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Chômage temporaire CORONA et activité accessoire

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), Chbre. 2-E, 21 avril 2023, R.G. 2022/AL/354

Mis en ligne le mardi 6 février 2024


C. trav. Liège (div. Liège), Chbre. 2-E, 21 avril 2023, R.G. 2022/AL/354

Dans un arrêt du 21 avril 2023, la cour du travail de Liège (div. Liège) écarte l’interprétation de l’ONEm sur la condition à laquelle le chômeur temporaire pour force majeure Coronavirus doit satisfaire pour exercer une activité accessoire

Faits de la cause

M. R., né le 30 septembre 1996, a complété le 25 mars 2020 une demande simplifiée de chômage temporaire et a bénéficié d’allocations de chômage temporaire-force majeure (Coronavirus) pour certains jours de mai à août 2020.

Le 22 juillet 2020, il a entamé une activité indépendante alors qu’il ne bénéficiait plus de ces allocations depuis le 2 juillet 2020. Il a mis fin à cette activité au 30 septembre 2020.

Par une décision du 8 juillet 2021, l’ONEm l’exclut du bénéfice des allocations pour la durée de cette activité et décide de récupérer les allocations perçues indument, au motif que, celle-ci ayant débuté en période de chômage, il ne répondait pas aux conditions pour pouvoir l’exercer.

Par un courrier C.31 du 8 juillet 2021, l’ONEm lui réclame le remboursement de 12 allocations perçues en août 2020, soit 957,60 euros.

Par un jugement du 13 juin 2022, la 3e chambre du tribunal du travail de Liège (div. Liège) confirme la décision de l’ONEm et condamne M. R. au remboursement de la somme réclamée.

M. R. forme contre ce jugement un appel recevable.

La décision de la cour

L’arrêt commenté le dit fondé et annule la décision de l’ONEm.

La cour du travail rappelle que, suite à la pandémie de Covid 19, de nombreuses dérogations temporaires ont été mises en œuvre en matière de chômage. Un arrêté royal du 22 juin 2020 concernant diverses mesure temporaires dans la réglementation du chômage a ainsi notamment dérogé à l’article 44 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 en permettant au chômeur temporaire suite au virus d’exercer une activité accessoire sans satisfaire aux conditions de l’article 48, § 1er, de cet arrêté pour autant qu’il ait déjà exercé cette activité accessoire dans le courant des trois mois, calculés de date à date, qui précèdent le premier jour où il a été mis en chômage temporaire.

Cette dérogation, initialement prévue pour la période allant du 1er février 2020 au 30 juin 2020, a été adaptée à huit reprises, en sorte que, à l’exception du mois de septembre 2020, il a été dérogé aux conditions de l’article 48 pour la période allant du 1er février 2020 au 31 décembre 2022.

Un chômeur temporaire pour cause de Covid pouvait donc cumuler une activité accessoire et les allocations de chômage pour autant qu’il ait déjà exercé cette activité accessoire dans le courant des trois mois, calculés de date à date, qui précèdent le premier jour où il a été mis en chômage temporaire suite au virus COVID-19. (arrêt p.8 et 9).

Les parties s’opposent sur l’interprétation de ce texte.

Pour M. R., les trois mois doivent être calculés à partir du premier jour d’une période d’indemnisation dans le cadre du chômage Corona. Pour l’ONEm, la période de trois mois doit prendre cours le premier jour de la première fois où le travailleur a été mis en chômage temporaire suite au Coronavirus. (arrêt p.9)

L’arrêt analysé adopte l’interprétation de M. R.

Il souligne la spécificité des chômeurs ayant bénéficié d’allocations de chômage Covid : ceux-ci étaient habituellement éloignés du secteur chômage et les périodes de chômage temporaire leur ont causé une perte de revenus importante, ce qui a amené nombre d’entre eux à entreprendre une activité accessoire.

La cour du travail se fonde sur les Rapports au Roi et Préambules des arrêtés royaux successifs instaurant la dérogation et la prolongeant et épingle plus particulièrement le Préambule de l’arrêté royal du 23 décembre 2020, selon lequel « Vu que la situation a évolué de telle sorte qu’il est justifié de prévoir à nouveau, et sans distinction, ces mesures pour tous les travailleurs mis en chômage temporaire et ce jusqu’au 31 mars 2021,…. ». (p.9).

La prolongation à huit reprises des effets de la mesure dérogatoire ne s’explique pas si le but était uniquement de prolonger les droits de chômeurs temporaires ayant exercé une activité accessoire dès le mois d’avril 2020. Les arrêtés royaux successifs manquent certes de clarté, car ils se sont bornés à allonger la période de dérogation, mais l’interprétation que la cour du travail adopte est conforme au but poursuivi par l’article 48, § 1er, de l’arrêté royal.

En conclusion, celle-ci retient que du 1er février 2020 au 31 août 2020 et du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2022, le chômeur qui bénéficiait d’allocations de chômage temporaire Corona pouvait cumuler une activité accessoire et les allocations de chômage pour autant qu’il ait déjà exercé cette activité accessoire dans le courant des trois mois, calculés de date à date, qui précédent le premier jour d’une indemnisation dans le cadre du chômage Corona.

M. R. a débuté son activité accessoire le 22 juillet 2020 alors qu’il n’avait plus bénéficié d’allocations Corona depuis le 10 juillet 2020 et donc avant la prise de cours de sa nouvelle période d’indemnisation le 1er août 2020. Il était donc dans les conditions d’exercice d’une activité accessoire avec maintien des allocations de chômage temporaire Corona, ce qui justifie la réformation du jugement dont appel.

Intérêt de la décision analysée

Plusieurs autres arrêts de la Cour du travail de Liège (div. Liège) ont écarté l’interprétation restrictive de l’ONEm sur la portée des dispositions dérogatoires aux exigences de l’article 48 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 en cas d’exercice d’une activité accessoire pour les chômeurs mis en chômage temporaire pour cause de Covid et notamment : (chbre 2A) 17 avril 2023, R.G. 2022/AL/421 ; (chbre 2G) 23 juin 2023, R.G. 2022/AL/456 ; (chbre 2D) 22 juin 2023, R.G. 2022/AL/547 et 29 juin 2023, R.G. 2022/AL/522.

Tous ces arrêts, amenés à interpréter une disposition prolongée à huit reprises par des arrêtés royaux s’étant bornés à allonger la période de validité de la dérogation, lui ont, par une motivation plus ou moins semblable, donné un sens qui est conforme au but poursuivi par l’article 48, § 1er, 2°, de l’arrêté royal, étant de permettre au chômeur de continuer des activités exercées avant le chômage.

Le délai de trois mois pendant lequel le chômeur doit avoir exercé son activité son activité accessoire et son activité salariée ne vise qu’à empêcher qu’une activité accessoire ne soit entamée après la mise en chômage ou sous la menace immédiate de celui-ci. En l’espèce, dans la mesure où le gouvernement ne pouvait pas prévoir la durée de la pandémie, il en est de même des travailleurs qui n’ont pas nécessairement compris dès la première mise en chômage temporaire à quel point l’épidémie affecterait leurs finances.

On rappelle enfin que les arrêtés royaux dérogent également à l’obligation de déclaration préalable de l’activité accessoire (cf. not. l’arrêt du 17 avril 2023 précité).


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