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Quel est le taux d’intérêt applicable au remboursement de cotisations sociales ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 mai 2011, R.G. 2009/AB/52.043

Mis en ligne le lundi 26 septembre 2011


Cour du Travail de Bruxelles, 4 mai 2011, 8e Chambre, R.G. 2009/AB/52.043

Terra Laboris A.S.B.L.

Dans un arrêt du 4 mai 2011, la Cour du travail de Bruxelles tranche la question du taux d’intérêt applicable aux dettes de cotisations sociales en rappelant l’objectif de la loi-programme du 8 juin 2008 (article 41).

Les faits

Une société est assignée par l’ONSS en paiement de cotisations. Le litige se rapporte à des indemnités de non-concurrence versées à deux employés ainsi que d’autres « primes ».

La société a effectué un paiement de l’ordre de 63.000 € avant la citation, qui porte elle-même sur un montant de l’ordre de 90.000 €.

Le tribunal du travail va considérer que l’action de l’ONSS est fondée et que la société doit payer le montant réclamé, à majorer des intérêts et à diminuer du paiement effectué.

La société conteste par ailleurs, en justice, devoir les cotisations en cause (en ce compris celles qu’elle a payées aux fins de ne pas alourdir sa dette).

Le tribunal la déboute de sa demande.

Décision de la cour dans son arrêt du 9 juin 2010

Dans un premier arrêt du 9 juin 2010, la cour a réformé partiellement le jugement, considérant que les indemnités de non-concurrence ne sont pas des rémunérations passibles de cotisations de sécurité sociale. Par contre, d’autres paiements également litigieux se sont vu reconnaître ce caractère (une prime perçue suite à un concours et des « chèques-anniversaire d’ancienneté »). Dans cet arrêt, la cour du travail a en conséquence condamné l’ONSS à rembourser les cotisations concernant les indemnités de non-concurrence.

La société avait également introduit une demande de capitalisation des intérêts et la cour y a fait droit, conformément à l’article 1154 du Code civil, les conditions étant remplies, vu le dépôt de conclusions en cours d’instance.

Cet arrêt a ordonné la réouverture des débats sur les montants.

Pourvoi en cassation

L’ONSS a introduit un pourvoi en cassation (pourvoi qui n’a pas encore fait l’objet d’un arrêt à l’heure actuelle (S.10.0114.F)). Le pourvoi porte sur le caractère rémunératoire des indemnités de non-concurrence, entraînant le paiement de cotisations sociales et, également, la capitalisation des intérêts (le pourvoi faisant valoir que celle-ci ne peut être autorisée avant que la dette – pour autant qu’elle existe – soit exigible).

La réouverture des débats ordonnée a cependant été maintenue, vu le caractère non suspensif du pourvoi.
Décision de la cour dans son arrêt du 4 mai 2011

La Cour tranche dans cet arrêt la question du taux applicable aux montants remboursés à la société. La position des parties est divergente sur cette question, la société demandant pour toute la période un taux de 7% et l’ONSS considérant qu’il faut se référer au taux d’intérêt légal en vigueur en matière civile et commerciale (passé successivement à 7%, 6%, 7%, 5,5% et 3,25% - la période se terminant en 2010).

La Cour relève que la discussion porte sur la période à partir du 1er janvier 2007, les parties étant d’accord pour considérer que, entre 2003 et 2006, le taux était de 7% par an.

A partir du 1er janvier 2007, intervient cependant la loi-programme du 27 décembre 2006, qui a modifié la loi du 5 mai 1865 sur plusieurs points.

Une première période de 2 ans (années 2007 et 2008) se voit appliquer un taux d’intérêt maintenu à 7%, conformément à l’article 2, § 2 de la loi du 5 mai 1865, au motif, selon les travaux préparatoires, que la question de l’intérêt légal en matière sociale a été oubliée et que le social suit le fiscal lorsqu’il n’y a pas de raison d’envisager un traitement autre.

En outre, comme le relève la cour, la loi-programme du 8 juin 2008 a entendu mettre fin à la discussion concernant la notion d’intérêt légal, en décidant que ce terme, repris à l’article 28, § 1er, alinéa 2 de la loi du 27 juin 1969, a la même signification qu’à l’article 2, § 2 de la loi du 5 mai 1865. Cette première disposition de la loi-programme du 8 juin 2008 porte sur les cotisations elles-mêmes dues à l’ONSS et non sur le remboursement de celles qui ont été payées indûment. Il s’agit de viser l’employeur qui ne verse pas les cotisations dans les délais fixés par la réglementation.

Pour la cour, même si l’équité et la bonne foi peuvent amener un traitement similaire pour le paiement des cotisations et leur remboursement, le texte de la loi est clair et il n’y a pas lieu de s’en écarter. La cour relève qu’elle ne considère pas anormal que le taux d’intérêt à appliquer aux dettes de cotisations soit plus élevé, dès lors que les débiteurs de cotisations sociales sont nombreux et que le recouvrement touche aux intérêts essentiels du financement de la sécurité sociale. Elle relève également que l’article 18 de la loi du 27 juin 1969 est intégré dans la section consacrée aux sanctions civiles, l’intérêt étant ainsi destiné à indemniser un retard, mais également à inciter au paiement régulier des cotisations.

Pour les années ultérieures, la loi-programme du 8 juin 2008 a complété l’article 2 de la loi du 5 mai 1865 en y insérant un paragraphe 3. Selon cette disposition, le taux d’intérêt légal en matière sociale est fixé à 7%, et ce même si les dispositions sociales renvoient au taux d’intérêt légal en matière civile et pour autant qu’il n’y soit pas explicitement dérogé dans les dispositions sociales (notamment dans loi du 27 juin 1969). La cour relève que cette disposition est plus large que la disposition précédente, puisqu’elle vise l’ensemble des matières sociales et pas uniquement les dettes de cotisations sociales. Il trouve dès lors à s’appliquer au remboursement de celles-ci.

Ce taux pouvant être modifié par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres, la cour relève qu’il a été de 6% en 2007 et de 7% depuis.

Intérêt de la décision

La question du taux d’intérêt applicable au remboursement des cotisations sociales a trouvé, ainsi que le rappelle la cour du travail de Bruxelles dans cet arrêt, une réponse claire dans la loi-programme du 8 juin 2008, en tout cas à partir du 1er janvier 2009, date d’entrée en vigueur de l’article 42.


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