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Tout mandat d’administrateur est-il incompatible avec des allocations de chômage ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 octobre 2010, R.G. 2008/AB/50.813

Mis en ligne le jeudi 26 mai 2011


Cour du travail de Bruxelles, 28 octobre 2010, R.G. 2008/AB/50.813

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 28 octobre 2010, la Cour du travail de Bruxelles a admis que peut être compatible avec des allocations de chômage un mandat d’administrateur non rémunéré, mandat purement symbolique et n’entraînant pour l’intéressé aucun avantage.

Les faits

Monsieur DG devient en 1992 administrateur de la société dans laquelle il travaille comme employé (chef d’atelier) et où il a d’ailleurs fait le début de sa carrière comme apprenti.

Ce mandat n’est pas rémunéré et l’intéressé n’a aucune part sociale.

A la suite d’un incendie de l’entreprise, qui a entraîné une mise au chômage du personnel pour force majeure, Monsieur DG est, comme les autres travailleurs, indemnisé par l’ONEm. Un an et demi plus tard, il se voit notifier une décision d’exclusion avec effet rétroactif, au motif qu’il n’avait pas été sans travail vu son mandat d’administrateur.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail, qui confirme la décision administrative.

La position des parties devant la cour

Monsieur DG considère qu’une décision d’exclusion ne pouvait intervenir au seul motif de sa qualité d’administrateur, le mandat exercé étant gratuit et n’ayant été accordé qu’à titre tout à fait symbolique, en récompense à sa fidélité à l’entreprise et de la qualité de son travail. Il précise ne jamais avoir été actionnaire de la société et ne jamais avoir pu retirer - même indirectement - un avantage quelconque de l’exercice de ce mandat.

Il renvoie à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 3 novembre 2004 (arrêt n° 176/2004) rendu en matière de statut social des travailleurs indépendants, qui avait considéré contraire à la Constitution la présomption irréfragable d’exercice d’une activité d’indépendant dans le chef des mandataires de société.

L’ONEm considère, pour sa part, que la qualité d’administrateur est incompatible avec la situation de chômage indemnisé.

La position de la cour du travail

La cour reprend les articles 44 et 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, ainsi que l’arrêt de la Cour constitutionnelle dont référence ci-dessus qui autorisent (dans le cadre du statut social des travailleurs indépendants) un administrateur à établir qu’il n’exerce en réalité pas d’activité. Cet arrêt a mis un terme à la jurisprudence antérieure sur la question (dont Cass., 30 sept. 2002, J.T.T., 2003, p. 845). Pour la cour du travail, pour qu’il puisse être question d’un travail au sens de la réglementation chômage, il faut d’une part une activité effective et d’autre part une activité pouvant être intégrée dans le courant des échanges économiques des biens et services. Si l’administrateur de société participe effectivement à la gestion de celle-ci et s’il a un intérêt financier dans cette société, vu que d’une façon ou d’une autre il peut profiter du résultat de son activité, il y a activité au sens des articles 44 et 45 de l’arrêté royal, et ce même en l’absence de rémunération du mandat. Cette activité est exercée à titre indirect afin d’obtenir un avantage financier.

Cette règle, fixée par la Cour de cassation (Cass., 3 janv. 2005, J.T.T., 2005, p. 233) ne peut être absolue et s’il est établi que l’administrateur n’exerce pas effectivement l’activité de gestion et que par ailleurs il ne peut d’aucune façon tirer un bénéfice de cette activité vu qu’il n’a aucun intérêt dans la société, il n’y a pas travail au sens de la réglementation.

En l’espèce, la cour va constater, à partir des éléments de fait que ces conditions sont remplies et, particulièrement, en ce qui concerne la période litigieuse. Celle-ci coà¯ncide en effet avec une absence de toute activité de la société vu le grave incendie qui s’y est déclaré – situation qui a été reconnue par l’ONEm, qui a admis le chômage pour force majeure.

La cour réforme, dès lors, le jugement du tribunal du travail et annule la décision administrative.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles contient un rappel succinct des principes relatifs au droit à des allocations de chômage pour un administrateur de société en l’absence de toute rémunération tirée du mandat.

Y est notamment reprise l’évolution de la matière suite à l’important arrêt de la Cour constitutionnelle du 3 novembre 2004, rendu en matière de travailleurs indépendants. L’orientation que cette décision a donnée à la jurisprudence pour les administrateurs de société a été déterminante puisqu’il est actuellement permis d’établir que les conditions des articles 44 et 45 de l’arrêté royal sont réunies malgré l’exercice du mandat d’administrateur.

En l’espèce, partant de la règle générale qui interdit l’octroi d’allocations si l’administrateur de société participe à la gestion de la société et a un intérêt financier dans celle-ci (étant qu’il peut d’une manière ou d’une autre tirer un bénéfice de on activité), la cour constate que dans le cas qui lui est soumis aucune de ces deux conditions n’est remplie : ni directement, ni indirectement l’administrateur ne participe à l’activité de la société et il n’en tire aucun bénéfice. A cet égard, l’arrêt est important puisqu’il dégage les critères à examiner afin d’échapper à la règle générale.


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