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Jurisprudence avant la loi du 13 mars 2024


C. trav.


Trib. trav.


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C. trav.


  • Un conseiller en prévention dans l’enseignement libre subventionné n’est ni un membre subsidié, ni un membre tout court du personnel administratif. Il n’est de ce fait pas exclu de l’application de la C.C.T. n° 109. Si celle-ci ne lui est pas applicable en cas de licenciement, elle l’est bien en cas de mesure d’écartement prise à son endroit (art 2, § 3 de la C.C.T. n° 109) .

  • Le fait que la Cour constitutionnelle ait, constatation faite de la lacune existant à leur détriment, invité les juridictions du travail à garantir sans discrimination, en application du droit commun des obligations, les droits de tous les travailleurs du secteur public en cas de licenciement manifestement déraisonnable, en s’inspirant, le cas échéant, de la C.C.T. n° 109, ne peut constituer un fondement pour une application pure et simple de celle-ci aux intéressés. Ainsi est-il exclu de leur accorder, à titre d’indemnisation, l’indemnité forfaitaire dont elle prévoit le paiement.

  • Dans l’attente de l’exécution toujours à donner à l’article 38, 2°, de la loi du 26 décembre 2013 concernant l’introduction d’un statut unique, il convient de rechercher un critère pour apprécier le dépassement manifeste de l’exercice normal du droit de licencier qui ne discrimine pas les ouvriers du secteur public par rapport à ceux du secteur privé (cf. C. const., arrêt n° 101/20016 du 30 juin 2016). Pour juger l’attitude prétendument abusive d’un employeur du secteur public, il se justifie de se référer au comportement attendu de l’employeur diligent et prudent d’un ouvrier dans le secteur privé, et d’appliquer, au premier, le droit commun de l’abus de droit en se référant, comme le suggère la Cour constitutionnelle, aux critères de la CCT n° 109, à laquelle est soumis le second.

  • Le fait que son champ d’application personnel soit, à l’instar de celui de toutes les conventions collectives, délimité par la loi du 5 décembre 1968 a pour effet que la CCT n° 109 ne s’applique qu’au secteur privé, l’absence de règles comparables pour le secteur public constituant une « lacune extrinsèque » de la loi, de sorte que le juge ne peut lui appliquer, fût-ce par analogie, les dispositions de cette convention et doit se tourner vers les principes du droit commun en matière d’abus de droit, en particulier en regard du principe de l’exécution de bonne foi des conventions consacré par l’article 1134 du Code civil.

    Dans cette mesure, le licenciement ne sera considéré comme abusif que si le travailleur prouve, sur la base de circonstances particulières, que l’employeur a usé de son droit de licencier d’une manière qui dépasse manifestement les limites de l’exercice qu’en ferait un employeur prudent et diligent. Il ne peut se limiter à invoquer que son licenciement s’appuie sur des motifs inexacts ou dépourvus de gravité, mais doit établir que l’acte de rupture est concrètement constitutif d’abus de droit, un tel abus pouvant s’avérer essentiellement dans les circonstances suivantes : intention de nuire, choix de la manière la plus dommageable parmi les différentes manières possibles d’exercer le droit et exercice de celui-ci de manière telle à créer, dans le chef d’autrui, un inconvénient sans proportion aucune avec l’avantage que l’utilisateur en retire.

  • (Décision commentée)
    L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 octobre 2015 ne porte que sur la motivation formelle et non sur la motivation substantielle. Le licenciement d’un contractuel dans le secteur public doit reposer sur des motifs exacts, pertinents et légalement admissibles. Dès lors que l’employeur public a soigneusement mené son enquête préalable au licenciement, qu’il a dûment motivé celui-ci et qu’il n’y a pas de préjudice particulier démontré, le licenciement n’est pas irrégulier (la cour rappelant encore que, après l’arrêt de la Cour de cassation du 12 octobre 2015, concluant à l’absence d’obligation pour l’employeur public de motiver le licenciement des travailleurs contractuels et de procéder à leur audition préalable, la Cour constitutionnelle est toujours saisie d’une question sur l’existence d’une possible discrimination, question posée par le Tribunal du travail de Bruxelles dans un jugement du 14 avril 2016).

Trib. trav.


  • L’arrêt n° 84/2018 de la Cour constitutionnelle ne concernant que l’obligation de motiver l’acte même de licenciement n’exclut pas qu’une faute soit reconnue dans le chef d’un employeur public s’il refuse, sur interpellation du travailleur, de lui fournir les motifs de son licenciement ou une information complémentaire quant au motif vague repris dans la lettre de licenciement et le C4. Il appartient ainsi aux juridictions du travail d’apprécier s’il s’est comporté comme un employeur normal et prudent et si cette absence d’information est de nature à nuire aux droits de l’intéressé en l’empêchant d’apprécier utilement les chances de succès de son action en justice.

