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Conduite


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C. trav.


  • Le droit à la liberté d’expression n’autorise pas un travailleur à adopter sur son lieu de travail une conduite consistant à tenir des propos déplacés, vulgaires et à connotation sexuelle devant et à l’égard d’autres membres du personnel. Le licencier pour ce motif est en lien avec une conduite excédant largement les limites d’un droit qui est tout sauf absolu, limité qu’il est par le devoir de respecter les convenances et les bonnes mœurs dans la relation de travail (LCT, art. 16).

  • Même si le choix de faire prester ou non un préavis relève du pouvoir de gestion de l’employeur et si le contrôle juridictionnel des modalités du licenciement reste marginal à cet égard, ce choix n’est pas neutre ou insignifiant pour autant, mais peut parfaitement alimenter un doute dans le chef du juge sur la réalité des motifs invoqués pour licencier. Il peut, en effet, paraître étonnant de laisser prester son préavis par un travailleur auquel on reproche tant son inaptitude professionnelle que son mauvais comportement.

  • Des relations de travail conflictuelles peuvent mener à un licenciement sans pour autant qu’il doive être considéré comme déraisonnable. Tel n’est pas le cas lorsque la tension existante n’est que la conséquence de conditions de travail difficiles, de revendications légitimes adressées à l’employeur pour les améliorer et de l’absence d’écoute et de prise en compte de celles-ci par l’intéressé : dans cette hypothèse, il n’y a, en effet, aucune causalité entre les relations de travail conflictuelles et le licenciement, qui apparaît plutôt constituer une réaction auxdites revendications.

  • Le comportement reproché au travailleur, consistant à avoir suivi une formation de traiteur comportant des cours de cuisine et des cours de gestion/fiscalité durant son incapacité de travail, sans en avoir informé son employeur, n’est pas un fait de conduite ayant pu motiver son licenciement au regard de la C.C.T. n° 109, puisqu’il s’agissait pour l’intéressé de se consacrer à une activité préconisée par son médecin-traitant (et admise par le médecin-conseil de la mutuelle) afin de favoriser sa guérison. Ce fait ne remettait dès lors nullement en cause son incapacité de travail ni ne compromettait en rien sa reprise du travail. Un employeur normal et raisonnable aurait d’abord veillé à s’informer du contexte et de la finalité exacte d’une telle formation, le cas échéant en entendant l’intéressé en ses explications, et n’aurait jamais licencié un de ses travailleurs pour de tels prétendus motifs.

  • Même à défaut d’instructions quant à sa tenue et au degré de complétude qu’il doit présenter, il peut être raisonnablement attendu d’une infirmière de nuit qu’elle consigne, dans le dossier individuel de soins d’un patient, une plainte relative à sa santé et les vérifications qu’elle a effectuées à ce sujet et être admis que son licenciement pour ne l’avoir pas complété de la sorte n’est pas manifestement déraisonnable.

  • Fait preuve d’un comportement laissant à désirer et justifiant que n’importe quel employeur normal et raisonnable décide de le licencier, le travailleur qui, recevant une visite privée pendant les heures de travail, non seulement rend inopérante, en la braquant vers le plafond, une caméra de surveillance destinée à prévenir les vols dans le magasin et à permettre à l’employeur de savoir quand il doit venir en renfort, mais encore, lorsque ce dernier lui en fait la remarque, retire ou arrache le câble d’alimentation de ladite caméra.

  • On ne peut déduire du fait qu’une travailleuse, consciente de ce que l’entretien qu’elle venait d’avoir avec la nouvelle gérance de l’entreprise qui l’occupait s’était mal passé et pouvait déboucher sur son licenciement, a contacté l’ancienne gérante de celle-ci pour lui faire part de ce ressenti que l’intéressée a eu un comportement fautif dans le cours de cet entretien.

  • Le fait que le licenciement a eu lieu alors que le travailleur était en congé de maladie et avait déposé une plainte informelle pour un prétendu harcèlement ne permet pas de conclure au caractère manifestement déraisonnable de celui-ci dès lors que la preuve est rapportée de motifs liés à sa conduite et qu’il n’existe, en outre, aucun commencement de preuve que ce licenciement était motivé par une volonté de vengeance ou constituerait un acte de représailles.

