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Accident du travail : conditions de l’octroi en aggravation après l’expiration du délai de revision

Commentaire de C. trav. Liège, 8 mai 2015, R.G. 2014/AL/482

Mis en ligne le lundi 7 septembre 2015


Cour du travail de Liège, 8 mai 2015, R.G. n° 2014/AL/482

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 8 mai 2015, la Cour du travail de Liège rappelle le mécanisme légal relatif à l’indemnisation de l’aggravation des séquelles d’un accident du travail, considérant notamment que l’une des conditions de celle-ci est la survenance de l’aggravation après l’expiration du délai de revision.

Les faits

Suite à un accident du travail survenu en décembre 1997, une procédure a été poursuivie devant le Tribunal du travail de Verviers qui, par jugement du 3 mars 2005, a statué sur les lésions (16% à partir du 1er mai 2000). Ce jugement a été signifié aussitôt, soit le 1er avril 2005.

Plus de cinq ans après, en juin 2010, le travailleur tombe en incapacité temporaire totale. Il considère que c’est une conséquence de l’accident, ce que conteste l’assureur, pour qui la situation est toujours celle qui a été actée par le tribunal dans son jugement en 2005.

Une action est introduite par l’intéressé, aux fins de faire admettre le lien causal avec l’accident. Le Tribunal du travail de Verviers rend un jugement le 10 octobre 2013. Celui-ci ordonne la désignation d’un expert. Plusieurs points requièrent, pour l’entreprise d’assurances d’introduire un appel.

Position des parties devant la cour

L’assureur demande de corriger des erreurs matérielles portant sur les taux et les dates ainsi que d’amender la mission de l’expert.

Le travailleur forme une demande nouvelle, dans ses conclusions, tendant à augmenter le taux d’incapacité permanente. Il sollicite, dès lors, à la fois la reconnaissance d’une incapacité totale pendant une période de quatre mois et la fixation d’un taux d’incapacité permanente plus élevé.

Décision de la cour du travail

La cour corrige, dans un premier temps, les erreurs matérielles du jugement.

Sur la demande nouvelle, elle considère qu’elle respecte l’article 807 du Code judiciaire, dans la mesure où l’acte introductif visait l’existence d’une rechute en lien causal avec l’accident. L’extension de la demande porte sur une demande d’aggravation et reste dès lors dans les conditions de l’extension de la demande originaire.

Reste cependant à savoir si les conditions d’une demande en aggravation sont remplies, les dispositions légales étant à cet égard d’ordre public.

Pour qu’il s’agisse d’une action en révision, l’article 72 de la loi du 10 avril 1971 impose qu’il y ait introduction d’une telle demande dans un délai de trois ans - délai de forclusion auquel ne s’appliquent pas les règles de suspension et d’interruption de la prescription. La cour renvoie à plusieurs arrêts de la Cour de cassation à cet égard (dont Cass., 23 janvier 1995, n° S.94.0047.F). Or, il est manifeste que ce délai est dépassé, le délai de revision, qui a commencé un mois après la signification du jugement (fin du délai d’appel) est ainsi expiré depuis le 1er mai 2008 et la demande a été introduite sept ans pus tard.

Peut-il par ailleurs s’agir d’une action en aggravation au sens de l’article 25 de la loi ?

Une telle action est en effet autorisée après l’expiration du délai de revision pour autant que le nouveau taux d’incapacité permanente de travail (soit le taux auquel serait portée la nouvelle incapacité) soit de 10% au moins. Tel pourrait être le cas, dès lors que l’intéressé dépose un rapport médical dans lequel son médecin de recours évalue le handicap professionnel à 25% (sous réserve d’autres examens).

Cependant, la cour du travail relève que la même attestation fait état d’autres périodes d’incapacité de travail survenues avant le jugement fixant les séquelles, ainsi que pendant le délai de revision et seule la dernière période de 2010 (en réalité la quatrième et dernière période reprise par le médecin de recours) est visée par la présente procédure. La cour en conclut que l’aggravation est survenue essentiellement durant la période de revision, l’intéressé ayant été, pendant celle-ci, dans l’impossibilité de travailler pendant plusieurs mois.

Il ne peut donc être fait droit à la demande.

Intérêt de la décision

Outre le rappel des actions pouvant être introduites dans le cadre de la réparation des séquelles de l’accident du travail (action en indemnisation des séquelles, action en revision, action en aggravation) et le rappel des délais ainsi que de leur nature, cet arrêt précise un point important, pour ce qui est de la demande en aggravation introduite après l’expiration du délai de revision, étant que, pour être accueillie, la demande de réparation d’une telle aggravation doit entraîner un taux de 10% d‘IPP au moins.

L’on peut également rappeler qu’un calcul spécifique doit être fait aux fins de fixer l’allocation nouvelle. Les allocations d’aggravation sont en effet calculées conformément à l’article 9 de l’arrêté royal du 10 décembre 1987 relatif aux allocations accordées dans le cadre de la loi du 10 avril 1971. L’allocation est égale au produit obtenu en multipliant le nouveau taux d’incapacité de travail (augmenté le cas échéant de l’aide de tiers) par un certain montant (établi conformément à l’article 5, § 1er, 1° de l’arrêté).

En outre, une aggravation temporaire ne peut être cumulée avec une allocation d’aggravation permanente.

L’article 25 de la loi prévoit par ailleurs que si l’incapacité permanente causée par l’accident du travail s’aggrave à un point tel que la victime ne peut plus exercer temporairement la profession dans laquelle elle a été reclassée, elle peut prétendre pendant cette période aux indemnités journalières. Ceci implique un reclassement de la victime, étant que, à défaut d’exercice d’une activité professionnelle au moment de ladite aggravation temporaire, l’article 25 ne trouvera pas à s’appliquer.

Soulignons enfin que la cour du travail retient dans cet arrêt que l’aggravation doit survenir après l’expiration de la période de revision.


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