Terralaboris asbl

Rupture d’un commun accord


C. trav.


Trib. trav.


Documents joints :

C. trav.


  • Il y a violence morale viciant le consentement du travailleur dès lors que celui-ci a été contraint de participer, dans l’ignorance du motif de sa convocation – ce qui implique, dans son chef, une absence de possibilité de préparation de sa défense –, à un entretien improvisé au terme duquel il a été amené à signer, sans se voir donner le temps de la réflexion, ni la possibilité de se faire assister, un document préétabli actant une rupture d’un commun accord avec renonciation à tous droits. Ce faisant, l’employeur a exercé à son égard une violence dont le caractère injuste ou illicite procède des conditions dans lesquelles il a soumis la convention litigieuse à sa signature, entraînant ainsi la nullité de l’accord obtenu, ce qui le rend responsable de la rupture du contrat et débiteur d’une indemnité compensatoire de préavis.

  • (Décision commentée)
    Le consentement du travailleur a été vicié par une erreur excusable dès lors (i) qu’il a signé la convention litigieuse dans la représentation erronée qu’un licenciement pour motif grave aurait des conséquences plus lourdes sur son droit aux allocations de chômage qu’une rupture du contrat d’un commun accord (alors qu’en réalité le travailleur licencié pour motif grave encourt une exclusion du bénéfice des allocations de 4 à 26 semaines, tandis qu’en cas de rupture d’un commun accord l’exclusion porte sur une période de 4 à 52 semaines), (ii) que cette idée erronée a été expressément mise en exergue par son employeur pour le convaincre d’opter pour une rupture d’un commun accord, (iii) que ce dernier ne lui a pas laissé le temps de la réflexion et l’a incité à se décider sur-le-champ, sans pouvoir recueillir un autre avis, (iv) que l’intéressé pouvait légitimement croire que l’information était correcte, puisqu’elle émanait de son employeur, que celui-ci était représenté par la responsable RH ayant une qualité de juriste et qu’au surplus la proposition faite lui été présentée sous les traits d’un geste de bienveillance à son égard et (v) qu’il s’agissait là de l’élément décisif de son consentement sans lequel la convention litigieuse n’aurait pas été signée, ce que l’employeur ne pouvait pas sérieusement ignorer.

  • Dès lors que le contrat de travail a pris fin moyennant une convention de rupture d’un commun accord, le travailleur ne peut prétendre à une indemnité de rupture ou à une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable que pour autant que la convention soit annulée pour vices de consentement. En l’espèce, le travailleur ne démontre pas que la contrainte avait une cause injuste ou illicite ni que l’employeur a abusé de son droit eu égard aux circonstances dans lesquelles la convention a été signée. Par conséquent, le vice de consentement (violence) ne peut être reconnu et la demande du travailleur tendant à la condamnation de l’employeur à lui verser des indemnités de rupture.

  • Pour que l’erreur présente un caractère substantiel, il faut qu’elle porte sur un élément qui a déterminé principalement la partie à contracter de telle sorte que le contrat n’aurait pas été conclu sans cet élément. Il ne faut pas à cet égard s’en référer aux qualités substantielles objectives, mais bien à l’intention du cocontractant examinée concrètement. En effet, la substance d’un contrat est une chose essentiellement relative qui dépend des cocontractants mêmes : elle s’entend donc comme toute qualité ou condition dont il est certain que les parties ont fait dépendre leur engagement.
    Néanmoins, pour vicier le consentement et, partant, conduire à l’annulation de la convention litigieuse, l’erreur substantielle doit être excusable, c’est-à-dire qu’il s’impose de tenir compte des caractéristiques générales de la personne qui prétend avoir versé dans l’erreur (profession, niveau de connaissances qu’on peut raisonnablement en attendre, …).
    Lorsqu’elle résulte de la mauvaise appréciation des conséquences juridiques de l’acte, l’erreur n’affecte pas la validité de l’accord conclu entre le travailleur et son employeur.

  • Les circonstances dans lesquelles un travailleur a été amené à signer une convention de rupture peuvent faire l’objet d’un examen par les juridictions du travail quant à toutes les circonstances de fait intervenues. Le caractère illicite de la contrainte peut résulter de celles-ci, sans que le juge ne doive, dans son examen, vérifier la gravité des manquements qui pouvaient être reprochés par l’employeur au travailleur.

