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Obligation de standstill et réglementation chômage : un arrêt de principe rendu par la Cour de cassation

Commentaire de Cass., 14 septembre 2020, n° S.18.0012.F

Mis en ligne le vendredi 12 février 2021


Cour de cassation, 14 septembre 2020, n° S.18.0012.F

Terra Laboris

Le 14 septembre 2020, la Cour de cassation a rendu un arrêt attendu et important à propos du contrôle que les juridictions du travail doivent exercer sur la conformité à l’article 23 de la Constitution (qui consacre une obligation de standstill) d’une réglementation opérant un recul sensible d’un droit à la sécurité sociale ou à l’aide sociale

Les faits de la cause

M. V. a été admis au bénéfice des allocations d’attente sur la base de ses études le 21 septembre 1990. Il n’a, depuis, travaillé que de façon ponctuelle. Ses allocations, devenues d’insertion, lui ont été supprimées au 1er janvier 2015 par l’effet de l’arrêté royal du 28 décembre 2011 ayant inséré dans l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage les paragraphes 2 à 6 de l’article 63.

Il a introduit devant le Tribunal du travail de Liège, division de Verviers, un recours qui a été déclaré recevable et fondé par un jugement de la première chambre du 23 mai 2016 (R.G. 15/22/A). Celui-ci a, sur avis conforme de l’auditorat du travail, rétabli le demandeur dans ses droits aux allocations d’insertion à partir du 1er janvier 2015, la mesure querellée violant l’obligation de standstill contenue dans l’article 23 de la Constitution. Le tribunal décide que, conformément à l’article 159 de celle-ci, il doit écarter son application aux faits de la cause et en conséquence appliquer l’article 63 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 tel qu’en vigueur avant sa modification par l’arrêté royal du 28 décembre 2011 qui ne prévoyait pas la limitation des allocations d’insertion dans le temps.

L’arrêt soumis à la censure de la Cour de cassation, prononcé le 9 novembre 2017 par la 2e chambre de la Cour du travail de Liège, division de Liège (R.G. 2016/AL/358) réforme ce jugement et confirme la décision litigieuse.

L’arrêt de la cour du travail

L’arrêt attaqué admet que par les paragraphes 2 à 6 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, insérés par l’arrêté royal du 28 décembre 2011, le Roi a réduit sensiblement la protection sociale dont bénéficiaient les chômeurs se trouvant dans la situation de M. V., soit des chômeurs d’un certain âge et aidés de longue date par la perception d’allocations sur la base de leurs études.

Il décide que cette régression sensible est justifiée par des motifs liés à l’intérêt général et satisfait au contrôle de proportionnalité en sorte que son application à M. V. ne viole pas « l’effet de standstill qui s’attache à l’article 23 de la Constitution et à l’article 12 de la Charte sociale européenne » ni l’article 1er du [Premier] Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La cour du travail reproduit le préambule de l’arrêté royal querellé, qui motive l’urgence de l’avis demandé au Conseil d’Etat notamment par les circonstances que, dans le cadre de son programme national de réforme, la Belgique s’est engagée à atteindre en 2020 un taux d’emploi de 73,2% et que, dans le cadre des efforts budgétaires qui doivent être livrés par la Belgique, les mesures prises contribuent à la réalisation de cet objectif et doivent être exécutées dès 2012. Elle décide que, par ces motifs, le préambule présente la limitation des allocations sur la base des études dans le temps comme « étant de nature à pousser les destinataires de cette mesure à redoubler d’efforts et de conviction pour s’insérer sur le marché du travail » et fait donc valoir des motifs qui touchent à l’intérêt général et qui concernent aussi les chômeurs qui sont dans le cas de M. V. La « mesure, envisagée de manière globale, est (donc) appropriée et nécessaire ».

L’arrêt attaqué examine ensuite la proportionnalité de la mesure sous deux aspects, étant (i) pour la catégorie des chômeurs se trouvant dans la même situation que M. V. et (ii) en fonction des éléments propres à M. V. (durée du chômage, absence de preuve qu’il se serait formé depuis le début de son chômage et en particulier durant la période transitoire de trois ans entre le 1er janvier 2012 et la suppression effective des allocations et de preuve de recherches d’emploi très fournies).

