Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 2 février 2021, R.G. 2019/AL/336
Mis en ligne le 29 avril 2022
Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 9 mars 2018, R.G. 2017/AL/63
Mis en ligne le 25 septembre 2018
Dès lors qu’il est admis que la cause essentielle de douleurs graves et persistantes réside dans la personnalité de la victime mais que celles-ci ne sont pas totalement étrangères à l’accident, qui contribue y dans une certaine mesure, le taux d’IPP ne peut être fixé en faisant abstraction de celles-ci
L’identification d’un état antérieur et la bonne compréhension de son interaction avec l’accident sont essentielles. L’état antérieur peut s’entendre de « l’état du sujet considéré juste avant l’accident qui le frappe ». Le principe de l’indifférence de l’état antérieur a pour corollaire celui de la globalisation dégagé par la jurisprudence de la Cour de cassation. Lorsque le traumatisme consécutif à l’accident active, chez la victime, un état pathologique préexistant, le caractère forfaitaire du système légal de réparation impose d’apprécier dans son ensemble l’incapacité de travail de cette victime, sans tenir compte de son état morbide antérieur, l’accident étant au moins la cause partielle de l’incapacité. Devront alors être réparées non seulement les conséquences directes de l’accident, mais également les conséquences résultant de la combinaison des effets de l’accident avec l’état pathologique antérieur de la victime. En bref, le principe de globalisation suppose que l’appréciation de la réduction de capacité de gain causée par un accident englobe non seulement les séquelles de l’accident mais également l’état antérieur de la victime.
L’état antérieur qui n’a pas ou plus été influencé par l’accident au moment de la consolidation ne peut ainsi donner lieu à indemnisation d’une incapacité permanente de travail en l’absence de séquelles invalidantes de l’accident à cette date.
Si la pathologie devait continuer d’évoluer pour son propre compte en l’absence de l’accident, elle ne sera dès lors pas prise en compte dans l’évaluation de l’incapacité permanente. Cette évolution (non influencée par l’accident) peut être établie par une expertise médicale.
Quand plusieurs causes sont à l’origine du dommage, il n’est pas requis, par l’effet de la théorie de l’équivalence des conditions, que la faute reprochée soit la cause exclusive de celui-ci. Cette théorie de l’équivalence des conditions ne permet pas de choisir parmi les causes celle dont le pouvoir causal est le plus important. Par conséquent, dans l’appréciation du dommage en lien causal avec la faute commise, tout dommage, direct ou indirect, est indemnisable par l’auteur de la faute s’il est établi que ce dommage ne se serait pas produit ou, à tout le moins, ne se serait pas produit tel qu’il s’est produit en l’absence de cette faute.
Dès lors que les lésions constatées peuvent avoir aggravé l’état antérieur de la victime, il appartient à l’assureur-loi d’établir soit que l’état antérieur n’a pas évolué défavorablement à cause de l’accident du travail ou qu’il y a retour à l’état antérieur. Ne sont dès lors pas à prendre en compte des affirmations selon lesquelles l’on ne dispose pas d’éléments objectifs cliniques et paracliniques qui permettraient d’affirmer que l’état antérieur a été modifié par l’accident du travail. En effet, il s’agit moins de démontrer que l’état antérieur a été modifié par cet accident que de vérifier que cet état n’a pas été modifié.
Quand plusieurs causes sont à l’origine du dommage, il n’est pas requis, par l’effet de la théorie de l’équivalence des conditions que la faute reprochée soit la cause exclusive du dommage. Cette théorie de l’équivalence des conditions ne permet pas de choisir parmi les causes celle dont le pouvoir causal est le plus important. Par conséquent, dans l’appréciation du dommage en lien causal avec la faute commise, il convient de rappeler que tout dommage, direct ou indirect est indemnisable par l’auteur de la faute s’il est établi que ce dommage ne se serait pas produit ou à tout le moins ne se serait pas produit tel qu’il s’est produit en l’absence de cette faute.
Pour apprécier si l’accident est une des causes de l’incapacité, l’on examine si, sans lui, le dommage eut existé ou serait apparu dans une telle mesure. Dès lors que l’accident du travail est une des causes de l’incapacité, le dommage est apprécié dans son ensemble, c’est-à-dire qu’il ne sera pas tenu compte de l’état maladif antérieur (règle de la globalisation ou de l’indifférence de l’état antérieur). La réparation porte sur les conséquences directes de l’accident mais également sur celles résultant de la combinaison des influences propres de celui-ci et de celles propres à l’état antérieur, c’est-à-dire sans soustraction des effets invalidants de celui-ci. La réparation s’arrêtera dès lors que l’influence du traumatisme aura cessé de s’exercer et que c’est l’état pathologique évolutif d’origine interne qui seul évolue pour son propre compte (retour à l’état antérieur).
