Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Liège), 15 janvier 2016, R.G. 15/5.837/A
Mis en ligne le 29 novembre 2016
Lorsqu’aucun horaire de travail n’a été convenu entre parties au motif que le travailleur occupait un poste de direction ou de confiance, il ne peut, en soi, lui être fait grief d’avoir encodé dans un système d’enregistrement du temps de travail des prestations qui n’auraient pas correspondu aux heures réellement prestées, cet encodage d’un horaire, théorique par définition, ne pouvant être considéré comme une tentative de frauder un horaire inexistant, mais pouvant s’expliquer par d’autres motifs tels que l’indication de jours de congé ou d’absence.
Un travailleur s’étant déjà vu reprocher plusieurs retards, commet une faute grave justifiant son licenciement immédiat lorsque, pour cacher une arrivée tardive, il communique à un collègue, pour qu’il pointe à sa place, le code permettant d’enregistrer sa présence sur les lieux de travail, ce alors même qu’il avait signé un document par lequel il était informé que ce code lui était personnel et ne pouvait être communiqué sous peine de sanctions.
On peut difficilement conclure que, en ne respectant pas le règlement et les instructions de travail, le travailleur était animé d’une intention de frauder lorsque, ayant presté 45 minutes au-delà de l’heure normale de la fin de son service, alors qu’il devait aller chercher son enfant, il oublie de pointer, utilise une sortie normalement interdite au personnel pour rejoindre plus vite son véhicule et, une fois parvenu à celui-ci, réalise son oubli et demande à un collègue de pointer à sa place.
Avant de conclure à la fraude au temps de travail et de procéder au licenciement immédiat du travailleur pour ce motif, l’employeur devrait se demander si les tâches confiées à l’intéressé suffisent à l’occuper l’entièreté du temps de travail qu’il est supposé prester et, au besoin, lui en confier de supplémentaires. Si un manque de travail n’est pas de nature à expliquer la « fraude », la mise en place d’un plan d’accompagnement constitue une mesure plus opportune.
Faux pointage
Un système de pointage constitue non seulement une mesure de contrôle des prestations mais conditionne également leur rémunération, de sorte que toute mise à mal du système mis en place altère la confiance légitime que l’employeur place en son travailleur, ce d’autant plus lorsque la probité attendue en la matière est clairement inscrite dans le règlement de travail.
N’est pas justifié le licenciement pour motif grave d’un travailleur qui, ayant commis une erreur d’encodage suite à une incompréhension des règles applicables au sein de la société quant aux absences pour raisons impérieuses ou familiales urgentes, revient, sans intention frauduleuse, dans le système d’enregistrement des prestations pour rectifier les codes initialement introduits.
(Décision commentée)
Si sont constatées des anomalies de pointage, mais que l’employeur, qui invoque à l’appui du motif grave des pratiques frauduleuses (étant le fait d’avoir volontairement effectué un faux pointage), n’établit pas celles-ci, le motif grave ne peut être admis. La charge de la preuve de la fraude incombe en effet à l’employeur.
Dès lors qu’il ne procède pas de l’intention pour le travailleur d’effectuer de faux pointages dans le but de se faire rémunérer des heures non prestées, le fait pour celui-ci en l’espèce de ne pas accorder au système d’enregistrement du temps de travail la même importance capitale que son employeur ne revêt pas un caractère de gravité tel qu’il justifie son licenciement pour motif grave.