Commentaire de C.J.U.E., 30 juin 2022, Aff. n° C-625/20 (KM c/ INSTITUTO NACIONAL DE LA SEGURIDAD SOCIAL), EU:C:2022:508
Mis en ligne le 31 octobre 2022
Commentaire de C.J.U.E., 14 avril 2015, Aff. C-527/13
Mis en ligne le 3 septembre 2015
La législation française prévoit que le versement d’une pension d’invalidité s’achève automatiquement lorsque le salarié déclaré invalide atteint l’âge légal minimum de départ à la retraite, celle-ci étant alors remplacée par une pension de retraite. Par dérogation à ce principe, lorsque le salarié invalide continue d’exercer une activité professionnelle effective, il peut demander le maintien du versement d’une pension d’invalidité en lieu et place d’une pension de retraite jusqu’au jour où il atteindra l’âge limite légal de départ à la retraite.
La Cour constate que la différence de situation n’est pas liée au handicap, mais qu’elle dépend de l’exercice ou non par l’assuré invalide d’une activité professionnelle effective et rappelle que dans son arrêt du 6 octobre 2016 (dans la présente affaire), la Cour de cassation française a considéré que la différence de situation entre les assurés selon qu’ils exercent ou non une activité professionnelle effective a pour objectif la nécessaire coordination entre l’assurance invalidité et l’assurance vieillesse. Compte tenu de la marge d’appréciation ample dont les Etats contractants jouissent pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations analogues justifient des distinctions de traitement, la Cour conclut que les mesures prises par l’Etat à l’égard de la requérante, fondées sur l’existence ou non d’une activité professionnelle effective, poursuivaient un but légitime et n’étaient pas manifestement dépourvues de base raisonnable et de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. (Recours basé sur une violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1er du Protocole n° 1)
Le droit suisse en matière d’évaluation de l’invalidité contient une méthode dite ‘mixte’. Celle-ci concerne les personnes qui, parallèlement à une activité lucrative à temps partiel, exercent aussi une autre activité, non lucrative (ex : s’occuper du foyer). Le taux d’invalidité est déterminé par comparaison des revenus pour la part d’activité lucrative et par comparaison des champs d’activité pour les activités ménagères.
Cette disposition est susceptible de constituer une discrimination indirecte dès lors qu’elle touche majoritairement des femmes. Si l’objectif de la différence de traitement peut en effet être considéré comme légitime (couvrir le risque de perte, du fait de l’invalidité, de la possibilité d’exercer une activité rémunérée que l’intéressé pouvait réellement effectuer auparavant), une telle méthode ne s’accorde plus avec la poursuite de l’égalité des sexes dans la société contemporaine, où les femmes ont de plus en plus le souhait légitime de pouvoir concilier vie familiale et intérêts professionnels. Le refus de toute rente constitue en l’espèce une violation de l’article 14 de la Convention (combiné avec l’article 8).
(Décision commentée)
L’existence d’un désavantage particulier chez les femmes par rapport aux hommes pourrait être établie notamment s’il était prouvé que la réglementation affecte négativement une proportion significativement plus importante de celles-là par rapport à ceux-ci. Il faut prendre en considération l’ensemble des travailleurs soumis à la réglementation nationale dans laquelle la différence de traitement trouve sa source. La meilleure méthode de comparaison consiste à comparer les proportions respectives des travailleurs qui sont et qui ne sont pas affectés par la différence de traitement au sein de la main-d’œuvre féminine relevant du champ d’application de la réglementation et les mêmes proportions chez les hommes. Sur le plan de la méthode, il faut prendre en considération l’ensemble des travailleurs soumis à la réglementation, c’est-à-dire tous ceux qui ont en principe obtenu le droit à plus d’une prestation (en l’occurrence une pension d’invalidité professionnelle). Ensuite, parmi le groupe de travailleurs ainsi circonscrit, il faut examiner d’une part la proportion d’hommes empêchés de cumuler les pensions par rapport aux hommes qui peuvent procéder à un tel cumul et, d’autre part, la même proportion en ce qui concerne les femmes. Enfin, ces proportions doivent être comparées entre elles en vue d’apprécier le caractère significatif de l’écart éventuel.
(Décision commentée)
Effets du temps partiel sur la prestation – mesures ne touchant pas spécifiquement les femmes