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Accident du travail : frais susceptibles de remboursement

Commentaire de C. trav. Mons, 11 mai 2010, R.G. 2003/AM/18.819

Mis en ligne le mercredi 2 mars 2011


Cour du travail de Mons, 11 mai 2010, R.G. 2003/AM/18.819

TERRA LABORIS

Dans un arrêt du 11 mai 2010, la Cour du travail de Mons rappelle quels sont les frais exposés par la victime d’un accident du travail pouvant être pris en charge par l’entreprise d’assurances. Etant énumérés par un texte, ils ne peuvent faire l’objet d’une extension.

Les faits

Monsieur B. est victime en 1985 d’un accident du travail (chute). Devant être opéré au genou, il subit une intervention chirurgicale, qui entraîne un accident respiratoire et des complications pulmonaires.

Les séquelles de l’accident sont fixées par jugement du tribunal du travail de Mons du 21 octobre 1992 (IPP 65% depuis le 4 juillet 1987). Un second jugement fixe la rémunération de base et sursoit à statuer sur certains frais et débours. Un troisième jugement détermine les frais à rembourser par l’entreprise d’assurances, celle-ci étant également condamnée à prendre en charge tous les décaissements pour soins relatifs aux difficultés respiratoires en relation avec l’accident du travail.

La victime de l’accident introduit une seconde procédure, relative à ces frais, procédure dirigée contre le Fonds des accidents du travail et l’entreprise d’assurances. Il s’agit d’une demande de prise en charge de tous les frais relatifs aux difficultés respiratoires en relation avec l’accident, pour la période postérieure à l’expiration du délai de revision.

Elle précise sa demande en cours d’instance, la demande initiale couvrant des frais pharmaceutiques, médicaux, d’hospitalisation et de kinésithérapie et, après l’extension, des frais consécutifs à des séances de natation et des consultations de diététique, ainsi que divers frais de déplacement.

Position du tribunal du travail de Mons

Par jugement du 11 juin 2003, le tribunal du travail considère que l’action est non fondée en tant que dirigée contre le Fonds des accidents du travail et non recevable vis-à-vis de l’entreprise d’assurances, vu l’exception de chose jugée.

La position des parties en appel

L’intéressé interjette appel du jugement. Il considère que son appel, dirigé contre le Fonds des accidents du travail est recevable et fondé, tout en admettant que celui dirigé contre l’entreprise d’assurances est recevable mais devenu sans objet, divers paiements étant intervenus en 2005. Restent pour lui dus divers paiements relatifs aux années 1999 et 2000, selon décompte qu’il a effectué.

L’entreprise d’assurances conclut à l’irrecevabilité de l’appel, au motif que, pas plus que le premier juge, la Cour ne peut prononcer de décision sur ce qui a déjà été jugé.

La position de la Cour

La Cour du travail rappelle qu’en vertu de l’article 28bis de la loi du 10 avril 1971, pour les accidents survenus avant le 1er janvier 1988, les frais relatifs aux soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers sont à charge de l’entreprise d’assurances jusqu’à l’expiration du délai de revision (fixé à l’article 72) et, ensuite, à charge du Fonds des accidents du travail. Le délai de revision a été fixé au 17 novembre 1999 et l’entreprise d’assurances ne s’est acquittée de l’ensemble des débours qu’elle devait prendre en charge pour la période la concernant qu’en 2005. La Cour conclut que l’intéressé justifiait d’un intérêt à mettre celle-ci à la cause dans sa seconde citation et que sa demande devait dès lors être déclarée recevable contre cette partie. Le jugement est en conséquence réformé sur ce point.

En ce qui concerne le Fonds des accidents du travail, la Cour rappelle qu’il est tenu d’intervenir à partir de l’expiration du délai de revision et que l’intéressé avait étendu sa demande pour une partie de la période postérieure à celui-ci, ce qui n’a pas été pris en compte par le tribunal.

La Cour va répondre plus particulièrement sur certains types de frais, étant les frais de piscine, de diététicienne ainsi que les frais de déplacement pour se rendre à la pharmacie.

La Cour rappelle que, jusqu’au 1er janvier 2001, le tarif des soins médicaux applicable en matière d’accident du travail était fixé par l’arrêté royal du 30 décembre 1971, qui prévoyait que, lorsque la victime a le libre choix du médecin, le tarif de remboursement des soins médicaux correspond au tarif des honoraires et prix résultant de la nomenclature des prestations de santé (AMI).

Si les soins ne sont pas repris dans cette nomenclature, il faut, pour la Cour du travail, non pas les écarter comme le demande le Fonds des accidents du travail mais se référer au prix habituellement pratiqué, entendu de manière raisonnable et la Cour relève que c’est d’ailleurs ce qui est prévu depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté royal du 17 octobre 2000, qui reprend la référence au coût réel dans la mesure où ce coût est raisonnable par rapport au tarif pratiqué pour des prestations analogues reprises dans la nomenclature (art. 1er, alinéa 3). La Cour rappelle qu’il s’agit d’une solution équitable, qui concilie le caractère forfaitaire des indemnités accordées à la victime et son droit à voir son intégrité physique reconstituée. Elle définit ensuite ce qu’il y a lieu d’entendre par frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers nécessités par l’accident, et ce en rappelant la jurisprudence de la Cour de cassation rendue en matière de soins chirurgicaux (Cass., 27 avril 1998, J.T.T., 1998, 330 et Cass., 5 avril 2004, J.T.T., 2004, 457).

En ce qui concerne les autres frais, se référant au caractère d’ordre public de la législation – et donc l’interprétation stricte qu’il y a lieu de lui donner – la Cour rappelle que l’article 1er de l’arrêté royal du 17 octobre 2000 vise les frais de kinésithérapie mais que les séances de natation ne constituent pas des frais médicaux. A supposer qu’ils soient prescrits par un médecin, force est en l’espèce de constater que seule figure une attestation d’un médecin signalant qui l’intéressé doit participer à des séances de natation régulières pour « raison médicale ». Il n’est pas établi que ces séances sont nécessaires en raison de l’accident du travail ni qu’elles contribuent à remettre l’intéressé dans un état physique proche de celui qui était le sien avant l’accident.

Enfin, en ce qui concerne les frais de déplacement, la Cour énumère tous ceux qui sont indemnisés, conformément à l’article 36 de l’arrêté royal du 21 décembre 1971 et constate que les déplacements pour se rendre à une pharmacie ne sont pas considérés comme déplacements pour raison médicale.

Intérêt de la décision

Cet arrêt reprécise d’une part le mécanisme en vigueur pour les accidents survenus avant le 1er janvier 1988 – et qui ne sont pas rares à encore donner lieu à débats – et d’autre part les conditions et l’étendue du remboursement des frais, tout en rappelant que la victime doit établir qu’ils sont rendus nécessaires par l’accident et qu’il faut entendre par là les frais – de nature ou non à réduire l’incapacité de travail – susceptibles de remettre la victime dans un état physique aussi proche que possible de celui qui était le sien avant l’accident.

L’on notera que la Cour n’a pas exclu que des frais de séances de natation puissent être inclus. Elle fait cependant grief à la victime de ne pas établir leur lien avec l’accident.


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