Commentaire de Trib. Trav. du Hainaut (Div. La Louvière), 9 septembre 2016, R.G. 15/978/A
Mis en ligne le 13 février 2017
Rien ne permet de supposer, lorsque la lettre de notification du congé pour motif grave a été envoyée au travailleur à une adresse inexacte, que l’intéressé a pris connaissance de son contenu avant que ce courrier lui soit communiqué dans le cadre de la procédure judiciaire qu’il a intentée pour contester son licenciement. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que l’employeur n’a pas valablement communiqué d’initiative les motifs concrets de celui-ci. Il lui appartient alors de fournir la preuve des motifs invoqués qu’il n’a pas communiqués à l’intéressé dans le respect de l’article 5 de la C.C.T. n° 109.
Lorsque l’employeur a communiqué les motifs du congé, la charge de la preuve sera partagée de façon égale. L’avantage dont bénéficierait l’employeur consisterait dans le fait qu’il bénéficie quelque-part d’une présomption (simple) de l’absence du caractère manifestement déraisonnable du licenciement lorsqu’il a été en mesure de démontrer la réalité des motifs invoqués à l’appui de sa décision et leur lien de causalité avec le licenciement.
Lorsque les motifs ont été demandés et donnés par l’employeur, l’article 10 de la CCT n°109 du 12 février 2014 prévoit un partage subtil de la charge de la preuve : l’employeur doit démontrer que les motifs du licenciement sont avérés et que ceux-ci ont bien été à l’origine de la décision de licenciement alors que le travailleur doit établir le caractère manifestement déraisonnable du licenciement fondé sur de tels motifs. Ainsi, ne peut être considéré comme un licenciement manifestement déraisonnable au sens de la CCT n°109 le licenciement fondé sur des motifs liés au comportement du travailleur et dont celui-ci n’établit pas qu’il n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable.
Il ne suffit pas d’apporter la preuve de l’existence d’un motif qui aurait pu justifier le licenciement. Encore faut-il que le motif démontré soit celui qui a réellement présidé à la décision de l’employeur.
Lorsque l’employeur a communiqué les motifs du licenciement au travailleur, l’on se trouve dans le cadre du principe actori incumbit probatio, soit de l’article 1315, alinéa 1er, du Code civil. Si les motifs n’ont pas été communiqués et qu’ils ont été demandés, l’employeur doit apporter la preuve à la fois du motif et du fait que celui-ci n’est pas manifestement déraisonnable. Il y a un renversement de la charge de la preuve, le licenciement étant présumé non fondé sur un motif valable au sens de la C.C.T. n° 109.
Enfin, si le travailleur n’a pas demandé les motifs et qu’il n’a pas reçu ceux-ci spontanément, il doit établir non seulement les éléments qui indiquent le caractère manifestement déraisonnable du motif, mais, en outre, il doit apporter la preuve du motif du congé lui-même.
(Décision commentée)
Dans le cadre du contrôle du motif du licenciement tel qu’organisé par la C.C.T. n° 109, trois hypothèses peuvent se présenter, ayant une incidence sur les règles en matière de charge de la preuve, étant (i) celle où l’employeur a communiqué les motifs de licenciement, (ii) celle où il ne l’a pas fait alors que le travailleur a demandé cette communication et (iii) celle où le travailleur n’a pas fait la demande.
Dans la première hypothèse, l’employeur doit apporter la preuve du motif avancé et le travailleur peut apporter la preuve que celui-ci ne constitue pas la véritable cause du licenciement. Si par contre les motifs n’ont pas été donnés alors qu’ils ont été demandés, l’employeur devra prouver les motifs et également établir qu’ils ne sont pas manifestement déraisonnables. S’ils n’ont pas été demandés, le travailleur doit prouver le motif du licenciement et établir les éléments qui indiquent que celui-ci est manifestement déraisonnable.
Quant au motif lui-même, est jugée manifestement déraisonnable en l’espèce la rupture qui intervient lorsque le travailleur tente de s’expliquer sur des griefs formulés contre lui.