A propos du premier aspect, l’arrêt attaqué conclut que la mesure litigieuse satisfait à l’exigence de proportionnalité en retenant que :

  • Le Roi a pu manifester une sévérité accrue pour les personnes qui, comme M. V. « ne se sont jamais inscrites dans un paradigme assurantiel et n’ont pas contribué à une caisse commune avant de bénéficier de la solidarité de la communauté ».
  • Le Roi a prévu différents tempéraments au principe de l’extinction des allocations, par exemple en cas de reprise du travail comme travailleur à temps partiel avec maintien des droits. Il a également prévu, avant cette extinction, un délai de transition de trois ans pour permettre aux chômeurs de « se retourner ».
  • Les personnes exclues du régime du chômage peuvent s’adresser au C.P.A.S., ultime forme de solidarité.
  • Si la catégorie-cible de la mesure est celle des jeunes travailleurs, les travailleurs « plus anciens » ne disposent d’aucun statut particulier.

Les motifs de l’arrêt attaqué sur le contrôle en fonction des éléments propres à M. V. ne sont pas abordés dans l’exposé des faits de la cause dès lors que la Cour de cassation n’examine pas les deuxième et troisième branches du moyen critiquant lesdits motifs.

Le moyen de cassation

La première branche du moyen, seule examinée par la Cour de cassation, invoque la violation des articles 23 de la Constitution, 12 de la Charte sociale européenne et 1er du [Premier] Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le demandeur rappelle que « l’arrêté du Régent du 26 mai 1945 pris en exécution de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 a accordé la couverture contre le chômage involontaire, non seulement aux travailleurs salariés ayant cotisé obligatoirement à la sécurité sociale, mais également aux jeunes âgés de moins de 25 ans qui, tout en ne remplissant pas cette condition, ont été assimilés à des travailleurs cotisants parce qu’ils avaient terminé des études professionnelles préparant à l’exercice d’un travail salarié ».

Le recul sensible du degré de protection antérieur à l’arrêté royal du 28 décembre 2011 est que des assurés sociaux qui bénéficiaient, avant l’application de celui-ci, des allocations d’insertion n’en bénéficient plus. Le Roi devait ainsi, pour vérifier si cette mesure répondait au principe de proportionnalité, s’assurer que la mesure de suppression était propre à atteindre l’objectif poursuivi et a opté pour la norme la moins attentatoire au droit fondamental, ce qui implique qu’il ait vérifié qu’il n’existait pas de mesures moins restrictives susceptibles d’atteindre le même objectif. Il devait également soupeser la proportionnalité de la mesure au sens strict, en anticipant, au terme d’une balance des intérêts, les préjudices qui allaient en résulter en contrepartie des avantages escomptés.

C’est en principe par la motivation de la mesure que son auteur démontre avoir procédé au contrôle requis. Lorsqu’une telle démonstration n’est pas apportée, les juridictions du travail, saisies de la contestation du chômeur exclu des allocations, doivent en vertu de l’article 159 de la Constitution procéder aux vérifications qui s’imposaient à l’auteur de la norme et, si elles ne disposent pas des éléments nécessaires, refuser d’appliquer la mesure d’exclusion sans pouvoir se retrancher derrière le principe de la séparation des pouvoirs.

Le demandeur s’appuie à cet égard sur l’enseignement de I. HACHEZ reprise par D. DUMONT, selon lequel : « lorsque l’auteur d’une réforme querellée prouve avoir apprécié la conformité d’un recul à l’obligation de standstill, en particulier sous l’angle de la nécessité et de la proportionnalité au sens strict, le juge doit en principe faire preuve d’une certaine retenue dans son contrôle, afin de préserver la marge d’appréciation du pouvoir législatif (ou exécutif) mais cette relative déférence n’a en revanche pas lieu d’être lorsque l’auteur ne démontre pas avoir veillé à prendre en compte l’exigence de justifier avec soin son action – ou, ce qui revient à peu près à la même chose – l’a prise en compte mais en se fondant sur une méthodologie incorrecte. En pareille hypothèse, il incombe au juge d’exercer un contrôle strict de l’obligation de standstill et, en cas de doute sur la proportionnalité de la mesure régressive, celui-ci devrait profiter au requérant, conformément aux règles répartitrices de la charge de la preuve » (D. DUMONT, « Avant-propos : le droit à la sécurité sociale en quête de cohérence, la doctrine sociale au défi de la transversalité », in Questions transversales en matière de sécurité sociale, Ed. Larcier, 2017 n° 53, pp. 86 et 87, qui se réfère à la thèse de Mme I. Hachez : Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative, n° 411 et 412, pp. 437 à 441, citée en page 13 de l’arrêt attaqué).

