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Conditions d’exercice de l’activité de volontariat

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 3 octobre 2022, R.G. 2021/AL/529

Mis en ligne le mardi 13 juin 2023


Cour du travail de Liège (division Liège), 3 octobre 2022, R.G. 2021/AL/529

Terra Laboris

Dans un arrêt du 3 octobre 2022, la Cour du travail de Liège (division Liège) a procédé à la requalification d’une activité de volontariat exercée par un indépendant dans le cadre de son incapacité de travail, celle-ci étant en réalité la poursuite déguisée d’une activité professionnelle.

Les faits

Un commerçant exerçant en personne physique (Horeca) a fait l’objet, dans les années 2011 et 2012, de divers contrôles dans son établissement. En 2013, il est tombé en incapacité de travail. Des infractions ont été constatées, toujours pour les mêmes manquements (non-respect des affichages et des horaires de travail). Finalement, en 2015, il a fait faillite et son établissement a été fermé.

Après la cessation de cette activité, l’intéressé a introduit une demande dans le cadre de la loi du 3 juillet 2005 (volontariat), précisant dans celle-ci, pour ce qui est de l’organisation auprès de laquelle il souhaitait prester, qu’il s’agissait d’une société coopérative ayant un but social axée sur l’organisation de fêtes (pensionnés, etc.). Il fut ainsi autorisé à exercer un volontariat à partir du 1er décembre 2016, selon un horaire variable de dix heures par semaine, le médecin-conseil de son organisme assureur considérant ceci compatible avec son état de santé général.

En 2017, un contrôle intervint dans un autre établissement Horeca et la présence de l’intéressé y fut constatée. Il précisa ne pas travailler mais être « à côté du comptoir », en tant que bénévole, les sociétés (la taverne elle-même et l’A.S.B.L. pour laquelle il était volontaire) ayant les mêmes locaux. Il précisait s’occuper un peu du bar, du relevé des bingos, ainsi que des caisses, etc.

Un nouveau contrôle intervint encore et, finalement, la trésorière (commune) de l’association et de la S.C. exploitant la taverne fut entendue. Elle précisa dans son audition que tout le personnel était bénévole, tant pour la coopérative que pour l’A.S.B.L.

L’intéressé fut réentendu sur les conditions d’exercice et la nature exacte de ses prestations. Il précisa, sur les dix heures autorisées par la mutuelle, que celles-ci étaient réparties sur les six jours d’ouverture du café et qu’il travaillait à sa convenance en fonction de son état de santé.

Un procès-verbal de constat d’infraction fut alors dressé par le service de contrôle de l’I.N.A.M.I., qui considéra qu’il y avait reprise d’une activité professionnelle sans que l’organisme assureur n’en ait été informé. Il fut ainsi mis un terme à son incapacité et un remboursement d’indu de l’ordre de 15.700 euros lui fut notifié. Une sanction administrative de septante-cinq jours d’exclusion fut encore prise par l’I.N.A.M.I.

L’assuré social introduisit un recours dans lequel il demande la reprise du paiement des indemnités (qui avait été suspendu) et l’annulation de la demande de remboursement.

Dans le cadre de l’instruction du dossier, l’auditorat demanda ce qu’il en était de la procédure de l’article 101 de la loi coordonnée. La mutuelle indiqua que l’I.N.A.M.I. avait estimé ne pas devoir faire application de cette disposition, l’activité non autorisée ne constituant pas une reprise d’activité réduite par rapport à la situation de l’intéressé avant son incapacité de travail.

Par jugement du 27 septembre 2021, le tribunal constata que l’autorisation du médecin de la mutuelle n’avait pas été respectée, le type d’activité – étant l’exploitation d’un café – n’étant pas ce qui avait été demandé. L’intéressé a été débouté de l’ensemble de ses demandes et a été condamné à rembourser la mutuelle.

Appel est interjeté, celui-ci contestant devant la cour avoir repris un travail non autorisé. A titre subsidiaire, il fait valoir qu’à supposer son activité incompatible avec la législation ou l’autorisation du médecin-conseil, il y a eu erreur de la mutuelle, qui aurait donné son accord pour l’exercice de celle-ci. L’intéressé demande, en application de l’article 1382 du Code civil, la condamnation de la mutuelle à réparer les conséquences de la faute qu’elle a commise.