(Décision commentée)
Lorsqu’il apparaît qu’un anévrisme existait avant l’accident, qu’il ait été découvert fortuitement ou non est une circonstance indifférente, de même que le fait qu’il ait été asymptomatique, dès lors qu’il peut être mis en rapport avec l’accident lui-même. Pour renverser la présomption légale de causalité, il ne suffit pas de soutenir que la lésion existait antérieurement. Il faut que soit rapportée la preuve – avec un haut degré de vraisemblance – que l’état antérieur a évolué pour son propre compte et qu’il n’a pas été influencé par l’accident.
Le principe de l’indifférence de l’état antérieur a été consacré par la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Si un travailleur souffre de douleurs persistantes graves après un accident du travail dont l’origine ne peut être expliquée sur le plan médical mais dont la cause réside dans la structure de personnalité de ce travailleur et sa propension à certaines réactions à l’accident du travail, sans qu’il soit établi qu’il aurait ressenti avant son accident des douleurs identiques à celles qu’il ressent actuellement, l’incapacité permanente doit être déterminée en tenant compte de ces douleurs persistantes. A contrario, lorsqu’une pathologie évolutive continue à se développer pour son propre compte, comme elle le ferait en l’absence de tout accident, l’incapacité qui en découle ne peut plus être imputée à l’accident du travail, de telle manière qu’il n’y a pas lieu d’en tenir compte pour fixer le taux d’I.P.P. (avec renvoi à la jurisprudence de la Cour de cassation).
Dès l’instant où l’incapacité de travail trouve pour partie sa cause dans l’accident, l’appréciation de la réduction de capacité de gain causée par cet accident doit englober non seulement les séquelles de celui-ci mais également l’état antérieur. Ainsi, le taux de 100% d’incapacité permanente retenu en l’espèce par l’expert est pleinement justifié eu égard aux séquelles de l’accident du travail (agression sur le lieu du travail) combinées avec cet état antérieur (toxicomanie ayant engendré des problèmes de santé qui se trouvent aggravés au point de priver l’intéressé de toute capacité de travail).
L’incapacité de travail de la victime doit être appréciée dans son ensemble, sans tenir compte de l’état maladif antérieur de celle-ci, pour autant que et dans la mesure où l’incapacité de travail résulte, à tout le moins partiellement, de cet accident. Lorsque l’incapacité permanente résulte également d’un accident du travail, l’assureur-loi est tenu d’indemniser toute l’incapacité (avec renvoi à Cass., 30 octobre 2006, n° S.06.0039.N).
(Décision commentée)
L’état antérieur – qui est l’état du sujet considéré juste avant l’accident qui le frappe et dont il convient d’évaluer les conséquences pour les réparer de manière adéquate, étant donc la situation de la victime avant l’événement soudain – doit être distingué de la prédisposition – qui est une caractéristique d’un sujet, très généralement ignorée de celui-ci, n’ayant aucune expression dans sa vie quotidienne, mais qui, lors d’un traumatisme, favorise l’apparition d’une pathologie constatable qui n’existait pas auparavant.
Peuvent être retenues trois hypothèses d’état antérieur, étant la notion d’antériorité pure et simple (invalidité préalable à l’accident et indépendante de celui-ci), de réceptivité (hypothèse de la réalisation d’un risque particulier auquel la victime était exposée avant l’accident) et de pathologie antérieure évolutive (influence qu’exerce un processus d’invalidation en cours avant l’accident et que celui-ci active pour provoquer une incapacité de travail).
Sur le plan de la réparation, il y a globalisation ou – à l’inverse – retour à l’état antérieur.
