Terralaboris asbl

Petit rappel des règles de compétence des tribunaux du travail belges dans le cas d’un contrat conclu et exécuté à l’étranger

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 mars 2011, R.G. 2009/AB/52.587

Mis en ligne le lundi 17 octobre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 16 mars 2011, R.G. n° 2009/AB/52.587

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 16 mars 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les règles de compétence des juridictions du travail, telles que précisées par le Code de droit international privé, en matière de formation de contrats entre parties non présentes.

Les faits

Une société belge engage, dans le cadre d’un remplacement, une employée belge (résidant au Congo) afin de prester dans une banque en République Démocratique du Congo. La lettre d’engagement précise qu’il ne s’agit pas d’un contrat de travail, ni avec elle-même, ni avec la banque en cause. Il s’agit d’une mission de conseil, pour laquelle l’intéressée perçoit des honoraires fixés d’un commun accord. La note d’honoraires est à adresser à la société belge.

En exécution de cette convention, l’intéressée preste pendant plus de 12 ans et en octobre 2006 il est mis fin à la collaboration au motif d’une cessation d’activité. Une prime « exceptionnelle » de 5.000€ est payée.

L’intéressée fait alors valoir l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée avec la société belge, qui conteste l’existence de ce contrat.

Citation est dès lors lancée devant le tribunal du travail en requalification du contrat de collaboration indépendante.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 9 juillet 2009, le Tribunal du travail de Bruxelles se déclare incompétent.

Décision de la cour du travail

La cour du travail va limiter son examen à la question de la compétence, aboutissant à la même conclusion que le tribunal.

Elle constate qu’à défaut de convention internationale conclue entre les deux états, il faut appliquer les règles de droit international privé du droit belge, le Code de droit international privé introduit par la loi du 16 juillet 2004 prévoyant, à l’époque des faits, que les juridictions belges sont compétentes (sauf si la loi devait en disposer autrement) dès lors que le défendeur est domicilié ou a sa résidence habituelle en Belgique lors de l’introduction de la demande. Il s’agit pour la cour d’un principe général relatif à la compétence judiciaire fondée sur la règle du domicile du défendeur.

L’article 96 de la loi du 16 juillet 2004 contient également une règle de compétence en matière d’obligations contractuelles, étant que l’obligation doit être née en Belgique ou est exécutée (ou doit l’être) en Belgique. Plus précisément en matière de relations individuelles de travail, l’article 97, § 2 précise que l’on entend par « exécution de l’obligation en Belgique » le fait que le travailleur accomplit habituellement son travail en Belgique lors du différend.

La cour en conclut qu’en matière de contrat de travail, le travailleur peut assigner son employeur en Belgique à la condition qu’il y exerce son activité de manière habituelle ou si le contrat a été conclu en Belgique.

Il faut dès lors examiner les règles en matière de formation du contrat entre parties non présentes. La cour renvoie ici à l’arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 1960 (Pas., 1960, I, p. 1190), où est posé le principe de l’exigence du concours de deux volontés. La Cour suprême a précisé que tout contrat requiert pour sa formation le véritable concours des volontés des parties à un moment donné. Il s’agit de constater la conscience de leur commun accord sur l’objet du contrat. Il faut, en l’occurrence, que le pollicitant (étant la personne qui effectue une offre non encore acceptée) ait eu ou en tout cas ait pu avoir connaissance de l’acceptation explicite ou tacite de son offre. Il en découle pour la cour du travail que le contrat est formé au moment et au lieu où le pollicitant reçoit l’acceptation de l’offre. Cette règle en matière de formation du contrat entre parties non présentes a été précisée dans un autre arrêt du 25 mai 1990 (Pas., I, p. 1087), dans lequel la Cour a jugé qu’est ici applicable la règle de droit supplétif suivant laquelle le contrat est parfait au moment où le pollicitant a eu connaissance ou a raisonnablement pu avoir connaissance de l’acceptation de l’offre par son cocontractant. C’est ce moment qui détermine également le lieu où le contrat est présumé avoir été conclu.

Examinant les éléments de l’espèce, la cour du travail constate que le contrat n’a pas été exécuté en Belgique au sens de l’article 96 (ce qui n’est pas contesté par les parties). L’intéressée était établie à Kinshasa et a accompli exclusivement ses prestations là-bas. Par ailleurs, l’obligation contractuelle n’est pas née en Belgique. La cour relève à cet égard que, dans le déroulement des faits, les pourparlers pré-contractuels avaient eu lieu à Kinshasa (l’intéressée s’y trouvant). La lettre envoyée par la société belge n’a pas pour effet d’entraîner la formation du contrat, celle-ci intervenant du fait de la réception de la lettre par l’employée. C’est à ce moment qu’elle a eu connaissance de l’acceptation par la société belge de son offre de fournir des prestations pour le compte de la société congolaise. Il en découle que le contrat est présumé avoir été conclu au Congo.

Intérêt de la décision

Ce judicieux rappel fait par la cour du travail en ce qui concerne les règles en matière de formation de contrat entre parties non présentes sera bien utile, vu la multiplication de contrats contenant un élément d’extranéité. L’attention doit dès lors être attirée sur les règles spécifiques du Code de droit international privé en matière d’obligations et particulièrement en matière de contrats de travail.


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