Terralaboris asbl

Mandataire d’asbl et droit aux allocations de chômage

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 1er juin 2011, R.G. 2009/AB/52.079

Mis en ligne le jeudi 15 septembre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 1er juin 2011, R.G. 2009/AB/52.079

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 1er juin 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’exercice d’un mandat au sein d’une asbl n’est pas incompatible avec l’octroi d’allocations de chômage.

Les faits

Monsieur G. participe à la constitution d’une asbl en 1994 et devient président et administrateur-délégué de celle-ci en 1998.

Dans le même temps, il devient bénéficiaire d’allocations de chômage.

Suite à un contrôle dans un restaurant, la présence de l’intéressé est constatée, celui-ci expliquant accompagner son épouse, qui donne un spectacle. Le spectacle fait l’objet d’une facturation à l’asbl.

Une enquête est alors entreprise et, au cours de celle-ci, l’intéressé explique avoir pour objectif de sortir du chômage en valorisant (mais non financièrement) ses capacités dans le cadre de l’animation médiévale. Il expose que l’asbl n’est pas une source d’enrichissement. Il dépose l’ensemble de documents comptables, la preuve de prêts, etc. permettant de confirmer ses dires. Il conteste toute malhonnêteté dans sa démarche.

L’ONEm prend néanmoins une décision d’exclusion pour une période de plus de six ans. Il décide de récupérer l’ensemble des allocations et d’appliquer également une sanction de six semaines d’exclusion pour omission de biffure de la carte de contrôle. Est également décidée la transmission du dossier à l’auditorat.

L’ONEm prend, ultérieurement, une décision « plus douce » ne retenant qu’une prescription de trois ans.

Décision de la cour du travail

Le premier juge ayant retenu que le recours était « devenu sans objet », vu la seconde décision intervenue, la cour énonce en premier lieu que ce jugement doit être « entièrement écarté ». Il appartient en effet au juge de statuer sur les droits en litige.

En ce qui concerne les dispositions légales pertinentes, c’est l’article 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 qui est le siège de la discussion, étant qu’est considérée comme travail l’activité qu’il vise, à savoir celle effectuée pour son propre compte ou effectué pour un tiers. Se pose ici la question de savoir si l’exercice d’un mandat au sein de l’asbl est considéré comme une activité au sens de la réglementation. La cour rappelle à cet égard que l’exercice d’un mandat au sein d’une société commerciale est généralement considérée comme une telle activité, celle-ci étant exercée pour compte propre (et non pour compte de tiers).

Dans le cadre de l’activité indépendante, la Cour constitutionnelle a affirmé dans son arrêt du 3 novembre 2004 (arrêt n° 176/2004) le caractère réfragable de la présomption d’exercice de celle-ci, ce qui permet d’établir l’absence de lucre de même que l’absence d’exercice habituel de l’activité. Il en découle que la jurisprudence admet qu’un mandat à titre gratuit au sein d’une société dormante ne constitue pas l’exercice d’une activité indépendante (la cour rappelant sur cette question C. trav. Liège, sect. Namur, 16 oct. 2007, RG n° 8375/07).

Ce n’est pas l’absence d’assujettissement au statut social qui est déterminant pour établir l’absence d’activité exercée pour compte propre. L’arrêté royal donne au contraire une définition spécifique à la matière, l’activité à prendre en compte étant celle qui peut être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services et qui n’est pas limitée à la gestion normale des biens propres.

La cour reprend ici ce qu’elle appelle les « évolutions constatées en matière de statut social », étant que la désignation de mandataire dans une société commerciale et – selon l’arrêt – à fortiori dans une asbl ne constitue pas nécessairement une telle activité et qu’il n’y a pas lieu de maintenir dans la réglementation du chômage une impossibilité de preuve contraire. Elle rappelle le commentaire de J-Fr. FUNCK sous l’arrêt de la Cour constitutionnelle précitée (Chron. D.S., 2005, p. 71), selon lequel le caractère irréfragable de la présomption entraînait, en effet, en matière de statut social des effets disproportionnés.

La cour est d’avis, en conséquence, que nonobstant la désignation comme mandataire le chômeur peut apporter la preuve de l’absence d’exercice d’une activité au sens de l’article 45.

Appliquant ces principes au cas d’espèce, elle constate que la question posée est en fin de compte de savoir si le fait d’avoir été président et ensuite administrateur-délégué de l’asbl en cause constitue l’exercice d’une telle activité.

Les éléments de fait sont alors passés en revue : animation artistique, comptabilité fidèlement tenue, caractère très modeste des recettes et absence d’aucune rémunération, …

La conclusion de la cour est que les activités ont été très limitées, le mandat est exercé en dehors de tout but de lucre, étant limité à une asbl œuvrant dans le secteur culturel. Les activités ne sont pas susceptibles d’être intégrées dans le courant des échanges économiques de biens et de services, ne permettant par ailleurs pas de dépasser la gestion normale des biens propres ni d’accroitre la valeur des biens de l’intéressé.

Elles ne sont dès lors pas incompatibles avec la perception des allocations de chômage.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, dans le cadre de l’exercice d’une activité indépendante, le travailleur peut renverser la présomption d’exercice. La cour applique cette démarche aux conditions de la réglementation chômage, autorisant la preuve contraire de l’exercice d’une activité pour compte propre, dès lors que l’activité n’est susceptible ni d’être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services, ni de dépasser la gestion des biens propres. La cour y ajoute encore un critère : celui d’accroître la valeur des biens du chômeur.


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