Terralaboris asbl

Désorganisation


Trib. trav.


Documents joints :

C. trav.


  • Échoue à apporter la preuve des motifs organisationnels qu’il avance l’employeur qui, alors qu’il dispose d’indications de prolongation de cette incapacité pour une plus longue période qu’initialement prévue – ce qui lui permettait de rechercher une solution pour pallier les effets de l’absence de l’intéressée –, licencie une travailleuse un mois à peine après le début de son incapacité, sans déposer de preuve des démarches effectuées en vue de pourvoir à son remplacement ou expliquer les raisons pour lesquelles la solution trouvée pour certains jours d’absence n’a pu être réutilisée pour les autres jours.

  • Dans l’absolu, l’impératif d’une organisation efficace du travail peut constituer un objectif légitime au sens des articles 7 ou 9 de la loi. Encore faut-il cependant en ce cas que le licenciement se présente comme un moyen approprié et nécessaire pour réaliser cet objectif. En l’espèce, la Cour constate que, ayant été atteint avant la date choisie pour licencier, cet objectif n’a pu réellement motiver la décision querellée, qui est dès lors constitutive d’une discrimination directe fondée sur ce critère protégé qu’est l’état de santé. Et d’estimer que la même conclusion s’imposerait si cet impératif organisationnel avait encore subsisté à ce moment, l’employeur n’expliquant ni en quoi il consistait réellement, ni en quoi le licenciement était un moyen approprié et nécessaire pour l’atteindre.

  • Constituent des faits permettant de présumer l’existence d’une discrimination le licenciement intervenu pendant une période d’incapacité de travail, l’existence de plusieurs périodes d’incapacité précédentes, l’utilisation par l’employeur du « facteur Bradford », les explications données avant le licenciement quant à la nécessité de réorganisation (maison de repos) suite aux nombreuses absences,….
    L’employeur (C.P.A.S.) peut dès lors démontrer soit l’absence de distinction directe soit que cette distinction est objectivement justifiée par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but sont appropriés et nécessaires. La distinction directe étant reconnue, la cour retient comme justification objective (but légitime) la désorganisation de la maison de repos et la volonté du C.P.A.S. d’y mettre fin vu sa mission de service public. Elle constate que le but du C.P.A.S. (mettre fin à la désorganisation) ne pouvait pas être atteint par une mesure moins radicale d’autant que la maison de repos était fortement touchée par la pandémie de COVID-19.

  • Dès lors que des absences fréquentes et de courte durée sont, plus que d’autres, de nature à créer des problèmes organisationnels, un employeur est, sans verser dans une quelconque forme de discrimination, fondé à appliquer une politique différenciée de contrôle des incapacités de travail basée sur ces critères, ce à l’effet d’objectiver le phénomène et, si un lien de cause à effet avec les conditions de travail apparaît, de prendre des mesures destinées à y remédier.

  • N’est pas discriminatoire pour être lié à son état de santé le licenciement d’un consultant décidé en raison de la désorganisation du travail que son incapacité provoque et du fait que la durée de celle-ci lui a fait perdre le contact avec l’évolution de la matière qu’il est chargé d’appréhender.

Trib. trav.


  • Il y a lieu de conclure à l’absence de discrimination lorsque ce qui était problématique et a mené au licenciement de la travailleuse ne sont pas ses absences justifiées pour cause de maladie, mais ses absences non rémunérées qui n’étaient ni justifiées par un motif lié à l’état de santé, ni même annoncées en temps réel à la responsable d’agence, ce qui avait pour conséquence de désorganiser le service et de rendre impossible le remplacement de cette dernière par d’autres travailleurs.

