Terralaboris asbl

Séquelles d’un accident du travail et demande d’indemnisation d’une incapacité de travail par la mutuelle : conditions

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 septembre 2010, R.G. 2008/AB/50.996

Mis en ligne le lundi 7 mars 2011


Cour du travail de Bruxelles, 2 septembre 2010, R.G. 2008/AB/50.996

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 2 septembre 2010, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que la mutuelle ne peut prendre en charge que les lésions distinctes de celles indemnisées en accident du travail.

Les faits

Une dame D. est victime d’un accident sur le chemin du travail en 2000, accident entraînant une commotion cérébrale.

Elle reprend le travail l’année suivante et accepte le règlement des séquelles de l’accident sur la base d’une incapacité permanente partielle de 5% avec une date de consolidation au 31 janvier 2001.

Elle adresse ensuite à son organisme assureur un certificat médical pour une incapacité de travail à partir du 5 février 2001.

Suite à l’examen du médecin conseil, cette incapacité de travail n’est pas reconnue dans le cadre de la loi coordonnée le 14 juillet 1994.

Un second certificat, attestant d’une incapacité à partir du 5 mars 2001 est encore adressé à l’organisme assureur. Parallèlement, l’intéressée introduit un recours devant le tribunal du travail, joignant un certificat d’un neuropsychiatre.

D’autres périodes d’incapacité de travail reconnues par l’organisme assureur seront constatées ultérieurement, épisodes correspondant pour la plupart d’entre eux à une grossesse.

Le règlement de l’accident du travail en droit commun fait état d’une consolidation au 29 octobre 2003, avec des incapacités temporaires dégressives jusqu’à cette date.

Position du tribunal

Le tribunal du travail est saisi du recours de l’intéressée contre la décision de refus de l’organisme assureur de prendre en charge la période d’incapacité à partir du 5 février 2001, dans le cadre de l’assurance soins de santé et indemnités.

Le tribunal déboute l’intéressée, au motif que les troubles avancés par elles sont essentiellement liés à son accident sur le chemin du travail et que celui-ci n’a entraîné qu’une incapacité permanente de 5% en loi.

Position des parties en appel

L’appelante fait valoir que l’incapacité de travail n’est pas uniquement en lien avec l’accident. Extrayant certains éléments du rapport de droit commun, elle fait notamment valoir qu’elle souffre d’un mal-être, dans lequel l’accident en cause n’a pas joué de rôle « décisif ». Elle dépose divers rapports psychiatriques et expose que, si l’accident de la route est à l’origine de sa dépression, celle-ci s’est aggravée par d’autres éléments de la vie privée.

Position de la Cour du travail

La Cour du travail relève en premier lieu que, pour évaluer l’incapacité de travail au sens de l’article 100 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, l’on ne peut tenir compte des effets en relation avec un accident du travail indemnisé par l’assureur loi (article 136, § 1er).

La Cour situe dans le temps la période litigieuse et relève que l’assureur loi a indemnisé l’intéressée plus longtemps que annoncé au départ, à savoir jusqu’au 28 février 2001, de telle sorte que la demande ne peut valoir, à l’égard de la mutuelle, qu’à partir du 1er mars. L’incapacité de travail au cours du mois de février est admise comme étant en relation causale avec l’accident et il y a continuité entre la période indemnisée par l’assureur loi et celle pour laquelle l’intervention de la mutuelle est demandée.

En ce qui concerne la fin de la période litigieuse, elle se situe en tout cas au plus tard avant le début de la nouvelle incapacité de travail qui sera reconnue par la mutuelle, c’est-à-dire en avril 2002. La Cour relève que sa saisine ne porte pas sur une autre période d’incapacité.

Reste ainsi à examiner si l’organisme assureur doit prendre en charge la période du 1er mars 2001 à avril 2002.

Pour ce, la Cour considère qu’il appartient à l’intéressée d’apporter la preuve que l’incapacité de travail qui subsiste est étrangère à l’accident, dont les effets ont été indemnisés par l’assureur loi. Examinant les éléments du dossier, elle constate que l’ensemble des rapports médicaux n’établissent pas l’existence de lésions ou de troubles distincts de ceux consécutifs à l’accident, non plus qu’une incapacité pour d’autres motifs.

L’ensemble des données figurant dans divers rapports ne permettent pas de conclure en ce sens, les rapports étant soit relatifs à une période postérieure à celle dont la Cour est saisie soit peu explicites sur l’incapacité litigieuse.

Constatant, dès lors, l’absence de tout élément de nature à établir l’existence d’une incapacité de travail étrangère aux séquelles de l’accident et qui s’élèverait, pour un motif étranger à cet accident, à 66% de la capacité de gain compte tenu des séquelles de celui-ci, la Cour considère ne pas devoir recourir à l’avis d’un expert.

En conséquence elle déboute l’intéressée de sa demande d’indemnisation.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail ne manque pas d’interpeller sur plusieurs points.

S’il confirme qu’il y a lieu d’examiner l’octroi d’indemnités dans le secteur des soins de santé et indemnités pour des lésions distinctes de celles indemnisées dans le cadre de la loi du 10 avril 1971, il permet de s’interroger sur une situation fréquente, étant celle où l’indemnisation en loi est comme en l’espèce peu élevée (5%) et où parallèlement – et dans une continuité temporelle – l’assuré social veut faire valoir une incapacité de travail de plus de 66%. Dans le cas d’espèce, la Cour dit ne pas constater que soit présentée l’existence de lésions distinctes de l’accident, qui permettraient la prise en charge d’une incapacité de travail – et encore, à la condition que celle-ci soit supérieure à 66%. Malgré les certificats produits, l’intéressée se voit refuser – sans expertise – le bénéfice d’indemnités de mutuelle. Sans doute aurait-elle eu intérêt à ne pas admettre le règlement rapide des séquelles en loi, si elle présentait des troubles plus handicapants que ceux qui ont été indemnisés.

1 Message

  • Il semble que cet arrêt confonde deux notions différentes :

    1. La reconnaissance de l’état d’incapacité de travail (article 100, §1er, de la loi coordonnée) ;
    2. Le droit à une indemnitsation (article 136, §2, de la loi coordonnée).

    L’incapacité de travail doit être reconnue dans le cadre de l’article 100, §1er, dès qu’elle atteint au moins les 66% et quelle qu’en soit l’origine. Il appartient au médecin conseil de la mutualité de déterminer si l’incapacité de travail ainsi reconnue a un lien avec l’accident de travail. Si oui, la mutualité doit alors appliquer les dispositions de l’article 136, §2, 1er al., et déduire la rente d’accident de travail. Dans le cas d’espèce, la rente étant minime (5%), l’assurée sociale pouvait encore bénéficier d’une partie des indemnités pour incapacité de travail.

    L’article 136, §1er, al. 1er, est clair à ce sujet :
    « Les prestations prévues par la présente loi coordonnée sont refusées lorsque le dommage découlant d’une maladie, de lésions, de troubles fonctionnels ou du décès est effectivement réparé en vertu d’une autre législation belge, d’une législation étrangère ou du droit commun. Toutefois, lorsque les sommes accordées en vertu de cette législation ou du droit commun sont inférieures aux prestations de l’assurance, le bénéficiaire a droit à la différence à charge de l’assurance. »


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be