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Chômage temporaire Corona et exercice d’une activité accessoire : application de la Charte

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 août 2023, R.G. 2022/AB/387

Mis en ligne le vendredi 29 mars 2024


C. trav. Bruxelles, 16 août 2023, R.G. 2022/AB/387

Dans un arrêt du 16 août 2023, la Cour du travail de Bruxelles reprend les mesures dérogatoires aux conditions générales mises par la réglementation chômage lors de la crise du Covid-19 relatives à l’exercice d’une activité complémentaire compatible avec l’octroi des allocations

Les faits

La demanderesse a été étudiante à l’université de Louvain jusqu’au 1er septembre 2019. Elle a entrepris un stage auprès de la Commission européenne à partir d’octobre. Dans le courant de l’année 2019, elle avait obtenu un certificat de professeur de yoga (Indonésie).

Le 2 mars 2020, elle a entamé une activité professionnelle (horeca) et a posé les actes préparatoires à l’exercice d’une activité accessoire de professeur de yoga à partir du 1er avril 2020.

Elle a dû suspendre ses prestations de travail salarié pour raisons médicales.

Les cours de yoga ont commencé online à partir du 1er avril.

L’intéressée avait sollicité, entre-temps, 23 mars 2020, le bénéfice des allocations de chômage temporaire, rentrant pour ce le formulaire ‘C3. 2 – travailleur – Corona’. Elle a bénéficié de ces allocations à partir d’avril 2020.

En avril 2021, l’ONEm l’a contactée, au motif qu’elle aurait un exercé cette activité pendant une période de chômage temporaire. Elle a donné ses explications, signalant qu’elle n’était pas au courant qu’elle aurait dû informer l’ONEm de son activité d’indépendante.

Une décision administrative d’exclusion, de récupération et de sanction (six semaines) fut prise le 26 mai 2021. Celle-ci se fonde sur l’article 48, § 1, 1°, de l’arrêté royal organique.

L’intéressée sollicita la révision de la décision administrative mais sans succès.

Une procédure fut dès lors introduite devant le tribunal du travail de Louvain.

Par voie reconventionnelle, l’ONEm réclama le remboursement des allocations en cause, étant un montant de l’ordre de 5.225 €.

Par jugement du 2 mai 2022, le tribunal du travail accueillit la demande.

L’ONEm interjette appel.

La décision de la cour

La cour tient un raisonnement en trois étapes.

Le premier point est relatif au droit de l’intéressée aux allocations de chômage temporaire, question à laquelle la cour répond par la négative.

Elle rappelle les dispositions pertinentes de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, étant ses articles 44, 45 et 48. Ces règles ont été assouplies à l’occasion de la crise du COVID – 19. Ainsi, un arrêté royal est intervenu le 22 juin 2020, dont l’article 1er, prévoit expressément un assouplissement de la possibilité d’exercer une activité accessoire, sans perte des allocations de chômage, et ce par dérogation à l’article 44 de l’arrêté royal et sans que ne doivent être satisfaites les conditions de son article 48, § 1er.
Cet arrêté royal est entré en vigueur rétroactivement à la date du 1er février 2020.

Une condition spécifique est mise à l’exercice de cette activité, le texte précisant que celle-ci est autorisée « pour autant qu’il (le chômeur) ait déjà exercé cette activité accessoire dans le courant des trois mois, calculés de date à date, qui précèdent le premier jour où il a été mis en chômage temporaire suite au virus COVID-19 ».

En l’occurrence, l’intéressée a commencé son activité de professeur de yoga le 1er avril 2020, qui est également le premier jour du bénéfice du chômage temporaire. La cour conclut dès lors que cette activité ne remplit pas les conditions de l’arrêté royal ci-dessus, n’ayant pas été exercée avant le début du chômage.

Renvoyant alors aux conditions de l’article 48, § 1er, de l’arrêté royal - conditions plus strictes -, la cour constate que celle-ci n’y répond pas non plus. Elle rejette les explications de l’intimée, selon lesquelles elle aurait déjà exercé cette activité de manière occasionnelle avant cette date, ceci n’étant nullement établi et étant d’ailleurs contraire aux déclarations que celle-ci a faites à l’ONEm.

Après cette première conclusion, la cour en vient à la question du remboursement et considère ici que celui-ci ne doit pas intervenir. Elle renvoie, pour ce, à la Charte de l’assuré social et à l’exception que celle-ci contient à l’effet rétroactif de la décision administrative. La cour procède à un rappel circonstancié de l’article 17, dont elle reprend le texte et constate que les conditions de la révision au sens de cette disposition sont remplies, étant intervenues une première décision le 1er avril 2020 et une seconde le 26 mai 2021.

