Terralaboris asbl

Notion d’ancienneté à prendre en compte pour le droit au préavis

Commentaire de C. trav. Mons, 14 janvier 2015, R.G. 2013/AM/417

Mis en ligne le mardi 13 octobre 2015


Cour du travail de Mons, 14 janvier 2015, R.G. n° 2013/AM/417

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 14 janvier 2015, la Cour du travail de Mons reprend l’évolution jurisprudentielle de la notion de même entreprise ou de même employeur pour le calcul de l’ancienneté du travailleur licencié.

Les faits

Une employée est engagée par une organisation syndicale en 2006 dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée, celui-ci étant suivi d’un second. Elle poursuit ses fonctions dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée pour une ASBL de la mouvance de l’organisation. Elle est ensuite réengagée par l’organisation elle-même et bénéficie de l’ancienneté conventionnelle. Quatre ans plus tard, elle passe au service central sectoriel.

Après quelques mois, elle tombe en incapacité de travail. Elle sera licenciée pendant celle-ci avec une indemnité de rupture de trois mois de rémunération.

Les parties ne trouvant pas de solution amiable suite à la rupture, une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Charleroi en paiement, notamment, d’un complément d’indemnité de préavis. Le tribunal ayant fait droit à la demande, la cour du travail de Mons est saisie de deux questions distinctes, dont la notion d’ancienneté à prendre en compte dans l’examen du préavis.

S’agissant d’un licenciement intervenu avant le 1er janvier 2014, la cour du travail fait une appréciation des éléments de la cause afin d’évaluer le préavis convenable, relevant qu’il n’y a pas lieu dans ce type de licenciement d’appliquer les règles actuelles, étant le renvoi au principe d’un mois de préavis par année d’ancienneté. Ceci reviendrait à prendre en compte des éléments postérieurs au congé, le renvoi étant fait à l’arrêt de la Cour de cassation du 3 février 2003 (Cass., 3 février 2003, S.12.0090.N), selon lequel pour la détermination du délai de préavis, seules doivent être prises en compte les circonstances existant au moment de la notification du congé, dans la mesure où celles-ci sont de nature à influencer la possibilité existant pour l’employé de trouver un emploi équivalent.

Après l’examen d’éléments purement factuels, tels que la rémunération et les circonstances propres à la cause (l’employeur faisant état de griefs professionnels et demandant que ceux-ci soient pris en compte – ce qui est refusé, eu égard aux principes en matière de fixation du préavis convenable), la cour se penche plus spécifiquement sur la question de l’ancienneté, notion visant le temps pendant lequel le travailleur est demeuré sans interruption au service de la même entreprise (ancien art. 59) ou chez le même employeur (ancien art. 82).

La cour rappelle que ces deux notions désignent l’unité d’exploitation, celle-ci étant distincte de l’entité juridique. C’est la jurisprudence constante de la Cour de cassation dans de nombreux arrêts, dont l’arrêt du 4 février 1991 (R.G. 7287), qui a rappelé que le Juge est tenu de calculer l’ancienneté sur la base de la période au cours de laquelle le travailleur était occupé par l’unité technique d’exploitation. Il n’y a pas lieu de se limiter à l’exécution du même contrat de travail mais de vérifier la continuité économique de l’activité en dépit des modifications juridiques et techniques. La jurisprudence a été amenée à appliquer la notion de même employeur à des hypothèses variées, couvrant des entités juridiques distinctes : ainsi, dans le cas de plusieurs églises locales poursuivant une finalité identique, de centrales professionnelles d’une même organisation représentative de travailleurs, de sociétés faisant partie d’un même groupe au sens économique du terme, ainsi encore que de sociétés liées par un lien de mère à filiale et relevant l’une de l’autre.

L’extension de la notion est, comme le rappelle la cour, la volonté du législateur, qui a souligné que la notion doit s’appliquer tant que la destination économique de l’entreprise reste inchangée.

La situation de l’employée est dès lors appréciée à la lumière de ces principes, la cour du travail constatant que le mouvement syndical employeur est divisé en deux piliers, étant qu’il y a d’une part des centrales professionnelles et d’autre part des fédérations interprofessionnelles. Ceci n’est cependant pas de nature à énerver la notion de même employeur, car, pour atteindre son objectif qui est la défense des intérêts sociaux, les organisations ont une stratégie commune et poursuivent un objet social commun, dans le cadre duquel elles doivent coordonner leurs activités. Dès lors qu’il y a des interactions étroites entre les activités menées par les unes et par les autres, sont indifférents des éléments tels que le numéro d’entreprise distinct et la tenue d’élections sociales séparées.
La totalité de la période d’occupation doit être retenue au titre d’ancienneté au sens des dispositions légales en matière de préavis.

Intérêt de la décision

La notion de même employeur est régulièrement mise sur le tapis lorsqu’il s’agit d’examiner l’ancienneté du travailleur au sein de l’entreprise. Cette notion a connu une extension importante, dans la jurisprudence, celle-ci s’inspirant généralement de la volonté du législateur d’assurer la protection du travailleur même s’il a été amené à être déplacé vers une autre entité proche de son employeur initial. Les critères retenus sont constants et ils sont d’ailleurs largement repris dans l’arrêt.

L’on peut encore renvoyer à un arrêt de la cour du travail de Bruxelles du 29 juin 2012 (C. trav. Bruxelles, 29 juin 2012, R.G., 2012/AB/1.026), qui a notamment souligné que l’activité économique ne doit pas nécessairement être exercée dans un but de lucre, la notion pouvant être appliquée à des A.S.B.L., des personnes morales de droit public, etc.


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