Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Liège), 1er juin 2021, R.G. 20/1.548/A
Mis en ligne le 15 février 2022
La circonstance que les motifs communiqués se rapportent à des faits qui ne sont pas situés dans l’espace et dans le temps, des faits désincarnés, livrés à l’état brut sans contextualisation et, pour certains, construits sur des appréciations subjectives, des faits qui somme toute restent vagues, si elle ne préjuge pas de leur réalité, ne permet néanmoins ni de les identifier concrètement, ni, ensuite, de vérifier que ce sont bien ces faits qui sont à la base de la décision de licencier.
Une explication concise peut constituer un aperçu des motifs à la base du licenciement et permettre au travailleur d’en apprécier le caractère raisonnable.
La référence à une réunion dont les notes n’ont, à son issue, pas été soumises à la contradiction du travailleur - à qui aucun avertissement n’a, en outre, été adressé - ne constitue pas plus un motif concret que le fait de soutenir que le travail n’était pas satisfaisant ou qu’il y a eu des rappels à l’ordre, ceci ne permettant pas d’identifier les faits reprochés.
On ne peut considérer que le formulaire C4, destiné à l’ONEm en vue de la détermination des droits du travailleur aux allocations de chômage, équivaut à la communication dont il est fait état dans la CCT 109, ni que le fait d’y renseigner une réorganisation comme motif du licenciement répond à l’exigence de précision attendue, cette seule mention ne permettant, en effet, pas de comprendre précisément les raisons concrètes ayant mené à la décision prise à son encontre.
On ne peut considérer que le formulaire C4, destiné à l’ONEm en vue de la détermination des droits du travailleur aux allocations de chômage, équivaut à la communication dont il est fait état dans la CCT 109, ni que le fait d’y renseigner une réorganisation comme motif du licenciement répond à l’exigence de précision attendue, cette seule mention ne permettant, en effet, pas à celui-ci de comprendre précisément les raisons concrètes ayant mené à la décision prise à son encontre.
Un courriel reprenant de sempiternels reproches accompagnés d’une énième menace de licenciement ne constitue pas une communication par écrit par l’employeur, de sa propre initiative, des motifs concrets qui ont conduit au licenciement, au sens de l’article 6 de la C.C.T. n° 109.
Le formulaire C4, dont le destinataire est certes l’ONEm, a toutefois, comme premier récipiendaire, le travailleur qui peut, par ce biais, prendre connaissance des motifs de son licenciement. La volonté des partenaires sociaux ayant été de ne pas imposer un cadre trop formaliste aux employeurs, il n’y a pas plus de raison d’écarter ce type de communication que d’ignorer l’existence d’une lettre de recommandation, remise au travailleur pour lui servir dans sa recherche d’un nouvel emploi, qui, en excluant l’existence du moindre reproche à son égard, confirme, pour autant que de besoin, que les motifs concrets du licenciement tiennent aux raisons économiques mentionnées dans ledit formulaire.
Est redevable de l’amende civile prévue par l’article 7, § 1er, de la CCT n° 109, l’employeur qui, après n’avoir adressé, de sa propre initiative, aucune communication des motifs qui ont conduit au licenciement, ne communique pas ceux-ci au travailleur qui introduit une demande à cet effet ou les communique hors du délai prescrit par l’article 5 de celle-ci. Il est, dans cette dernière hypothèse, indifférent de savoir si le recommandé tardif contenait bien les éléments permettant au travailleur de connaître les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement, le non-respect du délai de notification suffisant, en tout état de cause, à entraîner la sanction.
Les simples termes « réorganisation du service », s’ils peuvent être admis comme motif du chômage, sont insuffisants comme « motifs concrets » ayant justifié le licenciement.
La communication de l’employeur doit, au minimum, consister en un aperçu des motifs concrets qui ont conduit au licenciement, ce de manière à permettre au travailleur d’apprécier, à la fois, si son licenciement présente ou non un caractère raisonnable ainsi que l’opportunité d’un contrôle judiciaire. Une motivation sommaire n’est pas interdite ; elle doit par contre, être factuelle, se référer à des éléments tangibles et être en prise avec la réalité, ce qui n’est pas le cas lorsque la communication se borne, comme en l’espèce, à faire référence (i) à un entretien au cours duquel la raison de son préavis a été expliquée au travailleur et, en termes tout aussi vagues, (ii) au fait que l’entreprise se trouve en phase de restructuration.
En matière de licenciement pour motif grave, le courrier de licenciement doit permettre au juge de vérifier si le délai strict de 3 jours pour rompre le contrat a bien été respecté. Tel n’est pas le cas dans le cadre de l’application de la CCT n° 109, où le degré d’exigence de précision des motifs dans le temps peut, de ce fait, être moindre. Même si la date précise des faits n’est pas mentionnée, une formulation y sera ainsi concrète dans le temps dans la mesure où l’on peut en déduire que ceux-ci ont été constatés immédiatement avant le licenciement.
(Décision commentée)
La communication des motifs concrets de licenciement suppose, pour que ne soit pas due l’amende civile, que la motivation soit effective et concrète mais elle n’exige pas pour autant des faits précis, une appréciation générale du comportement du travailleur suffisant, pour autant qu’elle permette à celui-ci de se rendre compte globalement de ce qui lui est reproché et qu’il puisse articuler adéquatement sa demande d’indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable. Ce n’est pas à ce stade qu’il faut examiner si les motifs sont réels.
Ne constitue pas les motifs concrets exigés par la C.C.T. n° 109 la seule référence à un entretien auquel le travailleur a été convoqué avec sa hiérarchie et au cours duquel lui a été reproché son « comportement dans le cadre de (sa) fonction qui est non conforme aux attentes de celle-ci ». L’amende prévue à l’article 7 de la C.C.T. vise à sanctionner l’employeur qui n’a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, et tel est le cas en l’espèce.