ce qui est en conformité avec l’objectif principal affiché : augmenter ce taux d’emploi chez cette catégorie de chômeurs.
    Le tribunal s’interroge cependant sur le caractère proportionné de la mesure en ce qu’en visant les allocataires d’insertion, elle a atteint un grand nombre de chômeurs « de longue durée » pour lesquels la mesure n’a pas permis de retrouver un emploi et qui n’ont pas bénéficié d’un accompagnement aussi important que celui dont les jeunes ont pu bénéficier.
    Le tribunal pose la question de savoir si deux catégories de chômeurs (chômeurs dont le droit aux allocations d’insertion est né avant le 1er janvier 2012 et chômeurs dont le droit est né après cette date) ne devraient pas être envisagées distinctement. Une réouverture des débats est ordonnée.

  • Dans l’examen des objectifs d’intérêt général invoqués par l’ONEm justifiant l’adoption du nouvel article 63 de l’arrêté royal organique (arrêté royal du 28 décembre 2011), force est de constater, concernant l’objectif budgétaire vanté, que l’ONEm n’établit pas que la mesure était nécessaire. Il ne fait en effet état d’aucune autre option (moins attentatoire à la protection sociale) qui aurait été envisagée pour que l’Etat belge puisse atteindre les objectifs budgétaires qu’il s’était fixés afin de rencontrer les exigences des institutions européennes. Il y a dès lors un manquement à l’aspect formel de l’obligation de proportionnalité. Il s’agit d’un manquement au devoir de justification au regard du principe de standstill. Le caractère nécessaire de la mesure n’est dès lors pas établi au regard de l’objectif budgétaire, lequel est un objectif général et global propre à l’Etat et non à l’ONEm en particulier.

  • La limitation des allocations d’insertion à une durée de trente-six mois alors qu’auparavant il n’y avait pas de limitation dans le temps constitue un recul sensible du niveau de protection sociale prévue par la réglementation. Ce n’est pas que le droit au paiement des allocations que les chômeurs perdent, mais également tous les droits annexes, tels le plan Activa et la possibilité de dispense et de formations. Le recul est dès significatif. En ce qui concerne le motif budgétaire, rien ne permet de venir confirmer le motif d’intérêt général invoqué, l’ONEm n’ayant aucune idée de l’impact des mesures de manière concrète. De même pour ce qui est du motif de relance de l’emploi des jeunes. La mesure n’est par ailleurs pas proportionnée, aucune mesure aidant à l’insertion professionnelle n’ayant été mise en place. La disposition est en conséquence écartée.

  • Sur l’objectif relatif à une meilleure insertion des jeunes sur le marché du travail justifiant la limitation dans le temps des allocations d’insertion, le tribunal du travail retient, via l’analyse des rapports annuels de l’ONEm antérieurs et postérieurs à la réforme et le rapport de la Cour des comptes à la Chambre des représentants, que cet objectif est trop vague et imprécis pour pouvoir justifier la mesure. Le caractère approprié de la mesure n’est pas davantage démontré, celle-ci apparaissant au contraire disproportionnée lorsque sont mis en balance les différents intérêts.
    En l’espèce, c’est essentiellement l’objectif budgétaire qui doit être apprécié au regard de l’intérêt particulier des personnes qui subissent la suppression de leurs allocations d’insertion après trois ans. Ceci d’autant que la mesure touche également tous les bénéficiaires d’allocations d’insertion, y compris ceux qui ne sont pas jeunes et qui sont très éloignés de l’emploi.

  • (Décision commentée)
    Vu la limitation dans le temps des allocations d’insertion, l’existence d’une réduction significative du niveau de protection sociale ne peut raisonnablement être contestée, les mêmes personnes disposant, antérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme litigieuse, de la possibilité de solliciter le bénéfice de celles-ci sans limitation. Ce n’est pas que le droit au paiement des allocations que les chômeurs perdent, mais également tous les droits annexes tels le plan Activa et la possibilité de dispenses et de formation.
    En l’espèce, aucun motif d’intérêt général n’est suffisamment démontré et le tribunal considère que la mesure de limitation dans le temps des allocations d’insertion n’est pas proportionnée. Il écarte en conséquence l’application de l’article 9, 2°, de l’arrêté royal du 28 décembre 2011 en ce qu’il modifie l’article 63, §§ 2 à 5, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

  • La réforme introduite par l’arrêté royal du 28 décembre 2011 génère au mieux le glissement d’un nombre important de personnes vers l’aide subsidiaire des C.P.A.S., qui est le dernier filet de la protection sociale, voire même vers l’arrêt concret de tout revenu de remplacement pour les cohabitants. Dans la mesure où l’ONEm lui-même considère que l’application de la réforme permet des économies budgétaires sensibles, ceci confirme que les demandeurs d’emploi sont moins aidés, puisque l’application de la réforme permet de dépenser moins d’argent public à leur profit.