  • Le fait que le travailleur ait presté, durant six ans sans recevoir d’avertissement et ait été décrit comme un bon élément par son précédent responsable n’est pas de nature à contredire les motifs de conduite, suffisamment établis, ayant justifié son licenciement. Un travailleur peut, en effet, évoluer pour diverses raisons et adopter, à certain moment, des comportements dont la répétition et l’absence d’évolution positive contraignent, in fine, son employeur à le licencier.

  • L’article 8 de la C.C.T. n° 109 ne requiert pas que l’attitude ou la conduite invoquée soit fautive mais il faut qu’une conduite, fautive ou non, à l’origine du licenciement, soit avérée. Le juge doit ainsi vérifier si le motif du licenciement lié à la conduite alléguée est réel et n’en cache pas d’autres inavouables. Le seul fait d’invoquer un (ou plusieurs) motif(s), même non fautif(s), lié(s) à l’attitude du travailleur ne permet pas à l’employeur de s’exonérer de toute obligation de payer une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable. Raisonner autrement reviendrait à permettre à tout employeur qui voudrait s’assurer de ne pas devoir payer cette indemnité d’invoquer quelque motif lié à l’attitude du travailleur dont il souhaite se séparer pour être dispensé de tout paiement, le motif invoqué fût-il purement fictif.

Trib. trav.


  • Lorsque le licenciement est directement lié à l’attitude du travailleur, il importe peu qu’aucun nouveau manquement ne soit intervenu entre l’envoi de l’avertissement justifié par la conduite de l’intéressé et son licenciement, celui-ci pouvant s’expliquer par une période de chômage (« Corona » comme en l’espèce) ou d’autres considérations (manque de travail, réflexion plus approfondie sur la suite à donner, opportunité d’engager un nouveau collaborateur, etc.), dont le juge n’a pas à apprécier l’opportunité.

  • L’appréciation du caractère déraisonnable d’un licenciement lié à la conduite du travailleur ne peut faire fi d’éléments qui (i) témoignent de sa fidélité à l’entreprise (importance de son ancienneté), mais aussi de la qualité de son travail (absence d’avertissements verbaux ou écrits) et de la confiance que la société a toujours placée en lui (évolution considérable de ses fonctions au fil de temps) et (ii) permettent d’appréhender les très importantes difficultés auxquelles il a été confronté (pandémie et inondations ayant frappé la maison de repos où il prestait) et, ainsi, de mettre ses propos en perspective.

  • Une travailleuse que son employeur invite à venir effectuer certaines prestations au salon d’esthétique qu’il gère est parfaitement en droit de le refuser et, sans pour autant être désobligeante, de lui répondre que, comme elle tient à rester dans la légalité, elle ne recommencera à travailler que lorsque les restrictions liées à la pandémie de COVID-19 seront levées. Le lien de subordination dans lequel elle se trouve ne s’assimilant pas à une soumission aveugle et ne s’étendant certainement pas aux demandes à caractère illégitime, son licenciement pour ce motif s’apparente à une mesure de représailles, ce qui le rend manifestement déraisonnable au sens de la C.C.T. n° 109.

  • Un employeur qui, durant toute l’occupation du travailleur, ne lui a jamais adressé ni avertissements, ni remarques quant à son comportement, est malvenu d’épingler celui-ci lorsqu’il s’agit de motiver a posteriori le licenciement de l’intéressé.

  • Il n’est pas manifestement déraisonnable de décider de mettre fin à la relation de travail lorsque le projet sur lequel le travailleur était occupé prend fin et que son attitude, jugée peu collaborative et de nature à générer des conflits, constitue un obstacle tant à son intégration dans une autre équipe de projets qu’à la poursuite d’une collaboration professionnelle sereine.

  • Un courrier relatant des faits dont la lecture est sans doute désagréable n’est pas pour autant humiliant et ne donne pas davantage au licenciement intervenu sur leur base un caractère manifestement déraisonnable.

  • L’absence d’avertissement « officiel » ne signifie pas que le travailleur a toujours eu un comportement adéquat dans l’exécution de son contrat. Elle ne donne dès lors pas, à elle seule, un caractère manifestement déraisonnable à son licenciement.

