Terralaboris asbl

Bénéfice de la pension de survie : exigence d’une demande de la part du bénéficiaire

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 30 juin 2011, R.G. 2010/AB/401

Mis en ligne le jeudi 8 septembre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 30 juin 2011, R.G. 2010/AB/401

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 30 juin 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les obligations de l’ONP (et leurs limites) dans l’hypothèse où un droit à une pension de survie n’est pas exercé par son bénéficiaire.

Les faits

Une dame B. est veuve depuis 1994 et suite au décès de son mari, elle introduit une demande de pension de survie dans le régime des travailleurs indépendants, ne reprenant dans la carrière de celui-ci qu’une activité indépendante. Elle va dès lors bénéficier d’une pension de survie dans ce régime uniquement, alors qu’un droit lui serait également ouvert dans le régime des travailleurs salariés. Aucune demande de pension dans celui-ci n’est cependant introduite à l’ONP.

En 2009, cet organisme procède à un examen d’office des droits de l’intéressée et lui accorde une pension de survie dans ce régime à partir du 1er janvier 2010, date coà¯ncidant avec la prise de cours de sa propre pension de retraite dans le régime des salariés.

L’intéressée estime, ultérieurement, pouvoir demander les prestations dans ce régime depuis 1994, soit à partir du premier jour du mois suivant le décès de son époux.

Décision du tribunal du travail

Dans un jugement du 23 mars 2010, le tribunal du travail de Bruxelles reconnaît le droit à partir du 1er février 2006. Il s’agit de l’application, pour le premier juge, des dispositions relatives au pacte entre générations (arrêté royal du 12 juin 2006 portant exécution du titre III, § II de la loi du 23 décembre 2005 relative au pacte entre générations).

L’ONP interjette appel.

Position des parties en appel

L’ONP fait valoir que l’intéressée n’a introduit aucune demande en matière de pension de survie de travailleur salarié et que dans le document à destination de l’INASTI. La disposition applicable à l’époque (art. 32 de l’A.R. n° 50) prévoyait que, s’il était fait état dans la demande de périodes d’occupation dans le régime des travailleurs indépendants ou inversement, la demande introduite dans un régime valait également dans l’autre, ce qui n’a pas pu être le cas puisqu’aucune référence n’était ici faite à une autre carrière que celle de travailleur indépendant.

L’ONP fait également valoir que les obligations de la Charte de l’assuré social en matière d’information ne peuvent « s’étendre à l’infini », l’information devant être donnée à l’assuré social qui en fait la demande écrite et devant d’ailleurs se limiter à ce qui est utile à ce dernier en fonction de sa demande ou de l’évolution de son dossier tel qu’instruit par l’institution. Par ailleurs, le Service Info – Pensions n’était pas encore en application, n’étant instauré que par l’arrêté royal du 25 avril 1997 et l’ONP relève d’ailleurs que, dans le cadre des informations offertes par celui-ci, il est requis que le futur pensionné fasse une demande.

Enfin, il considère que la référence à l’arrêté royal du 12 juin 2006 est également sans pertinence, puisqu’il porte sur l’estimation des droits de pension personnelle constitués ou encore à constituer. Il s’agit des droits constitués par le futur pensionné lui-même, s’agissant d’une préfiguration de ses droits en matière de pension pouvant être estimés jusqu’à l’âge normal de celle-ci. En outre, se pose également dans le cadre des dispositions prises par cet arrêté royal une question d’âge, puisque l’estimation est opérée au cours de l’année où le futur pensionné atteindra 55 ans, ce qui n’était pas le cas de l’intéressée.

L’ONP insiste enfin sur le fait qu’il n’y pas lieu de confondre une estimation sur demande ou d’office avec un examen de la pension au sens de l’arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pensions de retraite et de survie des travailleurs salariés. Les obligations légales en matière d’examen d’office ont été respectées, au moment où le droit à la pension de retraite était ouvert. Pour l’ONP, si la situation de l’intéressée est plus que regrettable, il n’a cependant commis aucune faute.

