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Exercice d’une activité accessoire dans le cadre de l’avantage « tremplin-indépendants » : règles de cumul avec les allocations de chômage

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 10 mars 2023, R.G. 2022/AL/331

Mis en ligne le samedi 11 novembre 2023


C. trav. Liège (div. Liège), 10 mars 2023, R.G. 2022/AL/331

Dans un arrêt du 10 mars 2023, la Cour du travail de Liège (division Liège) rappelle que les règles de cumul fixées à l’article 130 de l’arrêté royal organique, concernant l’exercice d’une activité accessoire, valent de la même manière dans le cadre du plan « tremplin-indépendants ».

Les faits

Une bénéficiaire d’allocations de chômage a déclaré, lors de son inscription, exercer une activité accessoire d’ergothérapeute via le système « tremplin-indépendants ». Par décision du 23 juillet 2018, l’ONEm accorda les allocations à concurrence d’un montant journalier provisoire, le cumul étant admis.

Par décision du 17 août 2020, compte tenu du montant définitif des revenus pour cette année, le montant a été revu et ramené à zéro, à partir du 23 juillet 2018, en application de l’article 130 de l’arrêté royal organique. L’ONEm a demandé le remboursement de ce qui avait été payé. Il motive sa décision en renvoyant à l’article 48 de l’arrêté royal ainsi qu’à son article 130, auquel le premier fait référence. Cette disposition prévoit que le montant journalier de l’allocation doit être diminué de la partie du montant journalier des revenus provenant de l’activité accessoire qui excède 13,98 euros à partir du 1er janvier 2018 et 14,25 euros à partir du 1er septembre 2018.

S’agissant d’une activité d’indépendant, l’ONEm prend en compte les revenus annuels nets imposables, obtenant le montant journalier par une division de ceux-ci par trois-cent-douze. Il précise encore le mode de calcul au cas où les revenus ne sont octroyés qu’en cours d’année (prise de cours ou date de fin de l’activité dans le courant de l’année calendrier, étant que les revenus annuels nets sont divisés par un nombre de jours proportionnel). Il est tenu compte de la totalité des revenus annuels, et ce même si une partie de ceux-ci concerne une période qui précède la période de chômage. Il est également tenu compte des revenus perçus les jours pour lesquels une allocation est déduite ou pour lesquels aucune allocation n’est octroyée.

En conséquence, reprenant les éléments communiqués par l’administration des contributions directes, la réduction est décidée avec la conclusion ci-dessus.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Liège (division Huy), qui le rejette.

Position des parties devant la cour

L’appelante demande l’écartement de l’article 130, § 2, alinéa 6, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 pour contrariété aux articles 10 et 11 de la Constitution. Elle formule une demande subsidiaire aux fins de limiter la récupération à un montant inférieur. Elle expose qu’elle a exercé cette activité accessoire jusqu’à la fin de l’année 2018 mais qu’elle ne l’a pas poursuivie de janvier à mai 2019 et n’a perçu aucun revenu pendant cette période, alors qu’elle continuait à devoir exposer des dépenses.

L’octroi du plan « tremplin-indépendants » couvrant une période de douze mois (calculée de date à date) a pour conséquence qu’elle est amenée à rembourser la totalité des allocations alors que, sur l’année comptable d’activité, soit du 23 juillet 2018 (date de début) au 23 juillet 2019 (date de fin), le bénéfice est inférieur au calcul de l’ONEm et ne donne pas lieu à une telle récupération, ce qui justifie le montant moins élevé auquel elle demande à la cour de se référer pour le remboursement.

Elle fait par ailleurs valoir l’existence d’une discrimination entre un chômeur qui débute son activité indépendante le 1er janvier dans le cadre du plan « tremplin-indépendants » et celui qui la débute en cours d’année, celui-ci se voyant appliquer de la même manière l’article 130, s’agissant de catégories comparables (personnes demandeuses d’emploi décidant d’entamer une activité indépendante alors qu’elles perçoivent les allocations de chômage tout en bénéficiant des avantages du plan « tremplin-indépendants ») traitées différemment.

Quant à l’ONEm, il postule la confirmation du jugement, contestant le caractère discriminatoire de l’article 130, vu le traitement identique de tous les chômeurs qui exercent une activité indépendante complémentaire. Il estime qu’il n’est pas raisonnable d’imposer un calcul des revenus à compter de la mesure « tremplin-indépendants », ce qui impliquerait une analyse comptable de chaque situation. Il conclut que, si discrimination il devait y avoir, celle-ci résulte du choix de l’intéressée de commencer son activité en cours d’année, celui-ci étant étranger à la réglementation applicable.

La décision de la cour

La cour reprend les dispositions de l’arrêté royal applicables, étant ses articles 44, 48 et 130 et conclut que l’ONEm a fait une application correcte des règles de cumul, tant sur le plan des principes que pour ce qui est des montants pris en considération.

Elle examine dès lors si la disposition est discriminatoire à l’égard des bénéficiaires du plan « tremplin-indépendants » qui entament leur activité en cours d’année civile. Elle rappelle l’argumentation de l’appelante, étant qu’en cas de début d’activité au 1er janvier, le recalcul d’allocations sera favorable si, au cours de l’année « tremplin-indépendants » (année civile), l’activité ne procure pas ou peu de revenus, mais qu’en cas de début en cours d’année, le calcul sera effectué au prorata des périodes d’activité, et ce même si les deux catégories de personnes bénéficient du plan sur une période de douze mois. Pour la première catégorie, le calcul est correct mais, pour la seconde, il y a pénalisation si les revenus de l’activité varient dans le temps sur les deux années civiles (ainsi, revenus importants sur le premier trimestre d’activité la première année et peu de revenus sur les trois autres trimestres l’année suivante).

