Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 25 mai 2021, R.G. 2020/AL/106
Mis en ligne le 8 avril 2022
Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 5 mars 2018, R.G. 2017/AL/76
Mis en ligne le 15 octobre 2018
Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. La Louvière), 6 mai 2021, R.G. 20/637/A
Mis en ligne le 11 janvier 2022
Sur le plan méthodologique, il est utile mais non indispensable que l’expert estime devoir éliminer certains facteurs étiologiques pour asseoir sa conviction du lien causal entre l’exposition et la maladie. Toutefois, une fois que l’expert, et après lui le juge, estiment que le lien causal déterminant et direct est prouvé, il n’est pas nécessaire d’examiner de façon détaillée tous les autres facteurs susceptibles d’avoir une incidence sur l’apparition et le développement de la maladie professionnelle. Les autres facteurs étiologiques ne pourront en effet jamais gommer l’impact de l’exposition au risque, fût-il modeste, sur l’apparition et/ou le développement de celle-ci.
La matière du risque professionnel ne se distingue pas par des moyens de preuve spécifiques ou des règles particulières sur l’admissibilité des preuves, de sorte que la preuve peut se faire par toute voie de droit. Il y est très fréquemment fait recours à l’expertise, mode de preuve organisé par le Code judiciaire, dont le but est d’obtenir des constatations ou un avis d’ordre technique afin de permettre au juge de statuer. Dans le régime des maladies professionnelles, les critères d’exposition au risque professionnel de la maladie sont régulièrement déférés à l’expert, les études et avis de FEDRIS ayant une valeur purement indicative.
(Décision commentée)
Vu les règles de preuve, au stade de la procédure où l’expertise est sollicitée, le demandeur a la charge de la preuve d’indices suffisants et non la charge des éléments constitutifs de la maladie en tant que telle. Ce qui est requis n’est pas de démontrer de façon irréfutable que le demandeur souffre d’une maladie en lien causal déterminant et direct avec l’exposition au risque (l’affaire étant examinée en l’espèce dans le cadre d’une maladie hors liste) mais que cette hypothèse est suffisamment vraisemblable pour justifier la désignation d’un expert, dont le rapport constituera un élément de preuve important.
(Décision commentée)
L’existence d’une maladie professionnelle peut être révélée via une expertise judiciaire et, si une demande avait été formée et rejetée précédemment (en l’occurrence 20 ans auparavant), cet élément nouveau doit être pris en considération, dans la mesure où le travailleur était exposé au risque avant l’apparition de l’affection, le temps de latence – en l’occurrence particulièrement long – pouvant s’expliquer médicalement.
Constituent un commencement de preuve par écrit du caractère professionnel d’une broncho-pneumonie dont souffre une infirmière prestant en milieu carcéral dans une pièce sans fenêtre et sans aération naturelle (pièce climatisée) un rapport médical explicite sur la nature des expectorations, l’existence de plusieurs épisodes de surinfection bronchique, l’apparition de la maladie pendant la période d’occupation et l’exposition de l’intéressée pendant tout son temps de travail à une ventilation mécanique. Ce commencement de preuve autorise le recours à l’expertise.
Si le demandeur a la charge de la preuve de l’exposition au risque et qu’il ne dépose pas d’analyse détaillée de celle-ci (études scientifiques), le juge ne doit rejeter la demande d’expertise médicale qu’avec prudence. L’article 6 de la C.E.D.H., qui garantit le droit à un procès équitable, recouvre différents principes, dont celui de l’égalité des armes. Celui-ci implique en matière civile l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause – y compris ses preuves – dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Lorsque le litige met en présence un assuré social et une institution de sécurité sociale qui dispose de services juridiques et médicaux spécialisés, il existe un risque de violation de ce principe.
Les preuves incombant au travailleur sont exigeantes, mais il ne faut pas oublier que l’expertise constitue elle aussi un mode de preuve dont il peut bénéficier. Le contentieux des maladies professionnelles est en effet particulièrement technique, tant sur le plan juridique que sur le plan médical. FEDRIS et les assurés sociaux qui s’adressent à lui ne sont pas sur un pied d’égalité. FEDRIS recourt à des médecins très pointus et compte en ses rangs des ingénieurs spécialisés. Face à cela, la plupart des assurés sociaux introduisent une demande avec l’aide de leur médecin. Le droit à un recours effectif d’un assuré social contre une décision de FEDRIS suppose de placer la barre des exigences qui permettent de désigner un expert à un niveau raisonnable.
(Décision commentée)
Le travailleur qui entend obtenir l’indemnisation d’une maladie professionnelle de la liste (secteur privé) doit prouver qu’il est atteint de la maladie et qu’il a été exposé au risque professionnel de la contracter. Dès qu’un commencement de preuve est apporté, le tribunal peut ordonner une expertise judiciaire. Une demande d’expertise médicale ne peut en effet être refusée au motif que la partie qui la réclame n’apporte pas la preuve formelle d’un fait que cette mesure d’instruction a pour objet d’établir grâce aux éléments médicaux qu’elle se propose de soumettre à l’expert.
Lorsque le litige oppose un assuré social et une institution de sécurité sociale qui dispose de services juridiques et médicaux spécialisés, il existe un risque de violation du principe de l’égalité des armes. Pour circonvenir celui-ci, il importe que le juge ne rejette la demande d’expertise médicale qu’avec prudence : il s’impose d’éviter de lire les certificats émanant du médecin-traitant de l’assuré social de manière tatillonne pour, au contraire, privilégier une approche réaliste, qui, notamment, puisse tenir compte de ce que le médecin-traitant n’est généralement pas un spécialiste de l’évaluation du dommage corporel. De plus, il serait contraire à l’esprit de la loi d’exiger des particuliers, qui ne sont pas des institutions de sécurité sociale, de recourir à l’assistance d’ingénieurs spécialisés capables de déterminer avec précision leur éventuelle exposition au risque professionnel.