Le demandeur soutient qu’en l’espèce, le préambule de l’arrêté royal du 28 décembre 2011 ne fait aucune référence à la limitation des allocations dans le temps, les seules mesures auxquelles il est fait référence étant la transformation du stage d’attente en stage d’insertion et la transformation des allocations d’attente en allocations d’insertion. Il est dès lors impossible de déterminer à sa lecture pour quelle raison la limitation dans le temps des allocations d’insertion serait de nature à favoriser l’objectif de taux d’emploi visé, a fortiori en ce qu’elle s’applique aux bénéficiaires âgés, pour lesquels la transformation du stage d’attente en stage d’insertion n’a aucune portée.

Pour le surplus, le préambule se borne à évoquer des « efforts budgétaires qui doivent être livrés par la Belgique », sans aucune prévision chiffrée ni vérification de la possibilité que d’autres mesures n’entraînant pas une régression aussi sensible puissent être prises avec un effet globalement équivalent.

Ce préambule ne démontrant pas que le Roi aurait procédé aux vérifications requises, il revient donc aux juridictions du travail d’exercer un contrôle qui n’est pas d’opportunité mais de légalité. Or, le contrôle auquel l’arrêt procède ne répond pas aux exigences d’un contrôle du respect de l’effet de standstill.

Ainsi, la circonstance que les allocations d’insertion sont accordées à des personnes qui n’ont pas contribué à leur financement ne permet pas de justifier cette atteinte à l’effet de standstill dès lors que, avant l’entrée en vigueur de la norme querellée, le droit aux allocations de chômage sur la base des études et donc sans la condition préalable d’avoir cotisé à la sécurité sociale était acquis dans la réglementation, de même que le maintien de ces allocations moyennant le respect des conditions inhérentes à l’exigence que le chômage soit involontaire.

Le délai de trois ans n’est qu’un tempérament ne pouvant justifier la suppression de ces allocations. Il en est de même de la possibilité d’un recours à l’aide sociale, qui est un droit différent du droit aux allocations de chômage.

Le motif que les travailleurs « plus anciens » ne disposent d’aucun statut particulier ne justifie pas plus la décision car l’arrêt ne procède pas pour cette catégorie de travailleurs à une balance des intérêts entre les préjudices qui vont en résulter et les avantages escomptés.

Les conclusions du ministère public

Le ministère public conclut à la cassation.

L’avocat général GENICOT cible la question posée par le pourvoi, étant « celle de l’étendue du pouvoir d’appréciation par le juge des motifs d’intérêt général qui ont présidé au choix de l’autorité réglementaire compétente » qui décide de procéder à un recul sensible d’un droit à la sécurité sociale ou à l’aide sociale.

Sur la distinction entre le contrôle de légalité qui est dévolu au juge et qui concerne la légalité de la mesure et le contrôle d’opportunité que le principe de la séparation des pouvoirs lui interdit d’exercer, le ministère public se fonde sur l’analyse de D. DUMONT citée par le demandeur dans ses développements pour conclure que :

« Le meilleur moyen de permettre au juge de se maintenir dans les limites du contrôle de légalité tout en exerçant celui de la proportionnalité de la mesure est de baliser son champ d’appréciation en lui précisant avec une suffisante pertinence les éléments sous l’angle desquels le rapport de proportionnalité entre les deux termes de l’équation est, selon l’auteur de la mesure, avérée. (…) A défaut, le manque de motivation adéquate déterminera le juge à ne pas reconnaître l’existence avérée d’une proportionnalité suffisante, sans pour autant qu’il puisse encourir le reproche d’avoir empiété sur le principe de séparation des pouvoirs. Comme le rappelle la doctrine précitée, si les motifs donnés par l’auteur de la norme comme fondement de la proportionnalité sont insuffisants et créent un doute dans le chef du juge lors de son contrôle, les règles relatives à la charge de la preuve en feront bénéficier le demandeur ».

