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Enquête sociale du CPAS et collaboration de son usager : étendue et limites des devoirs de chacun

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 avril 2010, R.G. 2008/AB/51.591 et 2009/AB/51.809

Mis en ligne le mardi 21 septembre 2010


Cour du travail Bruxelles, 21 avril 2010, R.G. 2008/AB/51591 et 2009/AB/51809

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Dans un arrêt du 21 avril 2010, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que le CPAS ne peut invoquer un manque de collaboration pour tout document qu’il estime nécessaire et qui ne lui ont pas été fournis par le demandeur. Seules, des informations réellement pertinentes peuvent être exigées par le CPAS. Et certaines recherches lui incombent, plutôt qu’à son usager, dans le cadre de l’enquête sociale qu’il est tenu d’effectuer.

Les faits

Monsieur E.G. a cessé une activité indépendante le 10 mars 2008 et son divorce a été prononcé le 16 mai 2008. Il a signé un contrat de travail intérimaire le 30 mai 2008 pour des prestations les 2 et 16 juin 2008, puis a trouvé un travail salarié à partir du 24 juin 2008.

Le 16 juin 2008, le CPAS lui a refusé, pour manque de collaboration, le RIS qu’il avait demandé le 20 mai 2008.

La position du tribunal

Le tribunal a considéré que la décision du CPAS n’était pas motivée correctement, mais que le requérant n’avait néanmoins pas droit au RIS.

La position des parties en appel

Monsieur E.G. demande la réformation du jugement et le RIS pour mai et juin 2008 (ainsi que la prise en charge des frais de permis de conduire C).

Le CPAS demande la confirmation du jugement car le requérant est resté en défaut de lui communiquer la preuve officielle de sa séparation, une attestation de l’ONEm déclarant qu’il ne bénéficie pas d’allocations de chômage, une preuve de radiation de son numéro d’entreprise, une attestation de cessation d’activité, une attestation d’inscription auprès d’ACTIRIS et ses extraits de compte des deux derniers mois.

La position de la Cour

La Cour rappelle

  • l’obligation du CPAS de réaliser une enquête sociale sur toute demande de RIS (art. 19, §1, de la loi du 26 mai 2002) ;
  • l’obligation, pour le demandeur, d’y collaborer en fournissant au CPAS tous les renseignements utiles (art.19, § 2.).

Elle précise toutefois qu’en vertu de l’art. 11 de la loi du 15 janvier 1990 relative à l’institution et à l’organisation d’une banque-carrefour de la sécurité sociale, « lorsque les données sont disponibles dans le réseau, les institutions de sécurité sociale sont tenues de les demander exclusivement à la banque carrefour ».

Par ailleurs, la Cour renvoie à l’art.11 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la « Charte » de l’assuré social (CAS) qui dispose que si malgré le rappel qui lui est adressé, le demandeur reste, pendant plus d’un mois, en défaut de fournir les renseignements complémentaires demandés par l’institution de sécurité sociale, celle-ci, après avoir accompli toute démarche utile en vue de l’obtention desdits renseignements, peut statuer en se basant sur les renseignements dont elle dispose, sauf si le demandeur fait connaître un motif justifiant un délai de réponse plus long.

En l’espèce, la Cour constate que l’enquête sociale est « tout à fait sommaire » et que « c’est en raison principalement de [ses] lacunes » que le CPAS a estimé ne pas disposer des informations nécessaires pour statuer.

En ce qui concerne les documents prétendument manquants, elle relève :

  • que la plupart « étaient accessibles via la banque-carrefour ou le registre national » ;
  • que certains n’étaient pas pertinents (le numéro d’entreprise n’appartenait pas personnellement au requérant, mais à une société dont il avait cédé les parts) ou ne plaçaient pas le CPAS dans l’impossibilité de statuer ;
  • que, pour les autres, le CPAS n’avait pas envoyé de rappel.

Même si la cession des parts de sa société s’était faite à titre onéreux (ce que le CPAS ne démontre pas), seul aurait dû pris en compte l’intérêt fictif calculé, conformément aux art. 27 et 30 de l’A.R. du 11 juillet 2002, sur la partie du capital excédant 6200 €, après déduction des charges personnelles que ce capital aurait permis de rembourser.

Vu l’absence de ressources pendant la période litigieuse (données de la banque-carrefour et des extraits de compte) et la disposition du travail, la Cour octroie le revenu d’intégration sociale pour la période du 20 mai au 24 juin 2008.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle que le devoir de collaboration n’est pas une condition d’octroi et que le défaut de collaboration constitue, tout au plus, un obstacle à l’octroi en mettant le CPAS dans l’impossibilité réelle d’apprécier si les conditions d’octroi sont réunies.

Le CPAS ne peut invoquer un manque de collaboration à propos d’informations disponibles à la banque-carrefour ou au registre national. Pour les autres informations, il doit, rappelle la Cour, (i) fixer un délai endéans lequel elles sont attendues, (ii) adresser au requérant un rappel si elles ne lui parviennent pas dans ce délai, tout en lui laissant la faculté d’avancer un motif justifiant un délai prolongé, (iii) accomplir lui-même toute demande utile à leur obtention.

Le requérant doit donc collaborer, mais la charge de collecter les informations nécessaires au CPAS ne repose pas exclusivement sur lui. Le CPAS doit recueillir celles auxquelles il a accès lui-même et ne peut se borner à en dresser la liste, puis à attendre que le requérant les lui apporte toutes.


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