  • Dans la jurisprudence de la Cour de cassation (avec renvoi à son arrêt du 24 mars 2003, n° S.02.0092.F), l’accent est mis sur le fait que le juge du fond peut déduire le caractère injuste de la violence exercée sur le travailleur à partir des circonstances dans lesquelles l’employeur a soumis la convention à sa signature et non par l’examen du caractère sérieux ou non des griefs. A pu ainsi être retenue une violence morale exercée vu que la convocation ne contenait pas de motif, de telle sorte que le travailleur n’a pas pu préparer sa défense, qu’il n’a pas pu être accompagné d’un conseil, etc.
    Dans la mesure où le travailleur a eu la possibilité de se défendre de manière adéquate et n’a pas pu être surpris et qu’il était, vu ses hautes fonctions (CEO – administrateur-délégué), habitué à traiter des contrats importants et à les signer, les éléments retenus en l’espèce ne démontrent pas une telle violence.

  • Le fait qu’un cadre expérimenté n’ait pas été assisté par un défenseur lors d’un entretien au terme duquel il a signé la convention préparée par son employeur pour acter la rupture d’un commun accord de son contrat ne suffit pas plus à conférer un caractère de violence morale à l’ensemble du processus ayant entouré la rupture que ne l’établissent celui qu’il n’ait pas bénéficié d’un délai de réflexion préalable, la célérité avec laquelle il a consulté son avocat et la diligence de celui-ci, qui a réagi le soir même des faits. La circonstance que, durant cet entretien, il ait pu négocier le montant de l’indemnité de rupture qui lui était proposée, démontre, en revanche, sa pratique de la gestion du stress et de la confrontation, ce qui tend à indiquer qu’il n’était pas impressionné au point de perdre le contrôle de sa volonté.

  • (Décision commentée)
    Conditions de la violence morale

  • Condition de la violence morale

  • (Décision commentée)
    Convention de rupture – article 1112 du Code civil - validité

  • Usage abusif par l’employeur de ses droits - conditions - menace d’un licenciement pour motif grave

  • Convention - nullité - conditions de la violence morale

  • Intrumentum clair quant à l’intention des parties et consacrant leur accord relatif aux modalités d’exécution de cette décision

Trib. trav.


  • (Décision commentée)
    Par violence, il faut entendre le fait d’inspirer la crainte d’un mal considérable pour amener une personne à poser un acte juridique. Vu cette crainte, la volonté n’est pas libre et le consentement est considéré comme n’ayant jamais été donné. Pour constituer un vice de consentement, la violence doit être injuste ou illicite. La crainte doit être déterminante pour obtenir celui-ci.
    En l’espèce, il y a eu une pression exercée sur le travailleur avec violence morale, et ce aux motifs de (i) la manière dont a été convoqué l’intéressé sans qu’il ne puisse anticiper le but de la réunion, (ii) la menace d’un licenciement pour faute grave, (iii) le fait que la réunion avait été organisée et les documents à signer préparés et (iv) celui, pour la direction, d’être à deux pour influencer le travailleur. Ces éléments ont constitué ensemble la pression caractéristique du vice de consentement. Les conditions dans lesquelles la convention de rupture a été soumise à ce dernier sont injustes ou illicites. La convention est dès lors nulle.

  • S’il ne peut y avoir vice de consentement même si une convention de rupture d’un commun accord a été signée sous la menace d’un licenciement pour motif grave (et même si le fait reproché n’est pas constitutif d’un motif grave), ceci ne vaut pas dès lors que le consentement a été obtenu dans des conditions injustes ou illicites ou que l’employeur a fait un usage abusif de ses droits. Si aucune faute – et encore moins une faute grave – ne pouvait être reprochée à l’employée, en lui faisant signer une telle convention la société a obtenu son consentement dans des conditions injustes et faisant un tel usage abusif. La convention doit dès lors être considérée comme nulle.

  • Lorsque le mobile déterminant de l’accord des parties concernant les circonstances et conditions de la rupture des relations de travail est exprimé clairement, il n’appartient pas aux juridictions du travail de s’interroger sur la cause de la rupture et de tenter de rechercher celle-ci. Leur rôle est alors limité à l’examen de la réalité de l’événement invoqué par les parties et, s’il en ressort que le mobile invoqué ne correspond pas à la réalité, de fixer le délai de préavis qui aurait dû être notifié (LCT, art. 37/2).

  • (Décision commentée)
    L’appréciation du caractère injuste ou illicite de la violence morale doit intervenir indépendamment de l’examen des faits reprochés au travailleur par l’employeur. La violence injuste ou illicite peut résulter des circonstances dans lesquelles intervient une démission (ou une rupture d’un commun accord). Par « circonstances », il faut entendre non le fait qu’un véritable choix a ou non été donné au travailleur, mais les conditions particulières dans lesquelles il a été amené à poser l’acte dont il demande l’annulation.


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