  • La théorie du standstill exige de contrôler l’incidence de la réforme législative ou réglementaire sur les droits concrets de l’assuré social, au regard de sa situation spécifique. La régression des droits économiques, sociaux et culturels doit se faire eu égard à la personne de l’assuré social elle-même et, si celle-ci n’a pas vu ses droits se réduire du fait de la modification de la réglementation, n’ayant jamais bénéficié que du nouveau système introduit, il n’y a pas de réduction de sa protection sociale.

  • (Décision commentée)
    L’obligation de standstill n’emporte pas de droit acquis à une norme et le législateur peut modifier le dispositif légal s’il assure le maintien d’un niveau de protection au moins équivalent à celui antérieurement consacré. L’obligation de standstill tolère des compensations.
    L’article 23 de la Constitution n’implique pas que les droits fondamentaux recensés doivent être garantis de la même manière pour chaque individu par le législateur et n’empêche donc pas que ces droits soient limités et modulés pour certaines catégories de personnes. En l’espèce, il est constaté que la demanderesse ne subit aucun recul significatif du degré de protection de ses droits économiques, sociaux et culturels qui révélerait une violation possible du principe de standstill déduit de l’article 23 de la Constitution.

  • Le dommage résultant de la fin du droit aux allocations n’apparaît pas disproportionné pour les jeunes bénéficiaires d’allocations d’insertion, qui restent accessibles au revenu d’intégration et peuvent solliciter un contrat individualisé d’intégration sociale – ou même être contraints à signer celui-ci.
    En revanche, pour les travailleurs âgés, cette mesure les exclut du marché de l’emploi, ce qu’elle est censée éviter. Il paraît illusoire de considérer qu’un travailleur âgé de plus de 50 ans qui n’a pas trouvé de travail alors qu’il présentait une évaluation positive dans le cadre de l’activation de recherche d’emploi en trouvera plus facilement parce qu’il émargera dans le meilleur des cas au revenu d’intégration sociale où il sera éventuellement dispensé de cette recherche d’emploi, la disposition au travail étant évaluée dans ce secteur de manière moins stricte qu’en chômage. Il apparaît dès lors contradictoire d’exclure les travailleurs âgés du bénéfice des avantages de chômeurs indemnisés et de l’encadrement prévu dans le cadre de l’activation de leur recherche d’emploi. L’intéressé étant âgé de 58 ans et disposant d’une formation limitée, la fin de droit aux allocations d’insertion constitue non seulement un recul significatif mais va à l’encontre de l’objectif poursuivi en ce qui concerne les travailleurs âgés. La mesure doit dès lors être écartée.

  • Même privé de ses allocations d’attente, le jeune reste accessible au revenu d’intégration sociale et ne se voit donc pas privé de tout moyen de subsistance. Le demandeur étant encore jeune (32 ans au moment de la fin de droit), disposant de diverses formations pour lesquelles des emplois sont recherchés, il peut encore envisager à son âge d’en suivre d’autres. En tout état de cause, la décision de fin de droit ne met pas fin à ses moyens de subsistance dès lors qu’il peut prétendre au revenu d’intégration sociale et que le C.P.A.S. lui a d’ailleurs proposé de signer un projet d’intégration individualisé, de sorte qu’il bénéficiera d’un encadrement dans sa recherche d’emploi.

  • (Décision commentée)
    En ce qu’il modifie l’article 63, §§ 2 à 5, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, l’article 9, 2°, de l’arrêté royal du 28 décembre 2011 n’est pas conforme à la Constitution puisqu’il en viole l’article 23 et l’effet de standstill en découlant. Il y a en l’espèce une régression sociale flagrante. Après avoir perdu son droit aux allocations d’insertion dont il bénéficiait depuis août 2006, l’intéressé se retrouve en effet à la charge du C.P.A.S.

  • (Décision commentée, conjointement avec Trib. trav. Liège (div. Verviers), 23 mai 2016, R.G. 15/22/A)
    En l’absence d’explications sérieuses et précises quant à la mesure prise, le Gouvernement n’a pas respecté l’article 23 de la Constitution et le principe de « standstill » en découlant. Ce stade formel indispensable n’existant pas, il n’y a pas lieu de poursuivre l’analyse plus profondément, le contrôle de la réalité des motifs « d’intérêt général » et la proportionnalité des mesures prises se révélant concrètement impossibles.

  • (Décision commentée, conjointement avec Trib. trav. Liège (div. Liège), 21 juin 2016, R.G. 15/3.413/A)
    La modification de l’article 63, § 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 par celui du 28 novembre 2011 est contraire au principe du « standstill ». La mesure n’est, en effet, ni appropriée ni nécessaire au regard de l’objectif poursuivi et emporte des conséquences disproportionnées pour la substance du droit en cause.


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