Commentaire de C. trav. Bruxelles, 10 janvier 2024, R.G. 2021/AB/329
Mis en ligne le 4 septembre 2024
Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 avril 2015, R.G. 2013/AB/713
Mis en ligne le 24 juillet 2015
Commentaire de Trib. trav. Mons, sect. La Louvière, 23 octobre 2006, R.G. 8.754/03/M
Mis en ligne le 27 mars 2008
(Décision commentée)
Le caractère peu détaillé des motifs invoqués (étant, en l’espèce, des « actes répétés d’agression et de menaces verbales et écrites » constituant un « comportement inadéquat sur une longue durée de temps ») peut être pallié en annexant à la lettre de congé des extraits d’e-mails échangés, via leur adresse professionnelle, entre l’auteur de ces actes et leur destinataire, qui permettent, eux, à la fois, de déterminer le (type de) contenu incriminé et, ces e-mails étant tous datés, de les situer dans le temps, en manière telle que le travailleur ne pouvait ignorer ce qui lui était reproché.
Des explications fournies oralement au travailleur quant aux faits qui lui sont reprochés ne peuvent entrer en ligne de compte pour apprécier la précision des motifs notifiés, cette exigence étant également destinée à permettre au juge, par définition absent des entretiens ayant pu avoir lieu entre parties, de statuer en connaissance de cause sur le caractère de gravité desdits motifs.
Faire référence à des « attestations écrites remises par les travailleurs » non autrement identifiés non seulement empêche la juridiction saisie de vérifier si le délai de 3 jours a été respecté, mais encore ne permet ni au travailleur de déterminer avec précision les griefs qui lui sont reprochés dans celles-ci, ni au juge d’être certain qu’il s’agit bien des faits dénoncés.
La précision requise n’est pas atteinte lorsque la lettre qui contient les motifs fait état d’une « conviction acquise », mais ne permet pas de déterminer avec certitude à quel moment celle-ci le fut, et, pour le reste, se réfère, à titre de faute très grave, à des menaces et intimidations à l’encontre de la société et de sa gérante, sans préciser le moins du monde en quoi consistaient lesdites menaces.
La manière dont des étudiants qualifient l’attitude d’un de leurs enseignants à leur égard et le ressenti qu’ils expriment à son propos relèvent de l’appréciation et ne peuvent, en tant que tels, être retenus comme motif grave s’il ne peut être vérifié qu’il est justifié par des faits et proportionné à ceux-ci.
En vertu de l’article 35 L.C.T., seul peut être invoqué le motif grave notifié dans les trois jours ouvrables qui suivent le congé. Le terme « seul » vise, outre l’information du destinataire, l’éventuel débat judiciaire dont il fixe déjà les frontières. Il est admis que la précision requise dans l’énonciation des faits peut résulter de la référence à d’autres éléments, tels notamment un entretien, une plainte, un avertissement, dans la mesure où l’ensemble de ceux-ci permet d’apprécier avec certitude les motifs de rupture, ce qui implique que ces éléments soient portés à la connaissance du travailleur. Il ne peut par ailleurs être suppléé par des témoignages à l’imprécision de la notification des motifs graves.
La circonstance que le travailleur n’ait élevé aucune contestation suite à la réception du courrier lui notifiant son congé pour motif grave ne permet nullement d’en déduire un quelconque élément de nature à apporter la preuve de la précision requise de la lettre de rupture, alors même que sa rédaction sommaire ne peut que le laisser dans l’incertitude de ce qui, parmi les faits qui lui sont reprochés et qui ont donné lieu à une enquête interne, a emporté la conviction qu’ils étaient constitutifs de motif grave.
Pour décider si les conditions prévues à l’alinéa 4 de l’article 35 L.C.T. ont été respectées : le juge peut se borner à vérifier si le motif grave invoqué à l’appui du licenciement est suffisamment précisé pour, d’une part, permettre au travailleur de connaître les motifs de la décision et de s’en défendre, et, d’autre part, permettre ensuite au juge de s’assurer que les motifs invoqués devant lui sont bien ceux qui ont été notifiés au travailleur. Ce faisant, il ne statue pas davantage sur l’existence des faits et sur leur caractère de gravité.
Une énonciation de griefs ne comportant aucune indication de date ni d’identité des personnes concernées par les manquements constatés ne permet pas de situer, même approximativement, les faits dans le temps et dans l’espace ni d’en apprécier la gravité, tant pour le juge que pour le destinataire de la notification, laquelle ne satisfait dès lors pas à l’exigence de précision des motifs. Le congé est, en conséquence, irrégulier.
S’il n’est, en toute hypothèse, pas nécessaire que la notification mentionne le lieu où s’est produit l’événement allégué, ni qu’elle précise la date à laquelle il s’est produit ou a été porté à la connaissance de l’auteur du congé, il reste que les faits doivent être qualifiés de telle manière que le travailleur puisse connaître ce qui lui est reproché sans équivoque possible et soit en mesure de se défendre en justifiant son attitude et/ou en apportant la preuve contraire et que, par ailleurs, le juge puisse vérifier si les faits invoqués présentent le caractère de gravité requis pour justifier la rupture immédiate des relations de travail. Il ne peut être suppléé à l’imprécision de la notification par des témoignages.
