Terralaboris asbl

Non-désignation d’un lieu d’inscription


C. trav.


Documents joints :

Cass.


  • Il suit des travaux préparatoires de la loi accueil que, qu’elle qu’en soit la cause, la saturation des places d’accueil et des structures d’accueil constitue une circonstance particulière au sens de l’article 11, §3, dernier alinéa, en vertu de laquelle FEDASIL peut déroger à l’obligation de désigner au demandeur d’asile un lieu obligatoire d’inscription.

C. trav.


  • La prétendue impossibilité vantée par l’Etat belge d’héberger tous les demandeurs de protection internationale dans le réseau de Fedasil, à supposer qu’elle soit démontrée (ce qui n’est pas examiné par la cour), n’équivaut pas à l’impossibilité de leur fournir l’accueil. En effet, d’autres formes d’accueil sont prévues par la directive et par la loi, la cour constatant que l’Etat belge n’y a pas eu recours.

  • Le choix de FEDASIL de ne pas désigner une structure d’accueil n’est pas discrétionnaire : il doit y avoir des ’circonstances exceptionnelles’. Les travaux préparatoires de la loi ‘accueil’ ont prévu expressément qu’en cas de saturation des structures d’accueil FEDASIL peut décider de ne pas désigner une place d’accueil. En toute hypothèse le terme ‘peut’ visé à l’article 11, § 3 n’implique pas que le demandeur de protection internationale ne recevra pas d’accueil. La directive européenne et la législation belge imposent à l’Etat belge d’assurer un accueil d’une des deux manières ci-dessus. FEDASIL est tenue de permettre au demandeur de jouir effectivement des droits qui lui sont garantis. Cette obligation repose également sur le juge.

  • FEDASIL peut, en cas de saturation du réseau d’accueil, ne pas désigner de centre d’accueil comme lieu obligatoire d’inscription à un demandeur de protection internationale et ne pas lui fournir l’aide matérielle dans une structure d’accueil, afin de lui permettre de bénéficier de l’aide sociale octroyée par un CPAS.
    Le terme « peut » signifie que FEDASIL a le choix (non discrétionnaire) entre les deux branches de l’alternative. Il ne signifie pas que l’octroi de l’accueil au demandeur de protection internationale, sous l’une des deux formes prévues, serait une faculté laissée à l’appréciation des autorités publiques, en particulier de FEDASIL. Au contraire, la directive européenne 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant une protection internationale et leur propre législation obligent les autorités publiques de l’État belge à fournir l’accueil à tout demandeur de protection internationale sous l’une des deux formes prévues. En tant qu’institution de sécurité sociale, FEDASIL a le devoir de faire en sorte que le demandeur bénéficie effectivement des droits que la loi lui garantit. Le même devoir repose sur le pouvoir judiciaire, lorsqu’il est saisi.

  • Au stade des apparences de droit (s’agissant d’une procédure sur requête unilatérale), la cour constate que les conditions de l’article 11, § 3, dernier alinéa, de la loi Accueil paraissent rencontrées. La saturation du réseau d’accueil paraît en effet établie au vu des éléments produits (incapacité persistante du réseau d’accueil à intégrer de nombreux demandeurs d’asile qui se retrouvent à la rue, et ce en dépit de nombreuses condamnations judiciaires intervenues). La mesure sollicitée (non-désignation ou suppression d’un code 207) paraît de nature à garantir à l’intéressé un accès effectif à l’accueil, que ce soit sous forme d’une aide matérielle ou, à défaut, par une aide financière accordée par un C.P.A.S. Celle-ci est nécessaire pour lui garantir une vie conforme à la dignité humaine.

  • (Même jurisprudence que C. trav. Bruxelles, 3 novembre 2022, R.G. 2022/KB/19).

  • Dans des circonstances particulières, Fedasil peut ne pas désigner de lieu obligatoire d’inscription. Ainsi quand un demandeur d’asile a un membre de sa famille en Belgique dont le statut est plus favorable, lui garantissant la possibilité de bénéficier de l’aide sociale délivrée par un C.P.A.S. et le respect de son droit à vivre en famille (avec renvoi aux travaux préparatoires de la loi du 12 janvier 2007 et à l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 27 novembre 2002, n° 169/2002).