Cette conclusion est fondée sur l’erreur de l’ONEm. L’article 17 suppose deux conditions : une erreur de l’institution de sécurité sociale ainsi que le fait que l’assuré social ne pouvait se rendre compte du caractère indu des paiements.

Pour ce qui est de l’erreur en elle-même, la cour rappelle que la pandémie a entraîné l’explosion du nombre des dossiers de chômage temporaire et que, de ce fait, des mesures ont été prises aux fins de permettre l’introduction de demandes simplifiées.

Un arrêté royal du 30 mars 2020 a, ainsi, en son article 12, prévu l’introduction de la demande via un ‘formulaire C3.2 – travailleur – Corona’, dont la teneur et le modèle ont été établis par l’administrateur général de l’ONEm. Cette version de la réglementation est restée en vigueur jusqu’au 30 juin 2020.

La simplification de la demande dispense, ainsi, le travailleur de faire une déclaration concernant sa situation personnelle et familiale, mention qui figure sur le formulaire C1 et le formulaire C1.A pour ce qui est de la déclaration d’une activité accessoire. La dérogation ne contient aucune règle spécifique concernant les activités accessoires non plus que de condition relative à l’exercice de celles-ci avant le début du chômage temporaire. Par ailleurs en vertu de l’article 4, de l’arrêté royal du 30 mars 2020, le chômeur temporaire ne doit plus conserver sur lui sa carte de contrôle.

La cour note que les mentions du formulaire C3.2 sont à certains égards contradictoires et peu claires, ce qui ne répond pas à l’obligation d’information de l’ONEm visée à l’article 3, de la Charte de l’assuré social.

La cour constate que l’intéressée a rempli sa demande à un moment où aucune information n’était sollicitée à propos de l’exercice d’une activité accessoire et que dans les instructions des caisses de paiement, données par l’ONEm, il est expressément signalé que toute question relative à des activités ou des revenus spécifiques ne devait être posée, ceci n’empêchant pas l’octroi des allocations.

S’il y a un indu, celui-ci est à imputer à cette faute, s’agissant d’une information fautive, à tout le moins incomplète dans le chef de l’ONEm.

La cour rappelle encore l’étendue du devoir d’information des caisses de paiement, qui doivent instruire les dossiers sur la base des formulaires dont l’ONEm impose l’usage et que, indépendamment du devoir d’information de ces organismes, l’article 3, de la Charte ne permet pas à ce dernier de s’exonérer de ses propres obligations.

La cour constate également que l’intéressée ne savait pas et ne pouvait pas savoir qu’elle n’avait pas droit aux allocations. Elle en conclut que la décision administrative du 26 mai 2021 ne peut rétroagir.

En conséquence, il n’y a pas lieu de la sanctionner, vu qu’elle n’a commis aucun manquement à son obligation de déclaration.

Intérêt de la décision

Plusieurs arrêts furent rendus par la cour du travail le 16 août 2023, concernant la même problématique.

Dans une autre affaire (C trav. Bruxelles, 16 août 2023, R.G. 2022/AB/29), elle a précisé, rappelant le même contexte réglementaire, que la dérogation ne contient aucune règle spécifique quant à la nature de l’activité accessoire, qu’il n’est fait aucune référence aux articles 48 et/ou 48bis de l’arrêté royal organique et qu’il est également dérogé à l’obligation pour le chômeur de conserver sur lui sa carte de pointage. L’activité exercée (activité artistique dans ce dossier) l’ayant en l’espèce déjà été précédemment, l’intéressée n’était pas tenue aux obligations de l’arrêté royal organique (déclaration et carte de contrôle). Pour les mêmes motifs que dans l’arrêt commenté, cette décision ajoute que les paiements sont intervenus à la suite d’une erreur de l’ONEm, dont l’intéressée ne pouvait se rendre compte.

Dans une autre affaire (C trav. Bruxelles, 16 août 2023, R.G. 2022/AB/454), elle a souligné que, l’article 1er, de l’arrêté royal du 22 juin 2020 assouplissant les règles de cumul des allocations de chômage temporaire et des revenus d’une activité accessoire, suivre la thèse de l’ONEm - qui exige l‘exercice de cette activité pendant une durée de trois mois - aboutirait à renforcer ces conditions. Celui qui démarrerait une activité accessoire dans le cours d’une période d’application (prolongée) de l’arrêté royal, à l’issue d’une période de chômage temporaire, et après avoir été remis temporairement en chômage, ne pourrait prétendre, tant que cette règle serait d’application, au bénéfice des allocations de chômage temporaire. Ceci est plus sévère que la réglementation générale.


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