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Allocations pour personnes handicapées : conséquences du retard mis à instruire une revision d’office

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Liège, 9 novembre 2009, R.G. 35.797/2008

Mis en ligne le jeudi 20 mai 2010


Cour du travail de Liège, 9 novembre 2009, R.G. n° 35.797/2008

TERRA LABORIS ASBL – Sophie REMOUCHAMPS

Dans un arrêt du 9 novembre 2009, la Cour du travail de Liège retient que le retard mis à l’instruction d’une demande de revision d’office peut constituer une faute du Service des allocations aux personnes handicapées entrainant sa responsabilité civile.

Les éléments de la cause

Dans le cas d’espèce, le Service des allocations aux personnes handicapées du SPF des affaires sociales a entrepris une revision d’office vu la modification de la situation du bénéficiaire d’allocations. Celui-ci a en effet entamé une activité professionnelle et bénéficie, en conséquence, de revenus professionnels.

Le Service des allocations aux personnes handicapées a cependant négligé, dans l’instruction du dossier, de respecter le délai légal de huit mois.

Dans un premier arrêt du 27 mars 2009, la Cour du Travail de Liège a constaté qu’il n’existe aucune sanction dans une telle hypothèse et a notamment rouvert les débats sur la question de la rétroactivité de la décision prise, sur le délai de prescription applicable et sur les conséquences du retard mis par le service pour prendre la décision de revision d’office.

La Cour relève en ce qui concerne la rétroactivité de la décision que l’article 23, §2 de l’arrêté royal du 22 mai 2003 concernant le traitement des dossiers en matière d’allocations aux personnes handicapées prévoit que la nouvelle décision produit ses effets le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel le bénéficiaire se trouve dans la situation donnant lieu à la décision de revision.

La décision peut dès lors rétroagir, et ce indépendamment de la diligence (ou de l’absence de diligence) du Service.

L’on ne peut opposer à une règle de droit un principe général (tel que la légitime confiance, la bonne administration ou encore la sécurité juridique). La méconnaissance de ce principe peut cependant constituer une faute.

La Cour relève que ne peut constituer une faute la décision elle-même, dans l’hypothèse où la juridiction saisie ne s’y rallie pas. La Cour rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation à cet égard (Cass. 25 octobre 2004, J.T.T., 2005, p. 106 – voir également d’autres arrêts de fond cités). Par contre, la responsabilité de l’autorité peut être engagée sur pied des articles 1382 et 1383 du Code civil en cas de comportement pouvant consister en une erreur de conduite (la Cour renvoyant à l’arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2002, Chron. Dr. Soc., 2003, p. 115) ou en la violation d’une norme de droit national (voire d’un traité international ayant des effets dans l’ordre juridique interne) imposant à l’autorité de s’abstenir ou d’agir d’une manière déterminée. L’erreur de conduite doit s’apprécier, ainsi que le relève la Cour du travail, suivant le critère de l’autorité normalement soigneuse et prudente, placée dans les mêmes conditions. En ce qui concerne la violation d’une norme, sa sanction est tempérée par l’erreur invincible ou une autre cause de justification.

A ces deux hypothèses, figurant dans l’arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 2004 cité, la Cour du travail en ajoute une autre, étant celle d’un défaut d’information au sens la Charte de l’assuré social. Elle reprend ici diverses décisions (C. trav. Brux., 30 avril 2007, Chron. Dr. Soc., 2008, p. 566 ; Trib. trav. Brux. , 28 janvier 2004, Chron. Dr. Soc., 2006, p. 588 et (ONSS) C. trav. Liège, 18 avril 2006, J.L.M.B., 2007, p. 1074).

Ainsi, si l’institution n’indique pas immédiatement à l’assuré social que pour obtenir des allocations à un taux déterminé auquel il a droit vu la notification d’un avis de changement d’adresse, il doit introduire une demande de revision.

Appliquant ces principes au présent cas, la Cour conclut que le retard mis par le Service à traiter une information reçue engendrant un indu est constitutif de faute. En l’espèce, l’information reçue l’ayant été un jour trop tard, le traitement du dossier a duré plus d’un an et sept mois. Pour la Cour, la lenteur est non justifiée, inadmissible et fautive. Si la décision avait été prise rapidement, la récupération aurait été très limitée, voire nulle.

Il en résulte nécessairement un dommage, du fait de la longue période sur laquelle portera, du fait la faute commise, la récupération des allocations. La Cour invite dès lors les parties à fixer le dommage consécutif à la faute.

Intérêt de la décision

La Cour du Travail, qui avait relevé dans un précédent arrêt du 27 mars 2009 qu’il n’existe pas de sanction en cas de non respect du délai de huit mois pour prendre la décision administrative, fait droit à la demande de l’intéressé, fondée sur les articles 1382 et 1383 : le retard mis au traitement d’une information reçue engendrant un indu est une faute et donne lieu à réparation. La Cour n’indique cependant pas encore dans cet arrêt comment l’indemnisation interviendra.


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