Les conclusions relèvent que, en l’espèce, la motivation est tout à fait générale et ne précise pas les éléments susceptibles de justifier la mesure au regard de la situation spécifique des chômeurs plus âgés, sans qu’il apparaisse que cette catégorie spécifique ait été prise en considération ni donc en quoi un incitant à produire des efforts redoublés serait, en ce qui les concerne, de nature à atteindre l’objectif du taux d’emploi recherché.

L’arrêt commenté

La Cour accueille la première branche du moyen et n’examine pas les autres branches, qui ne peuvent entraîner une cassation plus étendue.

La Cour précise que l’obligation de standstill que l’article 23 de la Constitution impose au législateur et à l’autorité réglementaire en matière de droit à la sécurité sociale et à l’aide sociale s’applique non seulement aux prestations prévues moyennant des cotisations sociales ou des périodes de travail suffisantes mais également aux prestations à caractère non contributif et donc aux allocations d’insertion.

Elle rappelle que, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 63§2 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 inséré par l’article 9 de l’arrêté royal du 28 décembre 2011, le droit aux allocations de chômage sur la base des études, dénommées allocations d’attente, n’était pas limité dans le temps. L’arrêté royal litigieux limite le droit aux allocations devenues d’insertion à une période de 36 mois à partir du jour où le droit a été accordé pour la première fois et, au plus tôt, du 1er janvier 2012 ainsi que, en règle, du premier jour du mois qui suit le trentième anniversaire du jeune travailleur.

La Cour relève que l’arrêt attaqué admet que les « chômeurs d’un certain âge aidés de longue date » tel le demandeur, ont ainsi vu, à l’échéance, leur allocation réduite à néant, ce qui constitue une réduction sensible du niveau de protection offert par la réglementation du chômage. Il « justifie le recul constaté par des objectifs les plus généraux, fixés en matière de taux d’emploi et budgétaire dans un accord de gouvernement, sans précision ni prévision lors de l’adoption de la mesure ni vérification ultérieure qu’elle contribue effectivement à ces objectifs d’intérêt général en ce qui concerne la catégorie de chômeurs examinée et que le recul du niveau de la protection de ces chômeurs est proportionnée à ces objectifs, pour la raison, non autrement précisée, prévue ni vérifiée, que certains desdits chômeurs obtiennent un emploi éventuellement complété par d’autres allocations de chômage et que d’autres obtiennent l’intervention des centres publics d’action sociale ».

Or, souligne la Cour, « (d)ès lors que toute réduction du niveau de protection offert par les prestations sociales qu’elles soient ou non contributives, est, par nature, susceptible de réduire les dépenses et d’inciter les intéressés à fournir des efforts supplémentaires d’insertion sur le marché du travail, partant, de contribuer à la réalisation d’objectifs généraux en matière budgétaire et d’emploi, ces objectifs généraux ne sauraient suffire à justifier n’importe quelle réduction du niveau de protection. De même, l’intervention des centres publics d’action sociale étant assurée à toute personne, elle ne saurait suffire, sous peine de vider de tout contenu l’obligation de standstill précitée, à justifier n’importe quelle réduction du niveau de protection offert par des prestations sociales, fussent-elles non contributives ».

En considérant que le recul significatif dans le droit à la sécurité sociale des chômeurs plus âgés, résultant de la limitation dans le temps du droit aux allocations d’insertion est justifié par des motifs d’intérêt général, l’arrêt viole l’article 23 de la Constitution.

Intérêt de la décision

La Cour de cassation avait déjà, par un arrêt du 5 mars 2018 commenté par Terra Laboris pour SocialEye et publié sur son site www.terralaboris.be avec une note d’observation de F. LAMBINET (« Mise en œuvre des principes de standstill dans le droit de l’assurance chômage : quelques observations en marge de l’arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 2018 ») rejeté le pourvoi de l’ONEm contre un arrêt de la cour du travail de Liège, division de Neufchâteau, du 10 février 2016 ayant, dans le cas d’une chômeuse âgée ayant travaillé comme assistante de prévention et de sécurité, décidé que la limitation dans le temps des allocations d’insertion prévue par l’arrêté royal du 28 décembre 2011 violait l’effet de standstill consacré par l’article 23 de la Constitution.