Pour la cour, il y a certes une différence de traitement (rappelant que les articles 10 et 11 de la Constitution ne s’opposent en effet pas à l’établissement d’une telle différence entre des catégories de personnes comparables pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et soit raisonnablement justifiée, l’existence d’une telle justification devant s’apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure), mais celle-ci repose sur un critère objectif, qui est la date de début de l’activité. Elle estime en outre que ce critère est pertinent, et ce d’autant plus que l’avantage « tremplin-indépendants » est précisément accordé pour une durée limitée dans le temps, celle-ci étant calculée de date à date et non par année civile.

La justification de la mesure est à rechercher, pour la cour, dans le fait qu’il s’agit d’une exception à l’article 44 de l’arrêté royal et que, par ailleurs, les règles de cumul en cas d’exercice d’une activité accessoire sont fixées en termes journaliers afin de comparer les allocations de chômage (elles-mêmes acquises au jour le jour) et non sur une base annuelle. Il ne s’agit pas de faire un calcul au prorata de la durée effective d’exercice de l’activité durant l’année, qu’elle soit fiscale ou civile.

Ceci permet également au chômeur de conserver le bénéfice des allocations pour la période antérieure ainsi qu’après la fin de l’exercice de l’activité. Il n’y a dès lors pas lieu de retenir une violation du principe d’égalité et de non-discrimination, vu l’existence d’un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Qu’il s’agisse de l’exercice d’une activité accessoire dans le cadre de l’avantage « tremplin-indépendants » ne change rien à ce constat.

Factuellement, la cour relève encore qu’en l’espèce, le traitement défavorable dont se plaint l’intéressée est lié non à la disposition elle-même mais au fait qu’elle n’a plus exercé d’activité pendant l’année 2019, ce qui est un choix personnel, et que, pendant cette période, elle a pu percevoir les allocations de chômage temporaire alors qu’elle bénéficiait toujours de cet avantage.

La cour confirme dès lors la décision du tribunal.

Intérêt de la décision

La cour rappelle dans cet arrêt la règle générale de l’article 130 de l’arrêté royal organique, qui a trait aux règles de cumul entre les allocations de chômage et les revenus provenant d’une activité accessoire exercée conformément aux règles légales.

Le mode de calcul est repris, le rappel étant fait de la base retenue en cas d’activité non salariée, s’agissant ici de retenir les revenus annuels nets imposables, le mode de calcul (division de ce montant par trois-cent-douze et règles spécifiques en cas de prise de cours ou de fin en cours d’année calendrier) étant également rappelé.

L’enseignement de l’arrêt est que les règles relatives à ce cumul autorisé sont identiques, que ce soit dans le cadre d’une activité accessoire « ordinaire » ou dans celui de l’avantage « tremplin-indépendants ».

Pour ce qui est des conditions d’octroi de celui-ci, dont on peut rappeler qu’il permet de maintenir le bénéfice des allocations pendant une période de douze mois, de date à date, l’on peut renvoyer à un arrêt de la Cour du travail de Liège (division Namur) du 21 septembre 2021 (R.G. 2020/AN/131).

Dans cet arrêt, la cour a jugé que si, parmi les conditions mises au bénéfice du régime ‘tremplin-indépendants’ figure l’exigence que celui-ci ne peut pas être demandé pour une activité indépendante qui a déjà été exercée dans les six années écoulées comme profession principale, ne répond pas à cette condition la demande relative à une activité de coach sportif à domicile, l’intéressé ayant précédemment été gérant d’une salle de sport et ayant été professeur de sport (gymnastique ou fitness), dans des cours collectifs.

Il a également été jugé à propos de la condition que le chômeur ne peut faire exercer les activités qui font l’objet de cette profession accessoire par des tiers, que ce soit dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un contrat de sous-traitance (sauf si cela ne se produit qu’exceptionnellement – article 48, § 1erbis, 3°), que, dès lors que les conditions réglementaires ne sont pas respectées, il y a lieu à exclusion du bénéfice des allocations (C. trav. Liège, div. Liège, 6 avril 2021, R.G. 2020/AL/382) .

Enfin, rappelons que l’article 48, § 1erbis, 2°, de l’arrêté royal chômage ne fait aucune différence selon que l’activité indépendante a été exercée en Belgique ou à l’étranger. Une telle différenciation entraînerait d’ailleurs une discrimination entre travailleurs se trouvant dans une situation similaire, voire quasi identique. Le fait qu’une note de l’ONEm – qui n’a, du reste, aucune valeur légale – fasse référence au Répertoire général des travailleurs indépendants belges pour comparer les données de celui-ci avec celles mentionnées par le chômeur sur son formulaire C1C n’a pas de portée exclusive, mais s’explique par un souci pragmatique de conseil dans la mesure où les travailleurs ayant exercé leur activité indépendante en Belgique au cours des 6 années écoulées sont très largement majoritaires par rapport à ceux ayant pratiqué à l’étranger (C. trav. Liège, div. Liège, 14 janvier 2021, R.G. 2020/AL/131).


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