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Un policier, victime d’un malaise cardiaque lors d’un exercice d’entraînement, peut être victime d’un accident du travail

Commentaire de Cass., 28 mars 2011, R.G. S.10.0067.F

Mis en ligne le mardi 5 juillet 2011


Cour de cassation, 28 mars 2011, R.G. n° S.10.0067.F

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 28 mars 2011, la Cour de cassation rappelle que dans le cadre d’un exercice d’entraînement, un policier qui s’est fait intercepter, menotter et mettre à genoux peut être victime d’un accident du travail, même s’il s’agit de l’exécution normale de la tâche journalière.

Les faits

Un policier au service de la Zone de police de Mons participait à un stage pratique organisé par l’Académie de police de Jurbise, en qualité de moniteur. Dans le cadre d’un exercice, il joua le rôle du « suspect » et fut ainsi simulée une interpellation dans laquelle il fut menotté.

Il subit un malaise cardiaque et décéda suite à un infarctus du myocarde.

Une procédure fut introduite, aux fins de faire admettre l’accident du travail.

La position des ayants droit

Les ayants droit ont plaidé dans la procédure au fond que devait être retenu comme événement soudain le fait pour la victime d’avoir été, sans ménagement particulier, interpellée, menottée et mise au sol. Ils précisaient que cet exercice ne pouvait certes pas être qualifié de violent mais était une réplique des interventions pratiquées dans la réalité.

La Zone de police plaidait, pour sa part, l’absence d’événement soudain susceptible d’avoir été à l’origine de l’infarctus.

La position de la Cour du travail de Mons

Dans un arrêt du 15 mars 2010, la cour du travail avait considéré que, s’agissant d’efforts ou de stress à caractère habituel, l’intéressé était un habitué de ce genre d’exercices, d’autant qu’il bénéficiait d’un brevet d’instructeur depuis 1988, qu’il avait participé à diverses formations et aspirait à être nommé dans le cadre de telles fonctions.

Pour la cour du travail, le stress de la réalité de terrain n’était pas présent et l’événement visé n’était pas susceptible d’avoir engendré la lésion, la cour précisant ne voir aucun élément particulier à cet égard.

Le pourvoi

Dans leur pourvoi, les ayants droit rappellent que la notion d’accident tel que contenue dans l’article 2, alinéa 1er de la loi du 3 juillet 1967 implique que, outre l’existence d’une lésion, la victime ou les ayants droit établissent l’événement soudain qui survient par le fait du contrat et est suceptible de causer la lésion. Il s’agit en l’espèce de voir si l’exercice habituel et normal de la tâche journalière peut constituer un tel événement soudain et le pourvoi rappelle que tel est le cas à la condition que dans cet exercice puisse être décelé un élément qui a pu produire la lésion mais qu’il n’est pas exigé que cet élément se distingue de l’exécution du contrat de travail. Pour les ayants droit, peut constituer l’existence d’un tel événement soudain le fait de s’être fait intercepter fermement et menotter par les élèves de l’Académie de police lors de l’exercice d’entraînement.

En conséquence, le pourvoi reproche à l’arrêt d’avoir rejeté que les conditions de l’accident du travail n’étaient pas réunies au motif que l’intéressé n’aurait pas été soumis à un stress particulier engendré par l’exécution du travail ni qu’il n’aurait fourni aucun effort particulier de nature professionnelle pouvant constituer le facteur déterminant ou un facteur co-déterminant du malaise cardiaque.

Il est ainsi fait grief à l’arrêt d’exiger l’existence d’un élément particulier distinct de l’exécution du contrat de travail elle-même, en l’occurrence l’existence d’un stress ou d’un effort particulier. Le pourvoi reproche en outre à la cour du travail d’avoir refusé de considérer que l’événement soudain tel qu’il était pointé par les ayants droit pouvait à lui seul constituer l’élément ayant pu produire la lésion, et ce au motif qu’il ne se distinguait pas de l’exercice habituel et normal de la tâche journalière.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation va casser l’arrêt de la Cour du travail de Mons en rappelant que l’exercice habituel et normal de la tâche journalière peut être l’événement soudain. La victime ou l’ayant droit doit cependant préciser, c’est-à-dire déceler, un élément qui a pu produire la lésion. Cet élément ne doit pas se distinguer de l’exécution du contrat.

En l’espèce, la victime a ressenti un malaise cardiaque après s’être fait intercepter fermement, menotter et mettre à genoux par les élèves de l’Académie de police lors de l’exercice d’entraînement et la cour du travail ne peut dès lors refuser que ce geste constituerait un événement soudain au motif qu’il n’y aurait pas eu de stress particulier engendré par l’exécution du travail et qu’aucun effort particulier de nature professionnelle n’aurait été fourni, pouvant constituer le facteur déterminant ou co-déterminant de la lésion.

Pour la Cour de cassation, l’action en elle-même (c’est-à-dire le fait d’être intercepté fermement, d’être menotté et d’être mis à genoux par les élèves) pouvait à elle seule constituer l’élément qui a pu produire la lésion.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour de cassation énonce, comme elle le fait dans sa jurisprudence constante, que si la victime (ou l’ayant droit) épingle un fait dans l’exercice habituel et normal de la tâche journalière et que ce fait est en soi susceptible d’entraîner la lésion, il n’y a pas d’autre examen à faire au niveau de la reconnaissance de l’événement soudain.

La définition de l’événement soudain porte essentiellement sur l’identification d’un fait, d’une circonstance, d’un élément … survenus dans le cours de l’exécution du contrat. Ce n’est que s’il n’est pas prima facie susceptible d’entraîner la lésion constatée que les conditions de l’accident du travail ne seront pas réunies. La Cour de cassation fait donc grief à la cour du travail d’avoir ajouté des exigences supplémentaires, étant que non seulement un fait déterminé, c’est-à-dire appartenant à l’exécution normale et habituelle de la tâche journalière, soit prouvé mais encore qu’existent des circonstances particulières venant s’ajouter au stress normal de la fonction et aux efforts normaux devant être fournis. Le fait habituel, faisant partie de l’exécution du travail, peut constituer l’événement soudain. La considération selon laquelle l’intéressé devait être formé pour ce genre de situation, qu’il y était habitué et que, de ce fait, il devait pouvoir y faire face, ne peut permettre de refuser l’événement soudain.


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