  • Il n’est pas déraisonnable, pour un employeur qui vient de licencier un employé dont l’attitude ne permettait plus des relations sereines avec ses collègues, de lui proposer de poursuivre sa collaboration en qualité d’indépendant. Il y va d’une proposition qui ne contredit pas la réalité de ses problèmes relationnels, mais atteste, au même titre que des félicitations et échanges de SMS cordiaux par ailleurs vantés, du fait que ses qualités professionnelles n’étaient pas remises en cause.

  • Même si la travailleuse est restée passive et en retrait de la scène qui se déroulait en sa présence, il n’en reste pas moins que les propos tenus par son mari n’ont pu l’être que parce qu’elle s’était plainte auprès de lui de ce qu’elle estimait être un comportement répréhensible de sa responsable. Son licenciement est donc bel et bien en rapport avec sa conduite.

  • Si des périodes plus difficiles dans une carrière professionnelle peuvent, par moments, justifier une certaine démotivation, cela ne suffit pas, en soi, à fonder un licenciement. Il faut, pour ce faire, que cette démotivation soit de telle ampleur qu’elle impacte les prestations du travailleur et conduise à d’autres faits, comme la négligence dans l’exécution des tâches, la combinaison de ces différents facteurs pouvant conduire l’employeur à devoir se séparer du travailleur.

  • Ce n’est pas sans lien avec la conduite du travailleur qu’intervient le licenciement d’une infirmière dont la personnalité et l’attitude, sèche et intransigeante, est mal vécue par les résidents d’une maison de repos : même si le métier est éprouvant et si les difficultés rencontrées sont sans doute renforcées par un manque de personnel dû à des budgets serrés, l’aide et les soins aux personnes doivent s’opérer sans concessions ni rudesse.

  • Le fait que l’employeur ait, à plusieurs reprises dans les mois qui ont précédé son licenciement, mis le travailleur en demeure quant à son comportement démontre des difficultés sérieuses dans la collaboration avec l’intéressé et une impossibilité de poursuivre celle-ci, justifiant son licenciement avec paiement d’une indemnité.

  • S’ils ont – ou peuvent avoir – un impact réel sur la relation de travail compte tenu des circonstances propres à l’espèce, des faits de la vie privée peuvent fonder le licenciement. Ainsi du fait, pour un agent de sécurité ayant, à ce titre, accès aux différents locaux du Palais de Justice (dont celui où sont stockés les stupéfiants saisis), d’avoir, avec un trafiquant de drogue auprès de qui il se fournissait en cannabis pour son usage personnel, des contacts démontrant qu’il envisage une collaboration avec ce dernier.

  • Pour être en lien avec la conduite du travailleur, n’apparaît pas manifestement déraisonnable le licenciement décidé en raison de son attitude inadéquate à l’égard de certains clients, attestée par SMS et courriels de ces derniers, renseignant, notamment, des propos déplacés, un manque de professionnalisme ainsi qu’un mélange entre rapports professionnels et privés avec les intéressés.

  • La CCT n° 109 vise la conduite, et non la conduite fautive du (de la) travailleur/euse, de telle sorte qu’un comportement qui, bien que non fautif, impacte négativement l’entreprise constitue une cause légitime de licenciement au sens de ladite CCT. Ainsi, du manque d’entrain manifesté par la travailleuse lors de sa reprise de travail et de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de se montrer avenante vis-à-vis de la clientèle.

  • A partir du moment où les seuls motifs concrets communiqués à l’appui du licenciement s’identifient intégralement au motif grave que le tribunal a estimé ne pouvoir retenir - en ce qu’il n’était pas démontré que les faits reprochés à ce titre soient imputables au travailleur -, il y a lieu d’estimer qu’aucun fait de conduite ou d’aptitude en lien avec le licenciement n’est établi.

  • Nonobstant le dépôt de témoignages, le motif invoqué ne peut constituer le motif réel du licenciement, puisque, d’une part, l’employeur a établi une attestation de recommandation et, d’autre part, à la fin du préavis, il a proposé la poursuite du contrat de travail à temps partiel. La société n’établit dès lors pas que le motif a un lien avec l’aptitude ou la conduite de la travailleuse. Une telle décision de licenciement n’aurait manifestement pas été prise par un employeur normalement prudent. Il y a licenciement manifestement déraisonnable.


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