La lésion et la perte de capacité de travail ne doivent pas nécessairement avoir l’événement soudain pour seule cause, ni même pour cause déterminante. Si la lésion ou la perte de capacité résultent de la combinaison des effets de l’accident et d’une autre cause, notamment un état pathologique antérieur de la victime, le dommage est entièrement réparé en exécution de la loi relative aux accidents du travail, aussi longtemps que l’accident est une cause au moins partielle du dommage. En d’autres termes :
La règle de la globalisation ne concerne pas que les accidents successifs - pour évaluer correctement les conséquences de la perte capacité qui résulte de l’accident, il faut tenir compte de la capacité déjà réduite de la victime avant que l’accident se soit produit
La règle de la globalisation ou dite de l’indifférence de l’état antérieur ne concerne pas que les lésions ayant le même siège : la fixation des séquelles de l’accident doit prendre en compte l’état préexistant de la victime, celui-ci étant censé être la seule cause légale de l’incapacité qui a suivi
Lorsque le traumatisme consécutif à l’accident active un état pathologique existant, le caractère forfaitaire de la réparation impose d’apprécier dans son ensemble l’incapacité de travail, sans tenir compte de l’état antérieur, l’accident étant au moins la cause partielle de l’incapacité - ainsi, une arthrose imputable à un état antérieur a pu être aggravée, activée ou même rendue symptomatique, douloureuse ou invalidante
Vu le caractère forfaitaire de la réparation légale, l’incapacité de travail doit être appréciée dans son ensemble et l’existence d’un état antérieur (éventuel) ne doit pas être prise en considération dans la mesure où l’accident est au moins pour partie la cause de l’incapacité - ainsi, si vu un état antérieur l’accident a réduit une capacité de travail déjà diminuée, l’influence de cet état antérieur aggrave la perte de capacité économique, celle-ci être appréciée dans son ensemble même si l’état antérieur en question n’a pas de rapport avec l’accident
Hospitalisation en psychiatrie partiellement due à l’accident du travail - évaluation de l’incapacité permanente : incapacité globale
Rappel des principes - obligation de se placer au moment où l’influence du traumatisme a cessé pour fixer l’incapacité permanente - obligation d’apprécier l’incapacité dans son ensemble
Réparation d’incapacité dans son ensemble, dans la mesure où l’accident est une des cause de celle-ci - renvoi à Cassation 5 avril 2004
Evaluation de l’incapacité dans son ensemble - portée de l’arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2004
Accident du travail et maladie professionnelle aggravant simultanément et à partir de la même date et de manière permanente un état pathologique préexistant - répartition de l’indemnisation - absence de cumul d’indemnisations
Accélération de l’évolution d’un état pathologique préexistant
L’état antérieur n’exclut l’obligation de réparer que lorsque, sans l’accident, les dommages se seraient produits tels qu’ils se sont réalisés.
La règle de l’indifférence de l’état antérieur ou de la globalisation implique que la pathologie concernée doit être imputée pour le tout à l’accident du travail dès lors et aussi longtemps que celui-ci en est la cause partielle. Cette règle trouve ses racines dans le caractère forfaitaire de l’indemnisation en la matière ainsi que dans la théorie de l’équivalence des conditions.
Une distinction a été faite entre l’état antérieur et les prédispositions pathologiques : l’état antérieur est un état pathologique net qui peut, mais pas obligatoirement, se traduire par une invalidité ou une incapacité, tandis que la prédisposition pathologique est un état pathologique qui induit une vulnérabilité particulière ou constitue un facteur de nature à aggraver les conséquences d’un traumatisme accidentel.
Pour apprécier si l’accident est une des causes de l’incapacité, il faut examiner si, sans lui, le dommage aurait existé ou serait apparu dans une telle mesure. Dès lors qu’il est une des causes de l’incapacité, le dommage est apprécié dans son ensemble, c’est-à-dire qu’il ne sera pas tenu compte de l’état maladif antérieur (règle de la globalisation ou de l’indifférence de l’état antérieur). La réparation porte sur les conséquences directes de l’accident et, également, sur celles résultant de la combinaison des influences propres de celui-ci et de celles propres à l’état antérieur, c’est-à-dire sans soustraction des effets invalidants de l’état antérieur. La réparation s’arrêtera dès lors que l’influence du traumatisme aura cessé de s’exercer et que c’est l’état pathologique évolutif d’origine interne qui seul évolue pour son propre compte (retour à l’état antérieur).
L’état antérieur n’a jamais été défini de manière claire et exhaustive ni dans un texte de loi ni dans la jurisprudence. On peut retenir la définition selon laquelle c’est l’état du sujet considéré juste avant l’accident qui le frappe. C’est donc la situation de la victime avant l’événement soudain.
Le mécanisme légal de la réparation en accidents du travail (dérogatoire au droit commun) impose que l’état antérieur soit considéré comme indifférent. La règle est la globalisation du dommage : la pathologie concernée doit être imputée pour le tout à l’accident dès lors et aussi longtemps que celui-ci en est la cause partielle.
Indifférence de l’état antérieur - caractère forfaitaire de l’indemnisation - théorie de l’équivalence des conditions