  • (Décision commentée)
    Le tribunal reprend la position de la jurisprudence récente qui s’est développée à partir des enseignements de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 juin 2016 (C. const., 30 juin 2016, n° 101/2016) en matière de licenciement déraisonnable/fautif des travailleurs contractuels dans le secteur public, étant qu’il faut comparer le comportement d’un employeur du secteur public à celui attendu de l’employeur normalement prudent et diligent du secteur privé, avec renvoi à l’article 8 de la C.C.T. n° 109.
    En l’espèce, les motifs invoqués sont liés à la conduite de la travailleuse, motifs contestés par celle-ci et dont l’employeur ne prouve pas la réalité. Le tribunal reproche également à l’employeur de ne pas avoir procédé à des investigations complémentaires, et notamment de ne pas avoir recueilli la version des faits de l’intéressée. Le licenciement est dès lors déraisonnable, eu égard au comportement de l’employeur public, qui eut dû procéder à l’entretien préalable afin de permettre à l’intéressée d’apporter des explications et des pistes de solution lui permettant de sauver son emploi.

  • Un licenciement à l’aveugle, intervenu indépendamment de l’existence ou non d’une quelconque implication dans les événements ayant conduit à un scandale qui a touché l’institution, mais expressément entrepris pour privilégier une image de rupture avec le passé, est dénué du moindre motif raisonnable et ne correspond nullement à l’attitude qu’eut adoptée un employeur normal et raisonnable. Ce comportement est d’autant plus fautif que l’employeur a étiqueté l’employée, dans un document important tel que le certificat de chômage C4 et dans la délibération à la base de la décision de licenciement, comme n’étant plus digne de confiance, sans avoir égard à cette éventuelle implication ou absence d’implication dans les éléments ayant conduit audit scandale.
    De telles fautes sont de nature à causer un préjudice moral tant par l’absence de motif raisonnable que par l’utilisation d’un motif inutilement et surtout injustement accablant et de nature à sérieusement entacher l’honneur et la crédibilité de l’intéressée.

  • (Décision commentée)
    Il faut éviter dans toute la mesure du possible une différence de traitement injustifiée entre les travailleurs, notamment en ce qui concerne la limitation des motifs de licenciement, le renversement de la charge de la preuve et la fixation forfaitaire de l’indemnité.
    Pour ce qui est des motifs, il peut être recouru au droit commun de l’abus de droit et, conformément à l’enseignement de la Cour constitutionnelle, il convient dans cet examen de comparer le comportement d’un employeur du secteur public à celui de l’employeur normalement prudent et diligent du secteur privé, référence donnée à l’article 8 de la C.C.T. n° 109. La Cour de cassation a en effet rappelé dans un arrêt du 18 février 2008 (Cass., 18 février 2008, n° S.07.0010.F) qu’est abusif l’exercice du droit de licenciement d’une manière qui dépasse manifestement les limites de l’exercice normal que ferait de ce droit un employeur prudent et diligent. Ainsi, procéder à un licenciement manifestement déraisonnable au sens de la C.C.T. n° 109 est un manquement à la référence à l’employeur prudent et diligent et constitue un abus. Cette faute peut, si elle présente un lien de causalité suffisant avec un dommage, justifier l’octroi d’une indemnité sur la base de l’article 1382 C.C.

  • Dans l’attente d’une intervention du législateur, il convient de s’en référer au droit commun en l’interprétant de façon à éviter, dans toute la mesure du possible, une différence de traitement injustifiée entre les travailleurs des secteurs public et privé, notamment en ce qui concerne la limitation des motifs de licenciement admissibles, le renversement de la charge de la preuve et la fixation forfaitaire de l’indemnité de licenciement complémentaire due en cas de licenciement abusif.
    S’agissant du premier point, il est possible, ainsi que l’a décidé la Cour du travail de Liège par arrêt du 22 janvier 2018 ci-dessus, de surmonter la difficulté en recourant au droit commun de l’abus de droit, en mettant le comportement de l’employeur en regard du comportement attendu d’un employeur normalement prudent et diligent du secteur privé.
    En ce qui concerne la question de la charge de la preuve, il convient de revenir au droit commun dont l’application ne discrimine pas le travailleur du secteur public par rapport à son homologue du secteur privé dès lors que le régime probatoire prévu par la CCT n° 109 se borne à rappeler, en termes exprès, que chaque partie a la charge de la preuve de ce qu’elle allègue. Le travailleur devra, ainsi, prouver que les motifs avancés par son employeur sont illégitimes et ont été générateurs, dans son chef, d’un dommage qu’il lui revient d’établir, tant dans son principe que dans son ampleur.
    Dans l’hypothèse où la juridiction saisie accorderait l’indemnité postulée, elle pourra, dans le cadre de son évaluation ex aequo et bono, accorder une valeur indicative au quantum prévu en cas de licenciement manifestement déraisonnable décidé par un employeur du secteur privé.