Si le litige concernait une catégorie spécifique de bénéficiaires des allocations sur la base de leurs études, étant les chômeurs d’au moins 40 ans qui ont travaillé en qualité d’assistants de prévention et de sécurité, il était important que la Cour suprême valide le raisonnement de la cour du travail qui avait procédé à une application rigoureuse du principe de proportionnalité.

Mais l’arrêt commenté, éclairé par les conclusions du ministère public, présente une importance plus déterminante pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il est rendu par la troisième chambre de la Cour composée de conseillers francophones et néerlandophones.

Ensuite, il s’agit d’un arrêt qui casse la décision attaquée, ce qui permet à la Cour d’énoncer très clairement les principes qui s’appliquent au contrôle que les juridictions du travail doivent exercer sur le respect de l’article 23 de la Constitution et du principe de standstill qu’il consacre par les auteurs d’actes réglementaires dans les différentes branches de la sécurité sociale et de l’aide sociale.

La Cour écarte le motif de la cour du travail que l’auteur de la réglementation pourrait se montrer plus sévère s’agissant de prestations à caractère non contributif. Ce qui est déterminant c’est que le droit aux allocations de chômage sur la base de certaines études a été reconnu sans limite dans le temps pour être ensuite limité. C’est cela l’effet de standstill et il s’applique aux prestations de sécurité sociale, qu’elles présentent ou non un caractère contributif.

Elle écarte également l’argument de la possible intervention des centres publics d’action sociale. Celle-ci, assurée à toute personne, ne peut « suffire, sous peine de vider de tout contenu l’obligation de standstill, à justifier n’importe quelle réduction du niveau de protection offert par des prestations sociales ».

Elle indique que des objectifs généraux en matière budgétaire et d’emploi ne peuvent « suffire à justifier n’importe quelle réduction du niveau de protection, car « toute réduction du niveau de protection offert par les prestations sociales (…) est, par nature, susceptible de réduire les dépenses et d’inciter les intéressés à fournir des efforts supplémentaires d’insertion sur le marché du travail ».

Enfin, elle précise ce que la cour du travail aurait dû examiner, étant si la réduction opérée contribuait « effectivement » à l’objectif d’intérêt général énoncé en ce qui concerne la catégorie de chômeurs examinée et était proportionnée à ces objectifs pour des raisons précisées, prévues et vérifiées.

Sans doute peut-on relever que les juridictions du travail ne sont pas outillées pour exercer ce contrôle lorsque, comme en l’espèce, l’auteur de la réglementation s’est, comme l’indiquent les conclusions du ministère public, contenté d’une motivation tout à fait générale et qui ne porte pas sur la situation spécifique des chômeurs plus âgés. Mais cela ne permet pas au juge de se retrancher derrière le principe de la séparation des pouvoirs. Contrairement à ce que retient la cour du travail dans l’arrêt attaqué, sa marge d’appréciation n’est pas étroite.

Aux références doctrinales citées par le ministère public, l’on peut ajouter une autre contribution importante de Daniel DUMONT : « Le principe de standstill comme instrument de rationalisation du processus législatif en matière sociale. Un plaidoyer illustré », paru aux J.T. des 28 septembre 2019 et 5 octobre 2019. Celui-ci souligne que le principal enjeu des débats sur le respect de l’obligation de standstill est d’amener le législateur, qui est le débiteur de cette obligation, à se montrer plus attentif à justifier les mesures prises. A défaut, le doute ne doit pas profiter à l’auteur d’une réforme régressive. En bref, selon la formule du point 2 de sa contribution : « A processus législatif bâclé, contrôle juridictionnel rigoureux ».

Cette contribution examine notamment (points 36 à 40) des arrêts des cours du travail de Bruxelles et de Liège ayant exercé un contrôle rigoureux sur une autre mesure régressive, introduite par l’arrêté royal du 30 décembre 2014 qui a abaissé de 30 à 25 l’âge limite avant lequel les allocations d’insertion doivent être demandées et conclu à la non application de la nouvelle réglementation à défaut d’explications convaincantes du législateur.

De nombreuses décisions des cours et tribunaux du travail sur les régressions en matière d’allocations d’attente / d’insertion sont consultables sur le site de Terra Laboris.


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