Pour sa part, la mutuelle souligne que l’activité autorisée (volontariat comme membre d’un Comité des fêtes) n’est pas celle qui a été effectivement exercée (exploitation d’un débit de boisson). Le caractère rémunéré ou non de l’activité est indifférent. Elle voit, en fin de compte, dans le recours au volontariat, une manière détournée de reprendre une activité d’exploitation de café, qui n’aurait plus été possible vu la faillite intervenue précédemment.

Position du ministère public

L’avis du Ministère public est conforme à la position de la mutuelle, celui-ci insistant également sur le caractère trompeur de la demande d’autorisation, vu qu’en réalité l’intéressé gérait en partie l’établissement, au-dessus duquel il habitait, d’ailleurs.

La décision de la cour

La cour reprend l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants. Celui-ci exige en son article 19 que, pour être reconnu en état d’incapacité de travail, le titulaire ait mis fin à l’accomplissement des tâches qui étaient afférentes à son activité d’indépendant et qu’il assumait avant le début de l’incapacité de travail.

En outre, il ne peut exercer une autre activité professionnelle, et ce peu importe sous quel statut. L’alinéa 2 de la disposition prévoit que le travail volontaire au sens de la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des volontaires n’est pas considéré comme une activité professionnelle à la condition que le médecin-conseil constate la compatibilité de celui-ci avec l’état général de santé de l’intéressé. L’article 19 concerne les périodes d’incapacité primaire. Selon l’article 20, qui porte sur la période d’invalidité, il y a incapacité de travail si le titulaire satisfait à l’article 19 et qu’en outre il est reconnu incapable d’exercer une quelconque activité professionnelle dont il pourrait être chargé équitablement, tenant compte notamment de sa condition, de son état de santé et de sa formation professionnelle.

L’appelant bénéficiant à sa demande d’une autorisation de prester en qualité de volontaire, la cour relève que les renseignements donnés donnent à penser que le but social de la personne morale est l’organisation d’une fête annuelle pour les pensionnés, mais que la réalité est tout autre, la cour reprenant les déclarations au dossier ainsi que les éléments de fait. Elle note notamment que l’intéressé a engagé deux autres volontaires et qu’il gérait les plannings de l’établissement. C’est dès lors à bon droit que la mutuelle a considéré que les conditions de l’article 19 de l’arrêté royal n’étaient pas respectées.

La cour conclut qu’elle a été trompée et qu’elle n’a commis ni faute ni erreur. Le jugement est dès lors confirmé.

Intérêt de la décision

Les faits tels que relevés par le tribunal et la cour du travail tendent aisément à démontrer le contournement de la loi du 3 juillet 2005, en cette affaire.

L’on doit rappeler à cet égard les conditions fixées par la loi. Est reconnue comme organisation au profit de laquelle le volontariat est exercé toute association de fait ou personne morale de droit public ou privé, sans but lucratif, qui fait appel à des volontaires, étant entendu que par « association de fait » il faut entendre toute association dépourvue de la personnalité juridique et composée de deux ou de plusieurs personnes qui organisent, d’un commun accord, une activité en vue de réaliser un objectif désintéressé, excluant toute répartition de bénéfices entre ses membres et administrateurs, et qui exercent un contrôle direct sur le fonctionnement de l’association.

Le volontariat est défini comme toute activité exercée sans rétribution ni obligation, au profit d’une ou de plusieurs personnes autres que celle qui exerce cette activité, d’un groupe ou d’une organisation, ou encore de la collectivité dans son ensemble, le cadre familial ou privé de celui qui exerce l’activité étant exclu. En outre, l’activité ne peut pas être exercée par la même personne et pour la même organisation dans le cadre d’un contrat de travail, d’un contrat de prestation de services ou d’une désignation en tant qu’agent statutaire. L’on peut renvoyer sur la question à un arrêt de la Cour du travail de Liège du 16 octobre 2018 (C. trav. Liège, div. Liège, 16 octobre 2018, R.G. 2017/AL/644 – précédemment commenté) : la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des volontaires exclut en son article 3 l’application du volontariat à une activité qui est exercée par la même personne et pour la même organisation dans le cadre d’un contrat de travail. Dès lors que ceci est l’intention des parties et que l’intéressée bénéficie (en l’espèce) du revenu d’intégration sociale, il y a en outre lieu de renvoyer à l’arrêté royal du 15 février 2007, réglant certains aspects de la coexistence du volontariat et du droit à l’intégration sociale, qui contient une obligation d’information préalable du C.P.A.S.


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