  • La position de la Cour constitutionnelle dans l’ordonnancement juridique ne lui donne pas le pouvoir de créer positivement le droit, ni d’élargir purement et simplement le champ d’application de la C.C.T. n° 109 dont les critères peuvent, tout au plus, servir de référence pour définir le caractère manifestement déraisonnable du licenciement par rapport à un employeur normal et raisonnable. Au-delà, le juge ne peut qu’appliquer le droit commun de l’abus de droit, notamment en ce qui concerne la charge de la preuve et l’évaluation du dommage.

  • (Décision commentée)
    L’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 juin 2016 a souligné qu’il appartient au législateur d’adopter sans délai un régime de protection contre les licenciements manifestement déraisonnables pour les travailleurs visés à l’article 38, 2°, de la loi du 26 décembre 2013 (étant les travailleurs au service d’employeurs qui ne relèvent pas du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968), d’autant qu’un nouveau régime existe déjà avec effet au 1er avril 2014 pour les travailleurs du secteur privé. Dans cet arrêt, la Cour constitutionnelle a ouvert la voie suivante : dans l’attente de l’intervention du législateur, il appartient aux juridictions, en application du droit commun des obligations, de garantir sans discrimination les droits de tous les travailleurs du secteur public en cas de licenciement manifestement déraisonnable, en s’inspirant, le cas échéant, de la convention collective de travail n° 109 (considérant B.7.3).

  • Il résulte de l’arrêt n° 101/2016 de la Cour constitutionnelle que, dans l’attente d’une intervention du législateur visant à l’adoption d’un régime de protection contre les licenciements manifestement déraisonnables pour les ouvriers du secteur public licenciés après le 31 mars 2014, il appartient, en pareille occurrence, au juge de garantir sans discrimination les droits des intéressés en s’inspirant, le cas échéant, de la CCT n° 109.
    Il lui revient ainsi de combiner les règles de l’abus de droit avec celles de ladite CCT, partant du fait (i) que pour apprécier si un licenciement est manifestement déraisonnable, il appartient à l’employeur d’en donner les motifs et (ii) que si le caractère manifestement déraisonnable du licenciement est établi, il est fautif et doit, par conséquent, être indemnisé.
    Quant au dommage résultant de cette faute, s’inspirant toujours de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, il convient de s’en référer à une fourchette équivalente à celle visée dans la CCT n° 109.

  • En ce qu’il statue au regard des seuls moyens développés à l’appui du pourvoi et n’évoque aucune disposition internationale, l’arrêt de la Cour de cassation du 12 octobre 2015 ci-dessus ne permet pas d’éluder la question la question de l’audition préalable et de la déclarer d’emblée non fondée. Il y a, au contraire, lieu de rappeler que, si elle n’est pas prévue comme telle en droit belge du contrat de travail, l’audition préalable peut découler du principe d’exécution de bonne foi des contrats (art. 1134 C. civ.) et de l’abus de droit interprété à la lumière des articles 7 de la Convention n° 158 de l’OIT, 30 de la Charte de droits fondamentaux de l’UE et 24 de la Charte sociale européenne révisée.
    Cette approche règle, en outre, toute question liée aux principes d’égalité et de non-discrimination dès lors qu’elle s’impose à tous les employeurs, quel que soit le secteur public ou privé, et place les travailleurs contractuels sur pied d’égalité avec les agents statutaires, qui bénéficient de ce préalable.
    On en retiendra que l’absence d’audition préalable est bien constitutive d’une faute comportant un dommage distinct de celui couvert par l’indemnité compensatoire de préavis, à savoir la privation de la possibilité de faire valoir ses moyens de défense et d’une chance de conserver son emploi, avec un lien de causalité évident entre la faute et le dommage distinct (Ég. dans ce sens Trib. trav. Liège (div. Dinant), 21 novembre 2016, R.G. 15/1.020/A).

  • Dès lors que la convention collective 109 ne peut viser que les employeurs soumis à la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, ainsi qu’aux travailleurs visés par celle-ci, à savoir les employeurs et travailleurs du secteur privé, il y a lieu, dans le cadre du licenciement par un organisme public (centre hospitalier universitaire) de vérifier le caractère déraisonnable du motif dans le cadre du droit commun de la responsabilité : seul le licenciement qualifié d’abusif pourra faire l’objet d’une demande de réparation de la part du travailleur. Il faut appliquer ici les règles habituelles de l’abus de droit, en ce compris celles relatives à la charge de la preuve.


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