Terralaboris asbl

Chômage : notion de travailleur ayant charge de famille

Commentaire de C. trav. Mons, 25 novembre 2010, R.G. 21.643

Mis en ligne le vendredi 22 avril 2011


Cour du travail de Mons, 25 novembre 2010, R.G. n° 21.643

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 25 novembre 2010, la Cour du travail de Mons a rappelé que, dans l’hypothèse du paiement d’une pension alimentaire, l’état de besoin du créancier d’aliments n’est pas une condition fixée par la réglementation pour que le débiteur bénéficie de la qualité de chef de ménage.

Les faits

Une mère de famille introduit une demande d’allocations de chômage et déclare vivre seule et payer une pension alimentaire. Celle-ci est due en exécution d’une décision judiciaire, qui est jointe au formulaire C1. Cette situation sera confirmée par divers formulaires C1 rentrés ultérieurement. Conformément à la situation décrite, l’intéressée bénéficie des allocations de chômage majorées.

Après une brève modification de sa situation personnelle (courte cohabitation), elle se retrouve dans la situation initiale et remplit un nouveau formulaire C1 déclarant vivre seule et payer une pension alimentaire en vertu d’une décision judiciaire.

Une enquête est alors ouverte par l’ONEm, qui constate que la fille a perçu elle-même des allocations de chômage au taux cohabitant dans un premier temps et au taux travailleur ayant charge de famille, ensuite.

Lors de son audition, la mère déclare ne plus avoir de contacts avec sa fille depuis de nombreuses années. Elle dit ignorer que, celle-ci étant au chômage, elle ne devait plus elle-même payer la pension alimentaire et ne remplissait plus, dès lors, les conditions pour avoir la qualité de travailleur ayant charge de famille.

La décision litigieuse

Par décision du 16 mars 2007, l’intéressée est exclue du droit aux allocations au taux majoré et elle se voit, en fonction de la courte période de cohabitation, allouer les allocations des autres catégories (travailleur isolé pour une période et cohabitant pour une autre). L’ONEm décide de récupérer les allocations et de prononcer une décision d’exclusion de deux semaines.

La décision du tribunal du travail

Suite au recours de l’intéressée, le tribunal du travail de Charleroi réforme la décision administrative et considère que le taux doit être maintenu au taux charge de famille pour toute la période (hors courte cohabitation) pour autant que les autres conditions d’indemnisation soient réunies.

La position des parties devant la cour

L’appel de l’ONEm est limité à l’exclusion et à la récupération de la différence entre le taux admis (isolé ou cohabitant selon les périodes) et le taux de travailleur ayant charge de famille. Cette réclamation porte sur toute la période, puisque la preuve du paiement des pensions alimentaires a été fournie pour celle-ci.

L’ONEm se fonde sur l’article 110, § 1er, 3°, a) de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 : pour lui, celui-ci est applicable dans l’hypothèse où le chômeur qui paie une pension alimentaire exécute une obligation d’entretien légal (article 203 du Code civil). Dès lors que l’état de besoin de l’enfant cesserait, et tant que lui-même aurait des revenus lui permettant d’assurer son propre entretien, la disposition en cause ne trouverait plus à s’appliquer. Il critique ainsi la position du premier juge qui a considéré qu’il n’est pas exigé, dans la réglementation, que l’état de besoin de l’enfant subsiste, étant entendu que c’est cet état de besoin qui a justifié l’octroi de la pension alimentaire.

Pour l’ONEm, l’obligation d’entretien existe indépendamment de toute condamnation judiciaire et est liée uniquement à l’état de besoin du créancier d’aliments. Vu la modification intervenue dans la situation de la fille de l’intéressée, qui n’est plus en état de besoin, l’octroi d’allocations au taux majoré ne se justifiait plus.

L’ONEm sollicite, en conséquence, la réformation du jugement.

La demanderesse originaire demande quant à elle, la confirmation de celui-ci, se fondant sur la même disposition, mais interprétée dans le sens que lui a donné le tribunal du travail.

La position de la Cour

La cour rappelle, d’abord, la distinction opérée à l’article 110, § 4 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, étant que, pour bénéficier d’allocations de chômage au taux majoré, celui qui revendique la qualité de chef de ménage ou d’isolé doit au moins une fois par an apporter la preuve de la composition de ménage correspondante. Il y a donc une obligation dans le chef du chômeur, étant qu’il a la charge de la preuve de la qualité qu’il revendique (la cour renvoie à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 14 sept. 1998, Pas., I, p. 404 et autre arrêt de la même date, p. 402). La cour rappelle ensuite le mécanisme réglementaire, étant qu’une fois cette preuve apportée par le chômeur, c’est à l’Office, dûment informé, de procéder à tout contrôle qu’il jugerait opportun afin d’établir que la personne concernée ne remplit pas les conditions visées par le même article, § 1 et § 2.

L’intéressée n’a, quant à elle, commis aucune faute, informant régulièrement l’ONEm de sa situation, ayant remis une copie de la décision judiciaire et ayant par ailleurs scrupuleusement exécuté celle-ci.

La cour vérifie, par ailleurs, un autre élément, étant que l’ONEm se fonde sur l’article 110, § 1er, alinéa 1er, 3° après sa modification par l’arrêté royal du 24 janvier 2002, vu qu’il vise, dans sa sanction, la période commençant le 1er mars 2002, date d’entrée de l’arrêté royal. Il entend établir que la demanderesse ne remplit pas la condition d’habiter seule et de payer de manière effective une pension alimentaire sur la base d’une décision judiciaire. Pour lui, indépendamment du paiement effectif des pensions alimentaires, qu’il ne conteste pas et qui sont issues d’une décision du juge de paix, une condition n’est pas remplie étant l’état de besoin de l’enfant - qui n’existerait plus.

La cour du travail ne suit pas cette argumentation, constatant que cette condition ne figure pas dans l’arrêté royal et qu’exiger que le chômeur vérifie l’état de besoin du créancier d’aliments revient à ajouter une condition qui ne figure pas dans le texte.

La cour rappelle le mécanisme institué pour l’octroi de majorations d’allocations pour les personnes ayant charge de famille, étant que le juge exerce son contrôle quant à l’obligation au paiement de celle-ci, vu essentiellement qu’elle doit être fixée par décision judiciaire. Il s’agit d’un critère objectif. La cour rappelle que la décision judiciaire fixant la pension alimentaire s’impose tant à l’ONEm qu’à la juridiction du travail, contrairement au paiement d’une pension alimentaire sur base volontaire.

La cour rappelle que, précisément, depuis l’arrêté royal du 24 janvier 2002, l’effectivité du paiement des pensions alimentaires est également contrôlée. Par ailleurs, l’exigence d’effectivité ci-dessus concrétise également, ainsi que le rappelle le rapport au Roi (Rapport au Roi, M.B., 5 février 2002), l’objectif de permettre au chômeur, débiteur d’une pension alimentaire, de s’acquitter de celle-ci en lui assurant un complément d’allocations à cette fin.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail rappelle les conditions strictes de contrôle du respect de la qualité de chômeur ayant charge de famille, en vue de l’octroi d’une majoration d’allocations. Les conditions fixées en cas de paiement d’une pension alimentaire sont au nombre de deux : pension due en vertu d’une décision judiciaire et effectivité des paiements. Il n’y a pas d’autres critères à remplir.


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