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Chômage : le constat d’évaluation de la recherche active d’emploi est-il un acte administratif au sens de la loi du 29 juillet 1991 ?

Commentaire de C. trav. Liège, 27 juin 2011, R.G. 2010/AL/580

Mis en ligne le jeudi 13 octobre 2011


Cour du travail de Liège, 27 juin 2011 R.G. n° 2010/AL/580

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 27 juin 2011, la Cour du travail de Liège considère que le constat d’évaluation fait par l’ONEm, en matière de contrôle de la recherche active d’emploi, n’est pas un acte administratif au sens de la loi du 29 juillet 1991 et n’est dès lors pas soumis aux impératifs de motivation formelle au sens de cette législation. Il doit cependant répondre aux principes généraux de bonne administration.

Les faits

Une chômeuse bénéficie d’allocations depuis plusieurs années. Elle est avertie de l’obligation de chercher activement un emploi et de collaborer à différentes actions proposées par le FOREM, et ce en application de l’article 59ter, alinéa 1er de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Deux ans plus tard, elle est convoquée pour un entretien au bureau de chômage. Il s’agit d’évaluer les efforts faits pour s’insérer sur le marché du travail. À l’issue de l’entretien, il lui est signalé qu’elle n’a pas accompli suffisamment d’efforts et le contrat qu’elle a signé au cours de celui-ci, contenant cinq engagements concrets, lui est adressé avec le rapport de l’entretien. Deux nouvelles années plus tard, elle est reconvoquée pour un second entretien en vue d’évaluer les efforts fournis quant aux engagements contenus dans ledit contrat.

À l’issue de ce second entretien, le directeur du B.R. l’informe qu’elle n’a pas respecté tous ses engagements, ce qui lui est de nouveau confirmé par écrit. Le rapport du second entretien et un second contrat contenant de nouveaux engagements lui sont adressés. Lui est annoncée également la suspension temporaire des allocations en exécution d’une décision à intervenir.

La décision est effectivement prise, quelques jours plus tard. La sanction est prise en application de l’article 59quinquies (§ 5, alinéa 1er - § 6, alinéa 1er - § 7) de l’arrêté royal. Il s’agit de la sanction fixe de quatre mois visée dans l’hypothèse du constat négatif effectué à l’issue du second entretien d’évaluation, tenu dans le cadre du second contrat d’activation.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 23 septembre 2010, le Tribunal du travail de Liège annule la sanction d’exclusion, et ce au motif que le rapport rédigé à l’issue du premier entretien n’indique pas si l’évaluation est positive ou non. De même, il ne contient pas de motivation permettant de découvrir et d’apprécier les critères de l’évaluation. Pour le tribunal, la décision de l’ONEm intervenant après le premier entretien d’évaluation (dans le cadre de la procédure d’activation) est une décision administrative à portée individuelle. En conséquence elle est nulle à défaut de motivation.

Pour le tribunal, cette nullité entraîne celle de tous les actes administratifs construits sur cette base et le second contrat est en conséquence nul.

Décision de la cour du travail

La cour constate que l’essentiel des débats porte sur la motivation du constat effectué par le directeur du B.R. ainsi que sur les conséquences d’une éventuelle nullité.

Elle reprend dès lors le texte de l’article 59quater, § 5, alinéa 1er de l’arrêté royal et examine la conformité du (premier) constat effectué au regard de cette disposition. La cour constate qu’il a été écrit à l’intéressée qu’elle n’avait pas fourni suffisamment d’efforts pour s’insérer sur le marché de l’emploi, et ce pour des motifs qui figurent dans le rapport d’entretien. Ce rapport est transmis en annexe du constat, de même que le contrat contenant les actions concrètes que la chômeuse s’était engagée à entreprendre.

La cour relève également qu’il est indiqué à l’intéressée qu’elle serait reconvoquée pour un nouvel entretien d’évaluation et qu’elle avait été dûment informée quant aux diverses étapes de la procédure. Il y a dès lors respect, selon la cour, de l’article 59quater : à l’issue de l’entretien d’évaluation la chômeuse était informée du fait qu’elle n’avait pas fourni les efforts suffisants pour s’insérer, en même temps qu’elle était invitée à souscrire le contrat d’activation prévu. La cour relève également que l’ONEm a fait plus que ce que le texte réglementaire ne lui imposait, puisqu’il a donné une information écrite détaillée reprenant l’ensemble des éléments de référence. La cour relève que, si le terme « évaluation négative » n’est pas repris en tant que tel, il ne s’agit pas d’une exigence formaliste requise par la réglementation, puisque les conclusions du constat sont claires.

Quant à savoir s’il s’agit d’un acte administratif tel que visé par la loi du 29 juillet 1991 relatif à la motivation formelle des actes administratifs, la cour relève que le constat de l’ONEm n’a pas ce caractère, étant « un simple jalon » dans le déroulement d’une procédure administrative visant, par paliers, à aider le chômeur à s’insérer ou à se réinsérer. S’il y a évaluation négative, le constat n’a d’autre effet que d’amener le directeur à inviter le chômeur à souscrire un contrat contenant des engagements concrets. La cour relève également que, s’il s’agissait d’une véritable décision, elle serait susceptible d’un recours judiciaire, et ce dans les trois mois de sa notification. Ce recours aurait pour effet d’interrompre ou de suspendre l’évolution normale de la procédure administrative – effet contraire à l’objectif poursuivi. Si le constat en lui-même n’a pas l’effet d’une décision administrative, tel est cependant le cas de la décision d’exclusion du bénéfice des allocations, décision susceptible du recours judiciaire.

Il découle de cette appréciation que, n’étant pas un acte administratif, le constat du directeur n’est pas en tant que tel soumis aux prescriptions de cette loi relative à la motivation formelle. La cour relève néanmoins que le constat doit être motivé et doit l’être correctement. Ces deux impératifs découlent du principe général de bonne administration. Dans l’appréciation de la motivation, la cour considère que l’on peut par analogie se fonder sur les exigences de la loi du 29 juillet 1991, étant l’indication dans l’acte des considérations de droit et de fait servant de fondement à la décision. Il doit y avoir, pour la cour, motivation adéquate.

Examinant les éléments qui lui sont soumis, elle conclut que le rapport contient les éléments de fait qui motivent le constat d’efforts insuffisants de la part de l’intéressée, éléments qui ne peuvent que justifier une évaluation négative. Le bilan de la recherche d’emploi est maigre, comme le relève la cour, au regard d’une période d’évaluation de plusieurs années de chômage. Il s’avère que des efforts suffisants n’ont pas été effectués en vue de s’insérer sur le marché du travail.

La cour conclut que la motivation est suffisante. Le contrat souscrit le même jour ne peut dès lors être considéré comme nul et, dans la mesure où le bien-fondé du constat négatif à l’issue du second entretien ainsi que la validité du nouveau contrat ne sont pas contestés, la cour retient que l’exclusion prise sur pied de l’article 59quinquies est justifiée.

Intérêt de la décision

Dans le cadre de la procédure relative au contrôle de la recherche active d’emploi, la Cour du travail de Liège retient dans cet arrêt une exigence d’obligation de motivation adéquate du constat d’évaluation. Si, au sens formel, l’on ne se trouve pas en présence d’un acte administratif, la décision de l’ONEm doit cependant répondre au principe général de bonne administration.


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