La précision des motifs imposée à l’auteur de la rupture ne doit pas être portée à un niveau tel qu’elle excéderait le double objectif qui est le sien, étant, d’une part, de permettre à la partie qui se voit notifier un motif grave d’être informée des causes de la rupture et, d’autre part, de mettre le juge à même d’apprécier la réalité de leur gravité ainsi que de vérifier si les motifs invoqués devant lui s’identifient à ceux énoncés dans la notification. Si elle ne peut être réduite à l’énoncé vague d’un comportement général, la description des faits ne doit donc pas rentrer dans les moindres détails, ni comprendre une argumentation complète destinée à les établir et justifier leur gravité, cette double démonstration devant, elle, être apportée dans le cadre du débat judiciaire.
(Décision commentée)
Contrôle de la précision requise – renvoi à la jurisprudence constante de la Cour de cassation
Une plainte pour vol et tentative de vol déposée à l’encontre d’un travailleur et décrivant de manière circonstanciée les faits reprochés peut servir à pallier le caractère lapidaire des motifs énoncés dans le délai de 3 jours à l’appui du congé pour motif grave dès lors qu’elle permet au travailleur, par ailleurs entendu par la police dans le cadre de la procédure dont il fait l’objet, de comprendre ce qui lui est reproché et aux juridictions saisies de vérifier si les motifs sommairement énoncés s’identifient avec les faits décrits dans cette plainte.
Date (et principes)
Impossibilité de suppléer à l’absence de précision par témoignages ou autres éléments
Imprécision de la lettre de rupture - impossibilité d’y suppléer par une offre d’audition de témoins
La précision des motifs peut résulter d’un échange de mails dont il ressort que le travailleur se rendait compte de ce qui lui était reproché et admettait sa responsabilité
Absence de précision suffisante - impossibilité de contrôle judiciaire
Impossibilité de couvrir l’absence de précision par voie d’enquêtes
Lettre de rupture faisant référence à une (seule) faute grave et lettre de précision des motifs renvoyant à deux fautes : impossibilité pour le juge d’exercer le contrôle judiciaire - imprécision
Exigence de précision - jurisprudence de la Cour de cassation - cas des injures
Exigence de précision - renvoi aux arrêts de la Cour de cassation
Absence de régularité de la lettre de licenciement pour défaut de précision du motif grave : « comportement agressif et abusif »- « propos vulgaires »
Une lettre de rupture qui ne contient aucune référence à la notion de motif grave ni ne précise que le licenciement sur-le-champ est un licenciement sans préavis ni indemnité ne peut, dans la mesure où il n’y est question que de « mettre fin au contrat » sans autre qualification, être analysée comme étant la notification d’une rupture pour motif grave au sens de l’article 35 de la loi.
L’on ne peut pallier l’imprécision avec laquelle la faute grave a été notifiée par l’audition de témoins ou d’autres moyens de preuve.
Si la lettre de notification des motifs ne doit pas contenir, à elle seule, l’ensemble des éléments et peut être complétée par une référence à d’autres faits, c’est à la condition que son contenu permette la double vérification exigée, à savoir que le travailleur sache avec précision pourquoi son contrat a été rompu et que le juge soit certain que les reproches énoncés en sont la cause. Tel n’est pas le cas lorsque leur énonciation ne permet ni de les situer, même approximativement, dans le temps et dans l’espace, ni d’en apprécier la gravité, ni de vérifier le respect de l’article 35, notamment au niveau des délais.
Dès lors que le courrier recommandé reprend avec précision les actes reprochés à un éducateur à l’encontre de certains jeunes du groupe de vie dont il a la charge, il est sans incidence que l’identité des intéressés n’y soit pas reprise, ce souci d’assurer une discrétion absolue à leur égard n’étant de nature ni à empêcher l’auteur des faits de les identifier et de se défendre, ni à influencer l’appréciation de la gravité des faits par le tribunal.
Des termes tels « injurié » et « propos racistes » pourraient, a priori, paraître trop vagues au regard de l’exigence de précision requise, n’était que le courrier précise la date des propos tenus, l’identité de la personne envers laquelle ils l’ont été et renvoie expressément au fait que leur auteur en a reconnu l’effectivité lorsqu’il a été entendu, devant témoin, par le responsable des ressources humaines de l’entreprise.
Sur la base d’expressions telles que « faits de harcèlement moral et sexuel au travail, attouchements, comportements sexuels déplacés au sein de l’entreprise et à l’égard de collègues » et « comportement inacceptable vis-à-vis d’un membre de l’encadrement qui relève de l’insubordination », le tribunal ne peut se faire une idée des comportements précisément reprochés au travailleur, ignorant les personnes concernées par ceux-ci et, surtout, la date à laquelle ils se sont déroulés et ne peut vérifier si le délai de trois jours entre la connaissance des faits et le licenciement est respecté ou si l’audition a eu lieu dans un délai raisonnable à dater de leur connaissance.
La seule référence, dans la lettre notifiant la rupture pour motif grave, à un comportement constitutif d’« une faute très grave rendant définitivement et immédiatement impossible la poursuite de toute collaboration professionnelle », sans autre précision, est bien entendu insuffisante. Il n’est même pas question d’une quelconque notification d’un motif, défaut que l’employeur ne peut pallier en affirmant que le travailleur savait et devait savoir ce qui lui était reproché.
Le renvoi, dans la lettre de licenciement, à un C4 établi en dehors du délai de 3 jours à dater de l’envoi de celle-ci ne peut être considéré comme une motivation au sens de l’article 35 LCT.
La formulation de griefs en termes généraux, vagues et invérifiables rend le licenciement pour motif grave irrégulier, et ce même si leur notification intervient dans un contexte qui permettrait de déduire, plus ou moins, les motifs précis justifiant la rupture.
(Décision commentée)
1. Motifs allégués pendant la procédure différents des faits notifiés
2. Conséquence de l’imprécision du motif grave notifié