Quant à l’intéressée, elle se fonde essentiellement sur l’arrêté royal du 12 juin 2006, faisant également valoir une erreur invincible, eu égard à son faible niveau d’éducation ne lui permettant pas de remplir correctement un formulaire complexe. Elle signale également qu’elle ignorait que son mari avait exercé une activité salariée.

Elle fait également valoir un manquement au devoir d’information et de conseil tel que prévu par la Charte, ainsi qu’un manquement au devoir de bonne administration.

Décision de la cour du travail

La cour du travail rappelle, sur le plan des principes, l’exigence d’une demande au cas où l’assuré social entend bénéficier d’une pension de survie. L’article 16, § 1er de l’arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés prévoit en effet que la demande de pension doit être introduite dans les douze mois qui suivent le décès du conjoint. Dans ce cas, la pension va prendre cours le premier jour du mois au cours duquel ce décès est intervenu. Dans les autres cas, la pension prend cours au plus tôt le premier jour du mois suivant la demande.

La cour insiste sur les dispositions de l’arrêté royal qui font toutes référence à la demande et à son instruction. Elle constate que la demande à prendre en compte en l’espèce est celle faite en 2009.

Sur l’arrêté royal du 12 juin 2006, la cour suit la position de l’ONP, considérant, d’abord qu’il ne faut pas confondre « estimation d’office » (soit une évaluation des droits du futur pensionné à une pension personnelle, sur la base des données dont dispose l’institution de sécurité sociale) et « examen d’office » (c’est-à-dire fixation du droit à la pension sur la base des éléments connus par l’administration et dans les cas prévus par la loi – hypothèse étrangère au présent litige). La cour rappelle encore que le texte n’était pas applicable à l’époque et relève avec l’ONP que celui-ci a progressivement effectué des estimations pour les futurs pensionnés âgés de plus de 50 ans et de moins de 60 ans, pratique administrative développée en faveur des assurés sociaux mais qui ne visait pas non plus l’intéressée.

En ce qui concerne la Charte de l’assuré social, la cour considère également avec l’ONP qu’une demande devait être formulée pour qu’une obligation d’information existe dans le chef de l’ONP. Il en va de même pour les renseignements donnés par le « Service Info-Pensions »

Enfin, la cour réserve des développements importants du principe de bonne administration, rappelant essentiellement qu’il cède devant celui de légalité. La cour renvoie aux arrêts rendus par la Cour de cassation les 3 novembre et 6 novembre 2000 (Cass., 3 nov. 2000, Pas, 2000, I, p. 596 et Cass., 6 nov. 2000, Pas, 2000, I, p. 598) et à ses arrêts subséquents, confirmant sa jurisprudence.

Elle conclut, appliquant ces principes à la présente espèce que le respect du principe de légalité impliquait l’obligation pour l’intéressée d’introduire une demande de pension conformément aux dispositions réglementaires, ce qu’elle n’avait fait qu’en 2009.

Pour la cour, l’ONP a donc fait une correcte application des textes légaux et réglementaires applicables.

Elle déplore encore la situation regrettable de l’intéressée pendant la période de 1994 à 2009 mais retient que celle-ci n’est pas imputable à l’ONP, qui n’a commis aucune faute ni aucun manquement au regard du devoir d’information et de conseil.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle fort utilement les règles en matière d’octroi d’une pension de survie : une demande doit être introduite et, si ceci est dans le cas dans l’année du décès, l’ouverture du droit rétroagi au premier jour du mois où celui-ci est intervenu.

Par ailleurs, la cour rappelle la jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle le principe de bonne administration cède devant celui de légalité. Il y a dès lors lieu de suivre les procédures légales requises pour bénéficier d’une prestation de sécurité sociale et l’institution n’a de devoir d’information que si l’assuré social a fait une demande.


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