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Etrangers en séjour illégal avec enfants, non orientés vers FEDASIL : le CPAS doit payer l’équivalent du RIS, taux « famille à charge », majoré des prestations familiales garanties

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 avril 2009, R.G. 48.940

Mis en ligne le mardi 21 septembre 2010


C. Trav. Bruxelles, 22 avril 2009, R.G. n° 48.940

FREE CLINIC ASBL pour TERRA LABORIS ASBL - Vincent Decroly

Le CPAS a négligé de lancer la procédure propre à organiser l’hébergement, par FEDASIL, d’une famille en séjour illégal avec enfants mineurs. Dans ce cas, il doit lui accorder l’aide sociale équivalente au RIS, taux « famille à charge », majorée d’un montant équivalent aux prestations familiales garanties pour chacun des enfants – et de la cotisation de mutuelle pour l’enfant belge si, comme en l’espèce, la famille en compte un.

Les faits

Equatoriens, les demandeurs sont arrivés en Belgique en 1998 et 1999 respectivement. Ils ont eu ensemble trois enfants, mineurs, dont la cadette est belge. A l’exception de cette dernière, tous les membres de la famille sont en séjour illégal.

Le CPAS accorde l’aide médicale urgente à tous les membres de la famille en séjour illégal, les cotisations de mutuelle pour l’enfant belge, ainsi qu’une aide sociale équivalente aux prestations familiales garanties pour les trois enfants.

La position du Tribunal

Outre l’aide sociale équivalente aux prestations familiales garanties, le tribunal condamne le CPAS à payer aux demandeurs, à partir du prononcé de son jugement, une aide sociale équivalente au RIS, au taux « famille à charge ». Il exige que le requérant s’engage à ne plus travailler au noir.

La position des parties en appel

Le CPAS demande la réformation du jugement. Il souhaite pouvoir mettre fin à son aide dès que FEDASIL aura indiqué être en mesure de prendre les intimés en charge. Il est soutenu par l’Etat belge, intervenant volontaire.

Les intimés demandent la confirmation du jugement.

La position de la Cour

La Cour constate que le CPAS n’a effectué aucune de démarche en vue de mettre en œuvre un hébergement en centre d’accueil FEDASIL, en dépit de l’art. 57, § 2, 2°, et de l’A.R. du 24 juin 2004. Elle observe que les intimés n’en ont pas fait non plus.

Sans s’appesantir sur l’état de besoin, certain et du reste incontesté, la Cour prend en considération la situation de la cadette, belge :

  • elle vit avec ses parents et ses deux frères, un enfant et un adolescent ;
  • sa santé et son développement sont entièrement dépendants de ses parents ;
  • le droit à l’aide sociale de ses parents est limité à l’aide médicale urgente.

La Cour en déduit que, pour rencontrer de la façon la plus appropriée ses besoins réels et actuels et lui assurer une vie conforme à la dignité humaine, il y a lieu d’octroyer, à ses parents, une aide sociale équivalente au revenu d’intégration au taux « famille à charge », majorée d’un montant équivalent aux allocations familiales garanties pour les trois enfants.

La Cour relève que les montants du revenu d’intégration (à l’époque environ 930 €) et des allocations familiales garanties (environ 300 €) ont été déterminés pour permettre à une famille de vivre conformément à la dignité humaine. Elle calcule qu’en l’espèce, hors les coûts afférents au logement, la somme de ces montants ne laisse que 605 € par mois à cette famille de deux adultes et trois enfants, c’est-à-dire 4 € par jour et par personne. La Cour considère qu’il s’agit là du minimum indispensable.

CPAS et Etat belge sont déboutés.

Intérêt de la décision

Cet arrêt détermine l’aide financière globale nécessaire pour qu’une famille en séjour illégal, comprenant au moins un mineur d’âge, vive conformément à la dignité humaine. Il s’agit de l’aide sociale équivalente au RIS au taux « famille à charge », majorée des prestations familiales garanties pour chaque enfant – ainsi que de la cotisation de mutuelle de l’enfant (ou des enfants) belge(s) éventuel(s). Soient 4 € par jour et par personne, hors frais de logement.

La Cour s’appuie évidemment sur l’absence d’initiative du CPAS en direction de FEDASIL et sur le fait que l’enfant belge n’est pas concerné par la restriction du droit à l’aide sociale prévue à l’art. 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976.

Cette dernière caractéristique de l’espèce n’a toutefois pas été déterminante. En effet, même en l’absence du mineur belge dans la fratrie, le CPAS aurait dû appliquer l’art. 57, § 2, 2°, de la loi précitée (constater la présence d’un mineur dont les besoins ne sont pas rencontrés par ses parents en séjour illégal, puis prendre langue avec FEDASIL en vue de leur hébergement dans une structure où l’aide sociale est limitée à l’aide matérielle indispensable au développement de l’enfant). Avoir manqué ici à cette obligation l’expose à en assumer les conséquences à l’égard des intimés.

La Cour ne se prononce toutefois pas sur la question de savoir si un hébergement en centre d’accueil aurait permis à cet enfant belge de mener une vie conforme à la dignité humaine.


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