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Refus d’ordre et motif grave : l’exercice par l’employeur de son autorité doit être légitime

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 30 mars 2010, R.G. 1.832/10

Mis en ligne le vendredi 4 juin 2010


Tribunal du travail de Bruxelles, 30 mars 2010, R.G. n° 1.832/10

TERRA LABORIS ASBL – Sandra CALA

Dans un jugement du 30 mars 2010, le Tribunal du travail de Bruxelles est amené à statuer sur un motif grave, consistant notamment dans un refus d’obéir à un ordre. Le Tribunal rejette le motif grave, dès lors que les circonstances dans lesquelles l’ordre a été donné ne sont pas acceptables.

Les faits

Monsieur M. est occupé en qualité de comptable par la société C. Il est licencié pour motif grave par lettre du 31 juillet 2009, cette lettre lui reprochant d’avoir commis une erreur dans l’envoi d’un mail urgent et d’avoir refusé, le lendemain, face au constat posé par l’employeur, de reconnaître la faute et de la réparer sur-le-champ. Dans le courrier, l’employeur évoquait l’existence de faits antérieurs du même type. Il se saisissait par ailleurs du refus d’obtempérer à l’injonction pour licencier pour motif grave. L’intéressé contesta la réalité et la gravité des faits, mettant par ailleurs son employeur en demeure de régler le décompte de sortie, en ce compris l’indemnité compensatoire de préavis. L’employeur campa cependant sur ses positions, alléguant que le refus de réparer l’erreur commise serait constitutif de motif grave, d’autant qu’il existerait des antécédents du même type. L’employeur ajouta que le refus de collaborer aurait été manifesté par l’attitude de l’intéressé, qui serait resté assis sur une chaise en croisant les bras.

L’échange de correspondance intervenu entre parties ne permettant pas de régler la situation, Monsieur M. dut se résoudre à saisir le Tribunal du travail.

Celui-ci statua par défaut à l’égard de l’employeur.

Position du Tribunal

Le Tribunal rappelle, sur le plan des principes, que les refus d’ordres et autres actes d’insubordination caractérisés sont reconnus par la jurisprudence comme constituant des motifs graves. Il précise cependant que l’insubordination n’est susceptible de rompre le lien de confiance qu’aux conditions d’être posée sans aucune ambigà¼ité et d’avoir pour objet un ordre que l’employeur peut légitimement formuler à l’égard du travailleur, c’est-à-dire qui respecte le champ contractuel et légal.

Il rappelle par ailleurs que le contrat ainsi que la loi mais également les principes généraux du droit définissent des contours de l’obligation pour le travailleur de répondre aux ordres de l’employeur, étant qu’il doit s’agir d’ordres relatifs à l’exécution du contrat de travail.

Enfin, le Tribunal considère que le motif grave doit être apprécié in concreto et dès lors en tenant compte de l’ensemble des circonstances propres à la cause, et que influent sur celui-ci l’importance de la responsabilité de l’auteur des faits ou encore la possibilité de poursuivre la collaboration professionnelle. A cet égard, le Tribunal souligne que l’insubordination ne doit pas être confondue avec des paroles maladroites, voire avec le droit de critique exercé d’une manière raisonnable.

Appliquant ces principes à la présente cause, le Tribunal examine les faits établis. L’employeur, faisant défaut, ne déposant pas de dossier, c’est au travers de l’échange de correspondance que le Tribunal apprécie les circonstances de la cause. Il constate que le seul élément sur lequel les parties concordent est le fait que l’intéressé ne conteste pas avoir refusé d’exécuter l’ordre (et de réparer l’erreur commise). Le Tribunal relève que l’intéressé invoque un contexte précis dans lequel ce refus a été posé, à savoir qu’il n’y avait pour lui aucune erreur initiale dans l’envoi du courriel, celui-ci ayant été expédié à l’adresse qui avait été donnée par l’employeur et que, donnant ses explications, il s’est vu prendre à partie d’une manière violente et agressive par l’employeur.

Eu égard à ces circonstances, le Tribunal considère que le refus d’ordre se justifie par le manque de respect et d’égard dont l’employeur a fait montre vis-à-vis du travailleur. Il souligne en effet qu’en sa qualité d’employeur, celui-ci était tenu de donner ses ordres dans des conditions acceptables et aurait dès lors du se calmer, de manière à retrouver une autorité légitime.

Sur ces bases, le Tribunal fait droit à l’indemnité compensatoire de préavis réclamée par l’intéressé.

Intérêt de la décision

Quoique cette décision ait été rendue par défaut, c’est-à-dire alors que l’employeur n’a fait valoir aucun moyen de défense, le jugement du 30 mai 2010 contient une analyse fouillée des principes applicables en matière de reconnaissance d’un refus d’ordre au titre de motif grave.


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