  • L’absence de places disponibles peut constituer un motif valable de non-désignation d’un lieu obligatoire d’inscription. La saturation du réseau d’accueil peut constituer un motif valable de suppression de la désignation. Le risque de saturation peut constituer une des circonstances particulières visées à l’article 11, § 1er, et partant à l’article 13, al. 1er, de la loi « accueil ». Dans des circonstances exceptionnelles liées à la disponibilité des places d’accueil dans les structures d’accueil, FEDASIL peut être autorisée à modifier le lieu obligatoire d’inscription ou à désigner à un demandeur d’asile un C.P.A.S. comme lieu obligatoire d’inscription.
    Les circonstances liées à la disponibilité des places d’accueil dans les structures d’accueil au sens de cette disposition sont exceptionnelles, vu qu’elles exigent l’adoption d’un arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres fixant un plan de répartition harmonieuse entre les communes. Des circonstances liées à la disponibilité des places d’accueil constituent également une des circonstances particulières au sens des dispositions ci-dessus.
    Au regard des exigences européennes (arrêt SACIRI du 27 février 2014), une décision de suppression du lieu obligatoire d’inscription en centre d’accueil n’est acceptable que pour autant que FEDASIL s’occupe de manière effective d’assurer la continuité de l’aide. Dès lors que FEDASIL a légalement pris la décision de suppression du lieu obligatoire d’inscription, elle ne peut être condamnée à exécuter son obligation par équivalent en payant une aide financière du montant égal au revenu d’intégration.
    Lorsque la désignation d’un centre d’accueil prend fin, le C.P.A.S. devient compétent.

  • Vu la jurisprudence de la CJUE (arrêt du 27 février 2014, Saciri), de la Cour de cassation (arrêts des 26 novembre 2012 et 7 janvier 2013) et du Conseil d’Etat (arrêt n°224.068 du 25 juin 2013), il n’existe plus aucune contestation quant à la question de savoir si la saturation du réseau constitue ou non une circonstance particulière au sens de la loi du 12 janvier 2007. Le CPAS, qui n’est pas un assuré social, ne peut se prévaloir de la Charte de l’assuré social à l’égard de FEDASIL.

  • La compétence alternative du CPAS et de FEDASIL est un trait fondamental de l’exécution par la Belgique de la directive européenne n°2003/9 du Conseil du 27 janvier 2003. Il ne peut être fait grief au pouvoir exécutif de ne pas encore avoir mis en œuvre le plan de répartition prévu notamment à l’article 11, §4, de la loi du 12 janvier 2007. Le pouvoir exécutif a pu ainsi considérer que l’application des articles 11, §3 et 13 de la loi permet de rencontrer, de manière satisfaisante, les situations de saturation du réseau.
    Ni l’obligation subsidiaire de remboursement de l’Etat belge, ni l’article 7 de la loi du 2 avril 1965, ni l’obligation de garantir la continuité de l’aide en cas de défaillance de FEDASIL, n’ont pour conséquence que le CPAS doit définitivement supporter le dommage provoqué par la faute de FEDASIL (en ne procédant pas à la désignation d’un centre d’accueil alors que les circonstances particulières de nature à justifier une non-désignation faisaient défaut en l’espèce, FEDASIL a commis une faute).

  • (Décision commentée)
    Obligations de FEDASIL – sanction d’un comportement fautif

  • Saturation du réseau (réseau d’accueil traditionnel et réseau d’urgence) - renvoi vers le CPAS compétent

Trib. trav.


  • FEDASIL, qui est une institution de sécurité sociale et qui doit à tout moment garantir la dignité humaine du demandeur de protection internationale, se doit de prendre l’initiative de la suppression d’un code 207 si elle s’estime dans l’incapacité d’exécuter une décision judiciaire, afin de permettre la préservation de la dignité humaine du demandeur. Le tribunal constate en l’espèce la saturation du réseau d’accueil actuellement, qui empêche FEDASIL de garantir cette dignité humaine en désignant au demandeur une structure d’accueil. Il s’agit d’une circonstance particulière telle que jugée par la Cour de cassation dans son arrêt du 26 novembre 2012 (n° S.11.0126.N). L’intéressé devra se présenter au C.P.A.S. aux fins d’introduire une demande d’aide sociale, le Centre devant mener l’enquête sociale légalement prévue.


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