  • (Décision commentée)
    Lorsqu’un employeur licencie un travailleur non en raison de sa maladie mais de l’impact de l’absentéisme qui en découle sur l’organisation du travail, il est question d’une distinction indirecte fondée sur l’état de santé, laquelle est susceptible de constituer un but légitime pour peu que l’intéressé prouve qu’il y a effectivement eu désorganisation du service et que le licenciement était de nature à constituer une mesure appropriée et nécessaire pour la bonne organisation du travail.
    Tel n’est pas le cas lorsque, sachant à ce moment que, ne disposant que de deux camions, il n’aurait pas de place pour trois chauffeurs, il a, en engageant un remplaçant sous CDI moins d’une semaine après l’accident survenu à l’un de ses chauffeurs, en réalité fait le choix de ne pas permettre à celui-ci de reprendre son poste à la fin de son incapacité. En le licenciant le jour de sa reprise annoncée de travail, la société a, partant, usé de moyens disproportionnés pour rencontrer un problème qui, en définitive, ne se posait plus à ce moment du fait de cet engagement antérieur. Elle a, en outre, traité la victime de l’accident moins favorablement que le nouveau chauffeur engagé sous CDI puisque son absence lui a coûté sa place au sein de la société.
    Reste néanmoins que ce licenciement aurait été décidé, même en l’absence de discrimination. La désorganisation suite à l’incapacité du travailleur concerné était en effet réelle compte tenu du fait que la société, qui possédait deux camions, ne disposait plus que d’un seul chauffeur en son sein. Il fait, en outre, peu de doutes que, même si l’employeur avait été diligent en engageant, dans un premier temps, un travailleur dans le cadre d’un contrat temporaire, une absence de deux ans aurait fini par le contraindre à engager quelqu’un de manière pérenne après un certain temps ne serait-ce que pour respecter les règles en matière de contrats de remplacement ou à durée déterminée successifs.
    Dans cette mesure, le tribunal fixe à trois mois de rémunération l’indemnité forfaitaire due pour discrimination en raison de l’état de santé.

  • (Décision commentée)
    Dans une maison de repos et de soins, qui doit faire face à ses obligations journalières vis-à-vis de résidents qu’elle ne peut laisser sans soins, il paraît légitime, après s’être accommodé tant bien que mal de la situation par le biais de mesures palliatives (adaptation des tableaux de planning pour reporter la charge de travail sur ses collègues, appel à des intérimaires, conclusion de CDD), de vouloir mettre fin à la désorganisation générée par les fréquentes incapacités de la travailleuse licenciée, une distinction directe pouvant, notamment, être justifiée par un but légitime et pour peu que les moyens de réaliser ce but soient appropriés et nécessaires.

  • (Décision commentée)
    L’employeur (public) ayant présenté le licenciement comme lié à l’état de santé – et ce eu égard au courrier et au document C4, qui reprend comme motif précis du chômage la désorganisation du service due à « de nombreux accidents de travail et absences du travailleur » –, le tribunal constate que, lors de son licenciement, l’intéressé n’était plus en incapacité, et ce depuis un mois et demi. La circonstance que l’employeur craint de nouvelles absences confirme qu’est en cause le critère de l’état de santé actuel ou futur. Les faits permettant de présumer la discrimination fondée sur l’état de santé sont dès lors établis et l’employeur a la charge de la preuve de l’absence de discrimination.

  • L’employeur justifiant le licenciement notamment en raison de l’absentéisme de l’employée, qui met régulièrement à mal l’équilibre de la filiale, il y a pour le tribunal des éléments qui permettent de présumer l’existence de la discrimination. Il appartient dès lors à la société de renverser la présomption, c’est-à-dire de prouver que le licenciement n’est pas intervenu en raison de l’état de santé ou qu’il était objectivement justifié par un but légitime, les moyens de réaliser celui-ci étant appropriés et nécessaires. Si, en effet, est discriminatoire le licenciement uniquement justifié par l’incapacité de travail, il n’en va pas de même s’il s’agit de répondre à un but légitime, étant de résoudre les problèmes de désorganisation sans qu’aucune autre mesure ne soit plus appropriée.
    Tout en rappelant qu’une incapacité de travail participe des impondérables qui en soi augmentent la charge de travail et déstabilisent le travail et les habitudes du personnel, le tribunal constate qu’il n’est pas établi concrètement comment les absences en cause ont désorganisé le magasin. Aussi, suivre la position de la société impliquerait-il d’avaliser le licenciement d’un travailleur en incapacité.

  • Le fait qu’il soit la conséquence de multiples incapacités de travail, du reste systématiquement justifiées par certificats médicaux, ne rend pas discriminatoire, en dépit du lien indirect existant, implicitement ou explicitement, entre la maladie/le handicap et la rupture, le licenciement décidé pour cause d’un taux d’absentéisme jugé important au regard des besoins spécifiques de l’entreprise ou du service.


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