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Maladie professionnelle : allocation d’aggravation et rente de veuve – petit rappel des conditions

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 20 septembre 2010, R.G. 2008/AB/51.400

Mis en ligne le lundi 7 mars 2011


Cour du travail de Bruxelles, 20 septembre 2010, R.G. 2008/AB/51.400

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 20 septembre 2010, la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 15 janvier 2009, qui a décrété l’inconstitutionnalité de l’article 35bis, dernier alinéa des lois coordonnées le 3 juin 1970, en ce qu’il limite la rétroactivité de l’octroi d’une allocation d’aggravation aux soixante jours précédant la demande.

Les faits

Le Fonds des maladies professionnelles est saisi d’une demande introduite par Madame M., veuve d’un ouvrier atteint d’une maladie professionnelle (silicose), demande tendant à obtenir le paiement d’une allocation d’aggravation.

La position du tribunal

Suite au dépôt du rapport de l’expert désigné par le tribunal, l’aggravation est admise, un taux de 42% étant retenu, porté ultérieurement à 100%, et ce jusqu’à la date du décès.

Le Fonds des maladies professionnelles interjette appel du jugement.

La position des parties en appel

Le Fonds des maladies professionnelles demande à la Cour de reconnaître que sa propre estimation est satisfactoire, étant qu’il y a lieu de limiter le taux de 42% retenu par l’expert à 40% d’invalidité physique (sans retenir, dès lors, de complément socio-économique) et de faire rétroagir l’augmentation du taux à 60 jours avant l’introduction de la demande en revision.

Quant à la veuve, elle demande la confirmation du jugement et sollicite également que le Fonds des maladies professionnelles soit condamné à lui payer la rente prévue par l’article 33 des lois coordonnées.

La décision de la Cour du travail

La Cour du travail est saisie de deux questions, étant d’une part la date de prise de cours et le nouveau taux et d’autre part l’attribution de la rente de veuve.

Sur le premier point, la Cour du travail rappelle que, si l’article 35bis, alinéa 5 des lois coordonnées (tel qu’en vigueur avant sa modification par la loi du 13 juillet 2006) prévoit qu’une allocation accordée dans le cadre d’une aggravation ne peut prendre cours au plus tôt que soixante jours avant le délai de la demande en revision, cette disposition a été considérée comme violant les articles 10 et 11 de la Constitution, dans un arrêt de la Cour constitutionnelle du 15 janvier 2009 (arrêt n° 3/2009). Pour la Cour constitutionnelle, en effet, cette limitation, spécifique au secteur privé, ne peut être admise.

La Cour conclut dès lors que le taux admis par l’expert doit être alloué depuis la date de la constatation de l’aggravation et non depuis les soixante jours précédant l’introduction de la demande.

En ce qui concerne les facteurs socio-économiques, c’est l’alinéa 1er de l’article 35bis qui détermine les règles à suivre, lorsqu’il s’agit d’une victime âgée de plus de 65 ans. La diminution de la capacité de gain normale produite par la limitation effective des possibilités de travail sur le marché de l’emploi n’est, selon cette disposition, pas prise en considération dans l’évaluation du taux. En conséquence, sur cette question, la Cour suit l’argumentation du Fonds des maladies professionnelles. Elle relève que, si l’alinéa 2 du même article prévoit une exception pour les victimes ayant atteint l’âge de 65 ans avant le 1er janvier 1994, la Cour de cassation a jugé (Cass., 24 novembre 2003, S.02.0066.F) que cette disposition ne vise pas à consacrer le pourcentage qui leur était attribué avant cette date au titre des facteurs socio-économiques lorsque le pourcentage global ne diminue pas.

C’est donc le taux de 40% qui sera retenu.

Sur le deuxième point, étant la rente de veuve, la Cour rappelle que le conjoint survivant peut bénéficier de celle-ci si la maladie a entraîné la mort de la victime.

La Cour rencontre, tout d’abord, une objection du Fonds des maladies professionnelles, étant que la demande de rente viagère ne serait pas recevable au motif qu’elle n’aurait pas été introduite en justice dans l’année suivant la décision administrative, décision qui avait précisé que le décès n’avait été ni influencé ni provoqué par la maladie professionnelle. Pour la Cour, cet argument du Fonds des maladies professionnelles ne peut être suivi, au motif que la veuve avait introduit cette demande par voie de conclusions déposées au greffe dans l’année. Il s’agit d’une demande introduite en bonne et due forme et qui est, donc, recevable.

En ce qui concerne enfin le lien de causalité entre la maladie et le décès, la Cour rappelle que les ayants droit ont la charge de la preuve du lien de causalité mais que selon la doctrine (P. DELOOZ et D. KREIT, Les maladies professionnelles, Larcier, 2008, p. 57) cette preuve peut résulter de simples présomptions de l’homme. Il n’est pas nécessaire, par ailleurs, que la maladie soit la seule cause du décès, la mono causalité n’étant pas exigée. S’appuyant sur les éléments du dossier, à savoir le rapport de l’expert judiciaire, ainsi que d’autres éléments médicaux, la Cour conclut à l’existence dudit lien.

Elle admet dès lors le bien-fondé de la demande de rente viagère.

Intérêt de la décision

Cette décision de la Cour du travail de Bruxelles est l’occasion de rappeler l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 15 janvier 2009, qui a rejeté la limitation à soixante jours de la rétroactivité de l’indemnisation dans l’hypothèse d’une demande en revision.

L’arrêt rappelle également que la preuve du lien de causalité entre le décès et la maladie professionnelle, susceptible de permettre l’octroi de la rente de veuve, appartient à l’ayant droit mais que cette preuve peut résulter de simples présomptions de l’homme et que, comme en accident du travail, la mono causalité n’est pas exigée par la loi.

Rappelons enfin que la rente est calculée comme en matière d’accident du travail.


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